Jean- Marie Palach : Le théorème de l’uppercut

Le théorème de l'uppercut
Le théorème de l’uppecut

Le théorème de l’uppercut de Jean- Marie Palach : à la première impression, on se demande bien ce qui peut se cacher derrière ce titre publié aux Editions Daphnis et Chloé qui se révèle finalement plutôt bien mystérieux. Puis on se laisse tenter, on ouvre le roman, on commence à lire les premières lignes, puis les premières pages et on ne le lâche plus.

L’histoire ? Professeur de mathématiques et ancien champion du monde de Kick Boxing, Gislain a demandé à être affecté dans un nouvel établissement dans l’espoir de retrouver sa motivation d’antan. Rendez- vous donc, désormais en banlieue parisienne ! Le moins que l’on puisse dire c’est que ce changement va le propulser dans une nouvelle aventure pleine de rebondissements : entre professeurs suicidaires, proviseurs psychopathes, élèves violents impliqués dans la mafia locale, et autre, vont faire de cette année scolaire une année mémorable et particulièrement mouvementée !

Personnages loufoques, suspense et humour sont les maitres mots de ce nouveau roman riche en surprises et rebondissements ! Mais pas que ! A travers ce roman on a souvent, également, le reflet d’une société telle qu’elle est et telle qu’elle est rarement décrite.

Jean- Marie Palach y aborde avec franchise le sujet de la santé avec des hôpitaux qui préfèrent investir sur leur façade pour « vendre du rêve » et des soignants préférant retirer la sonnette pour ne pas être dérangés, ou bien encore « abrutir ses patients » pour ne pas avoir à s’en occuper « Son père ne gémissait plus. Il avait adopté la position du fœtus, recroquevillé sur lui- même, et gardait les yeux ouverts, fixés sur le haut d’une chaise. Une perfusion l’alimentait. Son dentier, ses lunettes et son appareil auditif était posés sur une tablette, non loin du lit. Une barbe de trois jours accentuait son aspect misérable. Gislain encaissa silencieusement le choc. Il pensa fugitivement à Madame Permingeat, calée chez elle sur un lit semblable. » Que pouvons- nous ajouter ?

Sans détour il aborde, également, l’inégalité dans le système de soin français : « C’était un établissement de rêve, le genre d’endroit qu’on croit réserver aux vedettes du show- biz, aux footballeurs professionnels et aux politiciens. »
On appréciera tout autant une vérité non dissimulée concernant cette fois- ci un autre milieu mais qui pourrait se généraliser « les réputations se construisent rapidement, surtout les mauvaises. […] on aurait pu lui accoler une étiquette de tocard, de chat noir. La pire injure, dans un milieu qui tolère les alcooliques, les pervers et les dépressifs, quand il ne les célèbre pas »

Quelle distance y a-t – il entre les réputations et les apparences ? En tout cas, même si tout le monde connait le célèbre dicton nous mettant en garde en nous rappelant que ces dernières sont souvent trompeuses combien ne s’y arrêtent pas ? La moquerie est tellement plus facile que l’intelligence… Dans ce roman on retrouve le sujet à plusieurs reprises notamment avec le commissaire qui aime conserver longtemps « ses vieilles fringues » « Là où les observateurs, […] supposaient de la pingrerie, une avarice maladive, ou un laissé- aller coupable, il n’y avait qu’une volonté de prolonger les instants passés, le culte de la nostalgie, des moments évaporés, de l’amitié éternelle, des souvenirs. Parfois, sa femme craquait. Une chemise disparaissait. Son épouse avouait plus tard qu’elle l’avait mise aux chiffons parce qu’elle craignait qu’on se moque de lui »…

Sur un tout autre sujet et d’une toute autre manière l’auteur nous invite à réfléchir aux apparences avec cette petite phrase « Si Gislain n’avait pas connu la situation […] il ne l’aurait jamais imaginée. » …

Une autre réalité : le logement. « obsolète depuis des dizaines d’années. Il avait survécu à la transposition de plusieurs directives européennes. Si la rénovation urbaine ne rasait pas l’immeuble, un incendie s’en chargerait. […] Seuls les laissés pour compte de la société pouvaient accepter de loger dans de telles conditions.» Voilà le sujet abordé sans s’y attarder et avec subtilité même si tout n’est pas dit… Avoir des lois c’est bien, les appliquer c’est mieux !

Dans le même ordre d’idée on retrouve une allusion très révélatrice « Elle démontrait que la police pouvait dégager les moyens nécessaires à la mise en échec des criminels. Mais elle ne se mobiliserait pas aussi facilement pour libérer son élève qu’elle l’avait fait pour protéger la multinationale et ses millions. » …

On continue ? «Ce n’était pas un de ces théoriciens qui envoient les autres au casse- pipe et font carrière en tirant la couverture » Humm ! vous avez aussitôt des exemples en tête ? Normal, nous aussi … En tout cas, dans ce roman les actes sont plus importants que les on dit et c’est ce que l’on apprécie !

Même les radars automatiques et les bonnets rouges ont leurs petits mots : « Les balles arrosèrent les ramures des platanes qui bordaient la route et un radar automatique. L’attentat serait imputé aux bonnets rouges ou aux réfractaires à l’écotaxe » … Inattendu ce petit trait d’humour ne pouvait que nous faire sourire… Autre thème qui n’est pas oublié, les bizutages et ses petits moutons qui « accomplissent aveuglement les commandes stupides des anciens. L’ordre fut donné de tabasser des flics […] Un groupe d’une dizaine de bizuts, passablement éméchés, se mit en quête du gibier. »

« En distinguant un homme allongé dans une position malcommode, les rares passants s’écartèrent du banc. De quoi désespérer de son prochain. » En quelques mots voici le reflet de l’attitude des gens qui est très révélatrice de notre société.

« Ainsi va le monde, pensa Gislain. Personne ne se souciait du sort d’une Polonaise de dix- sept ans dont la disparition n’avait pas été déclarée. » Dans ce roman, il est souvent question de personnages avec des origines étrangères néanmoins, polonaise, française ou toute autre nationalité, cela reste particulièrement vrai dans notre pays.

Et si les bons n’étaient pas si bons que cela, et les mauvais pas si mauvais en définitive ? Combien de professeurs le sont encore par vocation (question valable pour toute autre profession d’ailleurs) ? Combien seraient capables, au jour d’aujourd’hui, de remplir leur devoir comme ce professeur ? Combien seraient capables d’aider un élève comme le fait ce professeur ? Et ainsi, combien d’élèves peuvent encore compter sur la bienveillance de leurs professeurs si ils font partie des « laissés pour compte » ? Au lieu de « rabâcher » continuellement que la France est un pays où règne l’égalité des chances, il faudrait peut- être voir les choses en face non ? Une autre question : combien de « vrais flics, capables de réfléchir et d’agir » reste- t- il ? Combien de personnes sont encore capables de prendre leur responsabilité ? Combien sont encore capables d’accomplir les tâches à la base de leur fonction ?

Alors en bref « Le théorème de l’uppercut » de Jean- Maris Palach, c’est un livre comme on aimerait qu’il y en ai plus parce que pour une fois, on parle aussi de ceux que l’on a oublié, qui ne sont pas plus bêtes que d’autres, pas moins intelligents, ni ayant moins de talent, mais qui par contre, ont eu beaucoup moins de chance.

Avec ses « personnages hauts en couleurs, pas toujours politiquement corrects, aux regards aiguisés et aux avis tranchés » on a enfin trouvé une littérature qui raconte le monde contemporain sans langue de bois, avec une histoire qui ne manque pas d’humour, ni de suspense !

Jean- Marie Palach est ingénieur. Il vit et travaille dans la région parisienne. Des heures passées dans les transports en commun, il retire des microbes, une galerie de portraits et des idées pour ses romans.

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