Festival de Cannes J10 : Sils Maria d’Olivier Assayas

Pour ce dernier jour de la compétition, deux films en sélection officielle ont été présentés.

juliette-binocheSils Maria d’Olivier Assayas est le dernier film français à entrer en lice. Juliette Binoche y incarne Maria Enders ,une comédienne qui a connu la gloire à vingt ans au théâtre en interprétant Sigrid, une jeune fille ambitieuse et au charme trouble qui conduit au suicide une femme plus mûre. Vingt ans plus tard, on lui propose de reprendre cette pièce mais cette fois en jouant l’autre rôle. C’est à une jeune actrice américaine en vogue (Chloe Grace Moretz, vue récemment dans Hugo Cabret de Martin Scorsese)  qu’est alors proposé le rôle de Sigrid. Maria Enders, accompagnée de son assistante interprétée par Kristen Stewart, se rend alors en Suisse, dans le village de Sils Maria, pour rendre hommage à l’auteur de la pièce et pour préparer son rôle. Olivier Assayas connaît bien le festival : il a été membre du jury et il a présenté plusieurs de ses films parmi lesquels Les destinées sentimentales, Clean et Carlos qui ont valu des prix d’interprétation à ses acteurs, Maggie Cheung et Edgar Ramirez. Il nous livre cette fois un film qui aborde le thèmes du métier de comédienne, du temps qui passe pour les actrices et pour les femmes en général. Maria Enders n’est plus la jeune première qu’elle était à vingt ans et ne se trouve plus autant sous les feux de la rampe. La jeune actrice qu’interprète Chloe Grace Moretz, elle,  fait la une des journaux. Pour répéter son rôle, Maria fait appel à son assistante, qu’elle malmène parfois, dont elle n’écoute pas toujours les conseils. Dans cette relation un peu étouffante, cette dernière va avoir de plus en plus de difficultés à trouver sa place. Assayas fait la part belle à Juliette Binoche mais accorde aussi une place importante aux deux autres femmes qui gravitent autour d’elle. Kristen Stewart, sortie des Twilight, est très crédible en assistante à l’écoute. C’est elle la véritable révélation du film. Le paysage et Sils Maria constituent également des éléments essentiels, presque des personnages à part entière. C’est dans ce petit village suisse que Nietzsche  résida quelques mois. Comme le révèle le titre anglais, “Clouds of Sils Maria”, Assayas a plongé ses personnages le temps d’une saison et d’une répétition, dans un paysage de montagnes unique : “le serpent de Maloja”, une succession de nuages qui s’étire et s’allonge au-dessus de  la vallée. Certes, il ne s’agit pas du meilleur film d’Olivier Assayas mais Sils Maria offre un beau trio d’actrices et soulève des réflexions intéressantes sur le métier d’actrice avec ses hauts et ses bas inévitables.

Enfin, à 22h30, pour clôturer la sélection officielle de cette 67e édition, a été présenté Leviathan du réalisateur russe Andrei Zviaguintsev. Ce réalisateur a déjà remporté le prix Un Certain Regard avec Elena et l’Ours d’Or au festival de Berlin avec Le Retour. Il fait donc figure de sérieux concurrent pour la Palme d’Or. Dans Leviathan, à la référence biblique évidente, il montre Kolia, qui vit au bord de la mer de Barents, au nord de la Russie, avec sa femme et son fils Roma qu’il a eu d’un précédent mariage. Le maire, aux méthodes pas toujours honnêtes, souhaite s’approprier le garage, le terrain et la maison de Kolia qui n’entend pas se laisser faire. Zviaguintsev fait ici le portait d’un véritable héros tragique, face à son destin. Kolia cherche à résister au maire, qui incarne à lui tout seul le mal et la corruption, alors qu’en même temps il assiste  impuissant au délitement de son couple puisque sa femme est attirée par le bel avocat venu de Moscou. Que faire lorsque la mort rôde, que l’on s’en prend aux siens et que l’injustice frappe ? Comme il l’a rappelé dans le dossier de presse, si son film est ancré dans le terreau russe, c’est qu’il “ne ressent aucune parenté, aucun lien génétique avec quoi que ce soit d’autre”. Cependant, il aborde des thèmes universels et intemporels. Il arrive à tout homme, à un moment de sa vie, où il doit défendre son sens de la justice. Dans le film, on voit Kolia lutter de toutes ses forces pour ne pas sombrer. Mais c’est un peu le pot de terre contre le pot de fer..Leviathan est un film dense, fort, tragique, qui a de fortes chances de figurer au palmarès.

A la Semaine de la Critique,  Hippocrate de Thomas Lilti a été présenté en séance de clôture. Ce film, réalisé par un ancien médecin, présente une grande part d’autobiographie. En effet, on suit Benjamin dans son premier stage d’interne dans le service de son père, interprété par Jacques Gamblin. Rien ne va se passer comme prévu. La pratique est bien sûr éloignée de la théorie. Benjamin va être très vite confronté à ses responsabilités, ses limites et ses peurs. Il va devoir travailler avec Abdel, un médecin étranger plus expérimenté que lui. Au terme de son internat, son initiation terminée, il ne sera plus le même. Dans le rôle de ce jeune interne, Vincent Lacoste qu’on avait vu déjà à la Semaine de la Critique dans Les beaux gosses il y a quelques années, trouve enfin son premier rôle d’adulte et il est tout à fait crédible. Face à lui, Jacques Gamblin en père pas toujours présent, Félix Moati et surtout Reda Kateb en médecin étranger, plutôt sûr de lui. Ce dernier avait déjà monté les marches du Palais trois jours avant avec Ryan Gosling pour Lost River. Thomas Lilti plonge le spectateur au coeur de la vie d’un hôpital. On y voit surtout les médecins et les infirmiers à l’oeuvre. La fatigue, les conditions de travail pénibles font que l’erreur médicale n’est jamais loin et peut remettre en question les convictions du personnel soignant. Dans le cinéma français, on avait déjà vu de nombreux films traitant du milieu médical et des hôpitaux. Hippocrate est différent. Il fait la part belle aux seconds rôles. L’hôpital est comme un microcosme où toutes les étapes de la vie sont concentrées : l’amitié, l’amour, les peurs, les responsabilités, les déceptions. C’est un film dramatique, mais avec de vraies bouffées d’oxygène parfois. On en sort heureux, comme Benjamin, à la fin de son année d’internat.

 

A propos Laurence

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