Alzahel de Bruno Carlisi

L'histoire d'Alzahel : entre roman d'aventures et conte fantastique
L’histoire d’Alzahel : entre roman d’aventures et conte fantastique

Existait-il d’autres nuits en plus de celles racontées par Shahrâzâde? Bruno Carlisi nous répond ”oui” dans son premier roman Alzahel, ou les Nuits que Shahrâzâde n’eut l’audace de conter. Finaliste au prix Matmut 2014 du 1er roman, ce récit raconte la vie du ”filiforme Alzahel”, fils d’Adîb et de Quirup, né en Orient et destiné à entreprendre de longues et souvent dangereuses pérégrinations pour libérer ses ”mères”. L’auteur nous entraîne dans ces aventures haletantes.

Un personnage à la parole puissante et agissante

Pour parer les obstacles son arme est le ”Verbe Droit” : maîtrise précise et profonde de la rhétorique, connaissance fine de l’art oratoire, de la poésie et de l’argumentation. Car Alzahel est avant tout un esprit, une voix, une réplique puissante capable de faire plier les adversaires qu’il rencontre comme lors de ce ”combat de mots” qui l’oppose à Caleb. Personnage de fiction, Alzahel est aussi une métaphore poétique sur les pouvoirs et les charmes de la parole, de ce ”Verbe Droit” qui tient à la fois de l’apprentissage scientifique et du divin.

Alzahel est une sorte d’Ulysse arabe: sillonnant les routes, il n’hésite pas à utiliser la ruse afin de déjouer les pièges, de débroussailler des situations complexes et souvent conflictuelles et d’arriver à ses fins. Lui qui, à la suite de ses études, se posera la question de l’utilité du savoir, se rendra compte très vite de son efficience, de sa capacité à devenir un rempart face à l’injustice.

Un auteur à l’écriture délicate et poétique

Si le protagoniste se définit prioritairement (et presque uniquement) par la qualité de son discours, qu’en est-il de l’auteur? C’est lui qui donne aux mots d’Alzahel toute leur force et toute leur saveur. C’est lui qui, bien sûr, le fait parler. Mais, les autres personnages, les compagnons d’Alzahel, les multiples femmes qui occupent une place importante dans le récit, mais aussi le narrateur, se caractérisent par la subtilité de leurs interventions. On assiste à un concert de finesse. L’auteur, à travers ses personnages a ”le goût de l’exactitude” et recherche – toujours – le mot juste. Il s’emploie à manier un vocabulaire divers et précis, à révéler les richesses évocatoires de la langue. On ne s’étonnera pas si les personnages sont réduits à leur voix, à leurs actions ; s’ils semblent dénués d’intériorité profonde, de ”psychologie”. Leur essence vaporeuse, inhérente à l’écriture du conte, renforce la poésie, et l’irréel qui plane sur le texte.

Un encrage géographique et littéraire: le conte arabe

Une relation entre le lecteur et le narrateur se tisse. En effet, dans la pure tradition du conte arabe, ce dernier n’hésite pas interpeller le lecteur. Par un tutoiement complice une intimité naît à la lecture du texte qui prend l’allure d’une conversation-confession. S’il prend le risque de briser l’illusion romanesque, le narrateur instaure une relation privilégiée avec le lecteur dont il anticipe les émotions et les réactions. Cependant, conscient de l’ignorance (plus ou moins grande) d’un lecteur peu habitué à la lecture de contes arabes, il conserve sa position d’autorité en faisant preuve d’un didactisme à la fois utile et léger. D’abord, ce sont les lieux – autant d’étapes dans le voyage d’Alzahel – qui sont mentionnés et décrits. Dans une sorte de naturalisme oriental l’auteur nourrit son texte de détails et d’allusions en lien avec l’espace occupé par les personnages. Mais ce sont aussi les mœurs qui attirent l’attention de l’auteur et sur lesquels sa plume s’arrête. ”La profondeur des hammams”, ces ”grottes antédiluviennes aux vapeurs acres” n’ont, par exemple, aucun secret pour lui. On remarque l’importance des corps dans cette écriture de la sensualité, une poétisation du désir, toujours pensé comme une force créatrice. Des notes en bas de pages, qui mériteraient cependant d’être étayées, sont aussi là pour pallier toute carence de sens et éclairent l’obscurité de termes étrangers. En somme, tout est fait pour immerger le lecteur dans l’atmosphère des contes arabes et peut-être aussi lui ouvrir les portes d’une littérature qui lui est peu familière.

Si c’est sur les mots qu’Alzahel fonde son ascension, c’est grâce aux mots aussi que Bruno Carlisi, qui voulut faire des mille et une nuits des nuits infinies, dessine les contours de son statut d’auteur.

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