La Villa : une fable qui fait des remous

Et si c’était vous ? Robert Guédiguian tente de nous interpeller sur le sort des migrants sous la forme d’une fable humaniste emprunte d’une nostalgie maladroite. Sur le même thème en début d’année, Michael Haneke privilégiait la farce acide avec son Happy EndDeux salles, deux ambiances. Mais les deux films s’appuient sur la même dynamique : confronter une famille bourgeoise face à cette tragédie migratoire. Le postulat est identique : suite à un proche hospitalisé, une réunion de famille est improvisée. Chacun arrive avec son quotidien et les conflits larvés de génération en génération vont faire imploser la cellule familiale.

Sauf qu’avec Robert Guédiguian ça sent le Pastis, et les violentes disputes anisées se résument à deux ou trois pics bien senti parce que “c’était mieux avant”.  Pendant 1h nous sommes enfermés dans cette villa sans enjeux dramatiques. L’intention est louable : nous faire ressentir la bulle d’égoïsme dans laquelle se complait chacun des personnages. Mais le rythme est tellement lénifiant que l’empathie recherchée est aux abonnés absents.

G à D : Bérangère, la bobo parisienne (Anaïs Demoustier). Angèle, l’actrice qui se la joue (Ariane Ascaride). Benjamin, le pêcheur au grand coeur (Robinson Stévenin). Armand, l’homme qui grognait à l’oreille des oursins (Gérard Meylan). Joseph, le cadre sup moyen au bout du rouleau (Jean-Pierre Darroussin).

La Villa où il fait bon d’être gêné

Robert Guédiguian s’égare au point de se transformer en Stéphane Plaza qui cherche à nous vendre cette villa : “Elle est superbe ! Y’aurait moyen de monter un business avec le restaurant. A moins de 3h de Paris, tu imagines ?” s’extasie la working girl Bérangère. Et chacun y va de son petit mot philosophique : “Moi je connais le monde, je suis actrice” lance Angèle devant les yeux pétillants d’amour de l’ingénu Joseph, pêcheur de surcroît. A l’heure du digeo, Joseph refait le monde : “Ah Paris… avec tous ses attentats et ses arabes non civilisés“. On ne sait pas si on doit en rire ou pas, tant cette fable humaniste se prend les pieds dans des clichés mal digérés.

Et les migrants arrivent. Enfin ! L’intrigue va-t-elle évoluer tel un Festen explosif au rythme du chant des cigales ? Non, et c’est d’autant plus ennuyant. La famille s’adapte trop facilement à ces nouveaux arrivants. Et c’est parti pour 40 minutes à jouer au chat et la souris avec les militaires, parce que le monde d’aujourd’hui n’a plus de coeur. C’était mieux avant, non ? Robert Guédiguian en est persuadé. La Villa doit être vu comme une fable, mais se transforme vite en farce. Contrairement à Michael Haneke elle ne prête pas à la réflexion mais à une certaine gêne, qu’un sujet aussi sensible soit traité avec autant de légèreté et de bien-pensance. Mais bon, au moins cet été vous saurez où aller pour votre traditionnelle séance de farniente. A moins de 3h de Paris, c’est une bonne affaire…

La Villa, de Robert Guédiguian, sortie le 29 novembre 2017.
Avec : Anaïs Demoustier, Ariane Ascaride, Robinson Stévenin, Gérard Meylan et Jean-Pierre Darroussin.
Durée : 1h47

 

A propos Yohann.Marchand

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5 commentaires

  1. Yohann.Marchand

    Lo et Eric, l’auteur est ravi que cette critique vous a interpellé. Dans le fond Happy End et La Villa se ressemblent : une réunion de famille impromptue, des membres qui se détestent, un sentiment que tout le monde est coupé du monde, et l’arrivée des migrants qui confronte chacun à leur “petit monde égoïste”. L’auteur n’a jamais dit que dans la forme les films sont identiques. Bien contraire :) Pendant 1H, Guédiguian nous plonge dans une bulle sporadique pour ressentir ce détachement à la dure réalité auquel s’accroche chacun des persos. C’est un parti pris auquel je n’ai pas accroché. De même que l’usage maladroit du thème des migrants. Merci en tout cas pour vos remarques. Vive le débat :)

  2. Il semblerait que l’auteur de l’article soit passé à côté de du véritable propos de ce film. Il semblerait qu’il ait également tout compris de travers.
    Sa critique est extrêmement réductrice, et donne une idée baisée du film qui à une toute autre teneur.
    Ce film mérite d’être défendu et bien compris.
    La première erreur est de penser que c’est un film expressément sur les migrants : faux. À vous lire, on croirait que c’est un film sur des militaires, à la recherche de migrants qui se seraient cachés dans les calanques. Non. Cela fait partie du film, mais parmi tant d’autres événements. Les personnages ne passent pas “40 minutes à jouer au chat et à la souris avec les militaires” qui cherchent des migrants qui se seraient échouer sur les rives des calanques. Ce n’est pas ça. Il ne faut pas exagérer. Leur passage dans la calanque à quatre ou cinq reprises n’est, en réalité, qu’un événement parmi tant d’autres situations relatant des rapports humains plus riches et des situations beaucoup plus complexes. Ils ne sont presque qu’un prétexte mais sûrement pas le sujet principal.
    Ensuite, le comparer au film de M. Haneke de la sorte paraît quelque peu douteux. Guediguian ne montre pas une cellule familiale qui implose.
    Guediguian n’est pas un moraliste. Il nous expose des personnalités qui sont ce qu’elles sont, avec des défauts et des qualités, mais qui tentent de se remettre en cause, parfois de se rendre perfectible. Ce qu’il montre, c’est la manière dont chacun parvient à composer avec ce qui lui arrive dans l’existence. Non, l’empathie n’est pas aux abonnés absents. Chacun des personnages à quelque chose d’attachant.
    Non, nous ne sommes pas “enfermés dans cette villa pendant une heure”. À lire cela, on croirait que c’est pesant, sans intérêt.
    Quant à la comparaison avec Plaza, l’immobilier etc. … ne confondez-vous pas le film avec ce fameux programme de M6 sur lequel vous êtes tombé en zappant il y a quelques jours ?
    Non, le réalisateur n’expose pas une vision réac, légère et bien-pensante dans ce film. C’est tout l’inverse.
    Bref, “La villa” n’est sans doute pas parfait mais en aucun cas, il a les travers que vous lui prêtez.

  3. Une critique de ce film que je trouve très radicale, c’est gommer les films de ce groupe d’amis autour de Robert Guédiguian et d’Ariane Ascaride…Le film évoque la famille, le réalisateur sensibilisé par ces enfants se tenant la main, évoque l’union, la fratrie, mais aussi la désillusion de notre société, qui masque notre impuissance à résoudre la misère des migrants ! J’ai eu l’occasion d’interviewer Robert, son cinéma est riche de ses observations mais en aucun cas, il ne fait la “carte postale” immobilière énoncée dans l’article. Certes, son cinéma a ses disciples dont j’avoue appartenir !

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