Avec motifs apparents

Prune Nourry, vue de l'installation Terracotta Daughters galerie Magda Danyzs à Shanghai en 2013. Photo Prune Nourry. Courtesy galerie Magda Danysz Paris-Shanghai
Prune Nourry, vue de l’installation Terracotta Daughters galerie Magda Danyzs à Shanghai en 2013. Photo Prune Nourry. Courtesy galerie Magda Danysz Paris-Shanghai

L’exposition Avec motifs apparents invite du 22 mars au 10 août cinq artistes à créer ou recréer in situ au CENTQUATRE à Paris une ou plusieurs oeuvres monumentales représentatives de leur travail. S’appuyant sur l’architecture, conçues pour ses espaces spécifiques, elles débordent souvent la surface qui leur est attribuée pour interpeller les visiteurs. Leur motif est clair: séduire pour attirer l’attention et créer une tension entre l’attraction plastique de ce qui est présenté et la réalité du sujet traité. Sans choquer, à peine cachées par des oeuvres d’apparat, se posent néanmoins certaines questions de manière impérieuse.

Directement inspirée par la célèbre armée de Xian, Prune Nourry présente sa propre armée de Terracotta Daughters. A la suite de son projet Holy Daughters en Inde, l’artiste s’intéresse aujourd’hui au déséquilibre démographique en Chine. Elle a infiltré pendant un an la culture locale et créé plus d’une centaine de figures grandeur nature. Présentée dans sa totalité à Shanghai à la galerie Magda Danysz en 2013, l’oeuvre monumentale investit désormais la halle principale du CENTQUATRE.

Les Favelas de Pascale Marthine Tayou sont en fait constituées d’innombrables nichoirs d’où filtrent des murmures, comme si chacun était habité. Le sujet de son installation Court-circuit est la connexion, tant entre les personnes – des tables et des chaises sont prêtes à les accueillir – qu’entre les objets: des fils électriques relient tous les éléments. Des relations pas toujours simples… L’artiste évoque ainsi sa troisième oeuvre présentée au CENTQUATRE, Empty Gift: « J’aurais tant aimé définir le sens de la rencontre. C’est quoi un cadeau si ce n’est le portrait de l’inconnu? Que signifie ce geste d’offrir ou de donner? […] Ce projet est une semence, semer le doute dans le coeur de la haine, porter le ciel plus haut que l’enfer au-delà des cimes, une poésie plastique pour célébrer nos rêves et nos envies, laisser couler le robinet du temps bonheur pour la survie de la vie. »

Xavier Juillot conçoit des utopies urbaines en recourant à l’expérimentation de matières et de techniques. Il met en jeu l’espace et les bâtiments existants en intervenant grâce à son matériau premier: le vide. Des éléments connus apparaissent transformés, nouveaux, mêlant deux mondes, un monde onirique à une inquiétude naissante. Avant sa réalisation de Déprime passagère au CENTQUATRE, il a déjà investi la Saline royale d’Arc-et-Senans, la baie de Sydney ou la Cité des Sciences de La Villette. A contrario, l’oeuvre Vestiges d’Alice Mulliez se constitue de plusieurs tonnes de sucre cristal. Emergent de cette immense nappe de sucre quelques rosaces, vestiges des temps bourgeois. Mais aussi des briques, des parpaings, autres matériaux de construction du bâtiment… On ne sait finalement pas si ces éléments réapparaissent ou sont en train de s’enliser pour disparaître à tout jamais. Il est question ici de décadence, d’épuisement, de gâchis, d’un cycle qui ne trouve plus les ressources pour se renouveler.

Enfin dans ses trois propositions, Jérémy Gobé utilise la laine et le textile. La Liberté guidant la laine, installation entre maillage et toison, ouvrage et geste gigantesque, met à l’honneur le travail, celui qu’on oublie ou qui se fait oublier. Le motif se répète inlassablement et subit des distorsions inattendues. Le Propre de l’homme et Chairs sont des installations constituées de meubles – certains appartiennent au CENTQUATRE – recouverts de tricots et de vêtements récupérés. Comment donner une autre vie à un objet perdu, comment lui redonner corps, peut-être lui retrouver un propriétaire fantomatique?

Exposition du 22 mars au 10 août 2014. Le CENTQUATRE, 5 rue Curial – 75019 Paris. Tél.: 01 53 35 50 00. Ouverture du mardi au vendredi de 12h à 19h, samedi et dimanche de 11h à 19h.

A propos Mikael Buffard

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