La crème de la crème de Kim Chapiron

Révélé il y a quelques années comme une des émanations du collectif KOURTRAJME avec le film SHEITAN (sorte d’OVNI mélangeant la comédie trash et les codes du film d’horreur), Kim Chapiron avait surpris en allant faire un détour par les États Unis pour y réaliser DOG POUND, chronique de la vie d’une prison pour mineurs, un film à la fois sec, touchant et modeste qui rompait avec la veine provoc’ et tonitruante de ses débuts. Il revient donc en France avec un projet qui excite la curiosité : LA CRÈME DE LA CRÈME prend place au sein d’une grande école de commerce préparant la future élite du pays et raconte l’histoire de trois étudiants qui vont, suite à une sorte de pari, créer un réseau de prostitution au sein de l’établissement en mettant en pratique ce qu’on leur a enseigné. En dehors du caractère sulfureux du sujet, c’est le monde des Grandes Écoles qui se voit ici portraituré, offrant au film un décor peu exploré jusque là par le cinéma français, le rattachant de fait à une tradition littéraire et cinématographique plus anglo-saxonne, celle du film de campus.

LA CREME DE LA CREME Kim ChapironDifficile de fait de ne pas penser à un des fleurons récents du genre, l’éblouissant THE SOCIAL NETWORK de David Fincher qui, sous couvert d’être un biopic du créateur de Facebook, dépeignait le microcosme des grandes universités américaines et racontait en quelque sorte la revanche du geek sur cette société élitiste. Le scénario de LA CREME DE LA CREME prend en effet le point de vue des outsiders : Dan par sa timidité, Kelliah par ses origines modestes et dans une moindre mesure, Jaffar, le loser sympathique, se sentent exclus de ce milieu qui possède ses propres règles et la voie toute tracée qui s’offrent à eux ne compense pas la frustration de ne pas y être totalement intégré. Quand le brillant et charmeur Louis se joint à eux, leur projet prend une ampleur qui va finir par les dépasser. Néanmoins, là ou Fincher filmait avec distance un personnage opaque et finissait par amener son récit vers une dimension plus abstraite, Chapiron lui, reste du côté de ses personnages et le scénario et la mise en scène nous implique avec eux dans cette histoire. Il reste ainsi dans la droite lignée de DOG POUND, prolongeant la volonté d’un récit fonctionnant sur un regard empathique sur un groupe de personnages jeunes qui se confrontent à leur manière à la violence d’un monde des adultes qui n’attend plus qu’eux. La réussite du casting (la jeune Alice Isaaz notamment) est aussi pour beaucoup dans l’intérêt qu’on porte aux personnages.

Dans un cinéma franchouillard qui nous promet encore quelques belles heures de tortures dans les semaines qui viennent, on a de suite envie d’être sympathique avec un film comme LA CRÈME DE LA CRÈME qui sort clairement du lot. Le film parvient même à se détacher de ses références anglo-saxonnes, notamment à travers la belle idée qui consiste à assumer la présence de chansons françaises dans la bande son et à les utiliser intelligemment (ça paraît idiot mais dans le cinéma français c’est vraiment assez rare !). Tout n’est pas parfait pourtant : malgré sa durée courte (moins d’une heure et demie), le film patine un peu dans sa deuxième partie, le développement autour des personnages principaux s’étirant un peu trop, laissant l’impression que l’intrigue peine à se relancer malgré la richesse des sujets abordés. On pourrait alors sortir avec le sentiment un peu en demi-teinte que le film aurait pu être bien plus percutant (sans pour autant verser dans la provocation scabreuse ou le racolage, deux écueils que le film évite heureusement) mais Chapiron est assez malin pour nous réserver une ultime pirouette sous la forme d’une scène finale assez réussie qui achève de nous laisser une bonne impression et confirme de fait qu’il est clairement un cinéaste à suivre.

LA CRÈME DE LA CRÈME – Réalisé par Kim Chapiron – Avec Thomas BLUMENTHAL, Alice ISAAZ, Jean Baptiste LAFARGE et Karim AIT M’HAND – Sortie le 2 avril 2014

 

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