Festival de Cannes J10 : Memoria, France et Haut et fort

Dixième jour du Festival et trois films en compétition : Memoria du réalisateur thaïlandais déjà lauréat d’une Palme d’Or Apichatpong Weerasethakul, France de Bruno Dumont et Haut et Fort de Nabil Ayouch.

Memoria d’Apichatpong Weerasethakul

Le réalisateur thaïlandais, lauréat de la Palme d’Or avec Oncle Bonmee, était de retour à Cannes jeudi avec Memoria. Cette fois, il a délaissé son pays natal et a fait appel à des acteurs internationaux, et tout particulièrement Tilda Swinton et Jeanne Balibar. Il a fait le choix de tourner en Colombie cette histoire éminemment poétique et troublante. Jessica (Tilda Swinton), dont on sait peu de choses (est-elle en deuil de son mari ? De son père ?) est venue rendre visite à sa soeur hospitalisée. Elle est victime d’insomnies. Un jour, elle entend un bruit extrêmement fort, comme une détonation. Elle est visiblement la seule à l’entendre. Elle se rend chez un ingénieur du son qui va s’efforcer de restituer ce bruit indéfinissable. Le film retrace le parcours de cette femme, en ville, à l’hôpital où elle rencontre une archéologue-paléontologue (Jeanne Balibar) puis dans les montagnes de Bogota avec un habitant, étape ultime de son voyage à travers la mémoire et les sensations du passé. Car le film parle avant tout de cela : nous sommes des antennes de la mémoire. Chaque petite parcelle de la nature porte en elle des réminiscences du passé. Il faut accepter de se laisser porter par Memoria, qui nous entraîne dans un grand moment de cinéma, une expérience collective, dont on sort apaisé. Apichatpong Weerasethakul a encore une fois réussi un tour de force avec ce film poétique et contemplatif.

France de Bruno Dumont

Bruno Dumont est un habitué de Cannes. La dernière fois qu’il était en compétition, c’était avec Ma Loute, une comédie burlesque. Il est de retour avec France, porté par Léa Seydoux. Elle incarne France De Meurs, une journaliste de la télévision, véritable star de la presse people. Dès la première scène, le ton est donné : très sure d’elle et de son charme, elle assiste à la conférence de presse d’Emmanuel Macron où elle se fait remarquer par sa question. Son assistante (Blanche Gardin) est toujours là pour l’épauler et lui souffler des idées. Tout lui sourit : elle est adulée, elle a un magnifique appartement (il ressemble à un musée ou même à un lieu sacré avec des vitraux), elle porte des tenues de grands couturiers et elle a un mari (Benjamin Biolay) et un enfant, dont elle se sent de moins en moins proche. Pourtant, ses certitudes vont commencer à s’ébranler quelque peu le jour où, en conduisant son fils à l’école, elle renverse un jeune homme en scooter. L’affaire fait le tour de la presse people. Elle va voir le jeune homme, issu de l’immigration, à l’hôpital puis chez lui. Sa mère est émerveillée de voir une star de la télé chez elle. Cet accident va la faire douter de son métier : cette journaliste superficielle qui se met sans cesse en scène, y compris lorsqu’elle va sur le terrain, dans des zones dangereuses où règne Daech ou sur un bateau emportant des migrants, se met à vaciller et acquiert, même pour un court un instant, un peu d’humanité. Elle décide d’abandonner son métier. Léa Seydoux livre une belle performance. Elle parvient à rendre France particulièrement agaçante et touchante, par moments. Elle pleure beaucoup et souvent. En cure, France rencontre un jeune professeur de latin, qui ne la reconnaît pas. Une histoire d’amour est peut-être possible… France tombe, à plusieurs reprises, puis se relève. A travers elle, Bruno Dumont montre à quel point le monde des médias peut détruire. France n’est pas si mauvaise et si superficielle. A la fin, dans une scène touchante, il fait naître en elle une lueur d’espoir, si peut-être et si courte soit-elle.

Haut et fort de Nabil Ayouch

Avec Haut et fort, le réalisateur marocain Nabil Ayouch nous plonge dans un centre de loisirs à Casablanca, au Maroc. Un jeune adulte, dont on comprend qu’il n’a pas réussi dans la musique et qu’il a des difficultés financières, a pour ambition de former des adolescents à la culture rap. A travers la musique, chacun d’entre eux, fille comme garçon, va oser s’exprimer sur tous les sujets, même les plus sensibles, la religion, les rapports hommes-femmes. Evidemment, ils vont s’attirer les foudres de leurs parents. Haut et fort n’apporte rien de nouveau et n’évite pas les clichés mais il a insufflé une belle énergie avec tous ces jeunes, pleins de fougue, qui parlent haut et fort.

 

A propos Laurence

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