Interview de Stephane Bourgoin:Les tueurs en Serie

Stephane Bourgoin
Stephane Bourgoin

France Net Infos : Bonjour Stéphane, merci de nous accorder un petit peu de votre temps pour répondre à nos questions. Votre conférence qui aura lieu ce Samedi à Nantes se tient juste après le procès de Tony Meilhon. Vous serez aussi en débat et séance de dédicace à la librairie Durance ce Vendredi à 17 heures.Pouvez-vous donner à nos lecteurs un petit avant-gout de la conférence? A quoi peuvent-ils s’attendre?

Stéphane Bourgoin : A la librairie Durance ce vendredi à 17 h je vais passer des extraits d’entretien avec deux tueurs en série, qui sont :

Gérard Schaeffer, c’était un ancien policier en Floride  et qui a tué 34 femmes, qui nie avoir commis ces crimes mais qui en même temps fait preuve d’une perversité absolue dans l’entretien et c’est vrai que c’est parmi tous les entretiens j’en ai effectué depuis 30 ans j’ai rencontré 75 tueurs et tueuses en série à travers le monde et c’est l’entretien qui m’a franchement le plus marqué d’un point de vue psychologique puisque dès l’instant ou je suis face  à ce tueur qui nie donc avoir commis ce crime j’ai ma colonne vertébrale qui s’est tendue et cette impression ne m’a jamais quittée pendant toutes les journées d’entretien et qu’a ressenti aussi mon cameraman qui était à mes côtés et franchement jamais je n’ai eu cette impression avant cet entretien avec d’autres tueurs en série ni après.

Le deuxième tueur en série, c’est déjà d’un point de vue physique quelqu’un d’impressionnant : 2m15, 160 kg, un quotient intellectuel qui dépasse celui d’Einstein, Ed Kemper qui est toujours vivant et emprisonné maintenant depuis 41 ans dans une prison de Californie c’est un tueur nécrophile et cannibale qui a tué 12 personnes et qui lorsque l’écrivain Thomas Harris celui qui a écrit dragon rouge, le silence des agneaux, Hannibal voulait créer son personnage d’Hannibal Lecter est allé à l’académie nationale du FBI rencontrer le patron des profilers qu’on voit de manier fictive dans le silence des agneaux et dans esprits criminels pour se renseigner sur la personnalité des tueurs en série et le patron de l’unité lui a fait écouter des bandes audio avec Ed Kemper qui a donc directement inspiré le personnage d’Hannibal Lecter pour tous les romans et qui a aussi inspiré un romancier français il y a un an Marc Dugain pour avenue des géants chez Gallimard. Marc Dugain c’est l’auteur notamment de « la chambre des officiers » et qui s’est inspiré directement d’un documentaire que j’avais fait sur Ed Kemper pour la chaine planète. Donc là je vais passer des extraits d’entretiens avec ces 2 tueurs et à partir de la ça va être un débat, des discussions, avec le public qui sera présent à la librairie Durance suivi d’une séance de dédicaces.

Le lendemain ce sera tout à fait autre chose. C’est au centre de communication de l’ouest, la tour de Bretagne à partir de 14h30, là c’est une conférence avec la projection d’un autre documentaire la qui est plus long ou j’interroge un tueur en série qui a assassiné 70 personnes, Donald Harvey et à la fin de l’entretien ce qui est assez frappant c’est que j’établis un climat de confiance avec le tueur, il en vient même à m’avouer 17 crimes supplémentaires, pour lesquels il n’avait jamais été suspecté, et ces 17 crimes ont ensuite étés authentifiés et certifiés par les autorités judiciaires et après la projection de ce documentaire il y aura une conférence et un débat avec le public et je serai en compagnie du colonel Joël Vaillant qui maintenant est à la retraite mais qui a travaillé longtemps au sein de la gendarmerie nationale et c’est lui notamment qui a pu débusquer et faire arrêter l’adjudant Pierre Chanal dans l’affaire des disparus de Mourmelon. C’est le premier enquêteur de la gendarmerie il y a plus de 30 ans qui a eu l’idée d’utiliser les techniques de profilage un peu comme dans « esprits criminels » en faisant appel à un psychiatres de Reims pour dresser le profil psychologique du tueur présumé de ces jeunes appelés du contingent qui disparaissaient dans la région de Reims. Il a ensuite dirigé toute l’enquête sur Francis Heaulme le routard du crime et a également travaillé sur plusieurs crimes de Michel Fourniret. Et à partir de là on va parler aussi de l’évaluation de la dangerosité, de la récidive et comment on peut pister des criminels sexuels donc  ça va être une conférence qui va être tout à fait dans votre actualité de Loire atlantique puisque c’est des thèmes qui seront aussi abordés par les medias avec le début du procès de Tony Meilhon qui a démarré ce Mercredi.

France Net Infos :Vous vous intéressez depuis maintenant presque 35 ans aux tueurs en série, est ce que d’après vous le concept a évolué en 35 ans (peut-être du fait de sa sur médiatisation et des différentes fictions, films ou séries par exemple) ou bien retrouve t on toujours les mêmes schémas?

Stephane Bourgoin : Alors évidemment je dirais que maintenant pendant très longtemps notamment en France on avait nié ce phénomène on disait toujours, et moi au début quand j’ai commencé à écrire mes livres ou faire mes reportages on me disait « oh toi Stéphane avec tes serials killers » en employant le terme Anglo-Saxon pour montrer que c’était quelque chose qui n’existait pas en France. Mais les chiffres sont là pour prouver qu’en France par exemple depuis 1999 on a arrêté, identifié, mis en examen ou jugé près de 130 cas de tueurs en série ce qui fait quand même beaucoup pour un pays comme le nôtre. Donc tout le monde connais évidemment Emile Louis, Michel Fourniret, Guy Georges mais il y a d autres tueurs comme Sid Ahmed Rezala (NDLR : Le tueur des trains), Louis Poirson, Denis Waxin, Jacques Plumain, qui sont beaucoup moins connus mais qui ont tué autant de victimes que ceux qui étaient les plus connus des tueurs en série français.

Et puis ont beaucoup évolué évidemment les techniques d’investigation notamment on a en France par exemple le FNAEG le fichier d’empreintes génétiques, on a aussi une base de données informatique qui est commune a la police et à la gendarmerie, qui s’appelle le SALVAC (NDLR : Système d’analyse des liens de la violence associée aux crimes) Alors comment ça fonctionne le SALVAC, c’est tout enquêteur qu’il soit police ou gendarmerie, confronté à un meurtre élucidé ou non à une disparition inquiétante, a des viols ou agressions sexuelles, est tenu de remplir un petit questionnaire ou il y a à peu près 160 questions qui ensuite nourrit une base de données informatique et à partir de là les analystes de la police et de la gendarmerie vont pouvoir dire tiens ce meurtre à vannes ressemble à une tentative d’enlèvement à rennes, ressemble à un autre meurtre à Lille et à Perpignan, alors que jusque-là les enquêteurs locaux n’avaient aucun moyen de savoir que peut être le criminel qui opérait dans leur région avait commis d’autres forfaits ailleurs. Donc ça permet de mieux relier des crimes qui pouvaient paraitre isolés par le passé. On a maintenant aussi l’outil psychologique avec ces fameux profilers sauf qu’en France on les appelle des analystes comportementaux, il y a une unité qui existe depuis 10 ans qui est basée au sein de la gendarmerie nationale à Rosny sous-bois, qui s’appelle le DSC , le département des sciences du comportement, auquel on fait appel à peu près 50 ou 60 fois par an pour tenter d’apporter des pistes puisqu’évidemment le profil psychologique ça ne permet pas d’identifier un tueur mais ça permet éventuellement d’orienter les enquêteurs dans la bonne direction

France Net Infos :Pour revenir à l’affaire Meilhon qui défraie la chronique cette semaine, il s’agit d’un violeur récidiviste qui a fini par tuer et démembrer une de ses victimes et le drame aurait pu clairement être évité par un meilleur suivi du prévenu. Que pensez-vous justement du suivi des récidivistes en France ?

Stephane Bourgoin : Alors c’est pas tant , je sais que le gouvernement précèdent avait beaucoup accusé de laxisme les conseillers d’insertion ,de l’administration pénitentiaire, pour le manque de suivi mais ce qu’il faut bien comprendre c’est qu’ils étaient confrontés, a à peu près 900 dossiers qu’ils devaient gérer et ils étaient visiblement en sous nombre et hélas je dirais que en France les problèmes de suivi ou des problèmes judiciaires qui peuvent arriver comme ça avec des erreurs de procédure, sont pas tant dus à des erreurs individuelles que a un manque de moyen qui est fourni à la justice pour effectuer correctement son travail. Par exemple, ce type de conseillers en Allemagne au lieu d’avoir comme en France à gérer 100 ou 200 dossiers de condamnés, ils en ont en moyenne 20 à gérer. Au canada ou en Angleterre c’est à peu près 25 a 30 dossiers, pour ces officiers de probation. Donc là c’était et c’est toujours puisque la situation n’a pas changé, on l’a vu dans un entretien qu’ils ont accordé la semaine dernière dans le journal Libération, ils sont toujours en sous nombre, donc ils sont obligés quelquefois de prioriser un certain nombre de dossiers, or Tony Meilhon a cette époque la lorsqu’il est à nouveau suivi, l’était pour un problème d’outrage à magistrat, donc par la force des choses ils ont préféré donner la priorité à d’autres criminels, qui pouvaient paraitre au départ beaucoup plus dangereux que ne l’était Tony Meilhon.

Mais c’est évident qu’en France aussi on est confrontés à un problème qui n’existe pas dans certains pays c’est qu’il y a confusion des peines, c’est-à-dire que quelqu’un peut être jugé pour plusieurs délits, mais la peine ne va pas s’additionner pour chacun de ces délits comme ça peut l’être par exemple dans certains états américains, ou par exemple en Afrique du Sud, ou il n’est pas rare d’avoir des personnes condamnées pour 680 années de prison etc. On a assisté au même problème en alsace avec notamment Pierre Bodein, dit Pierrot le Fou, qui n’aurait jamais dû sortir de prison puisqu’il était jugé pour un certain nombre de délits de violence et comme il y a eu confusion des peines il a été libéré et tout de suite après sa libération, il a tué 2 fillettes et une jeune femme handicapée.

France Net Infos : Donc clairement un manque de moyen en fait.

Stephane Bourgoin :A chaque fait divers criminel généralement on réunit  des commissions, on va voter de nouvelles lois qui ne sont la plupart du temps jamais appliquées alors que l’arsenal judiciaire est tout à fait suffisant tel qu’il est en France, il faut juste donner beaucoup plus de moyens à la justice puisque comparativement, le budget de la justice en France est un des plus faibles, de tous les pays d’Europe

 

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