Le projet de charte des valeurs du Parti Québécois est porteur d’avancées remarquables. Il se propose d’interdire les signes religieux ostensibles pour tous les agents de l’État incluant les écoles publiques et les garderies subventionnées. En mettant fin à l’exhibition de leurs croyances respectives par les agents de l’État, il met fin à une dérive permissive et dangereuse née dans la foulée de la commission Bouchard-Taylor. Cette dernière, en légitimant et encourageant les demandes d’accommodements, a vidé la laïcité de son sens et permis l’envahissement de tous les secteurs de l’État et de la société par les signes religieux. Elle a en même temps imposé, sur la place publique, la suprématie de l’identité religieuse sur l’identité citoyenne et amorcé une régression incroyable de la société québécoise en mettant sous le boisseau tous les acquis québécois nés de luttes citoyennes longues et ardues.
Ses effets prévus ou pernicieux peuvent désormais se voir partout au Québec. Le voile islamique est omniprésent, souvent plus que dans certaines villes d’Afrique du Nord. Il y a plus de voiles islamiques au cegep de Maisonneuve que dans un village kabyle en Algérie. Un turban sikh a défié les instances sportives québécoises et obtenu gain de cause au mépris de toute logique. Pour sauver ce turban devenu quintessence de tous les droits, la fédération canadienne de soccer est allée jusqu’à suspendre les équipes québécoises de toute compétition nationale! Les juifs orthodoxes imposent leurs lois et coutumes misogynes et leurs accommodements, négociés souvent dans l’opacité, donnent une légitimité à toutes les autres demandes.
La naissance de la démocratie en occident a été possible en mettant fin à la main mise de l’Église sur l’État. Vouloir remettre la religion au cœur de l’État est né d’une fausse compassion ayant pour effet de figer les immigrants dans leurs particularismes les plus rétifs à l’intégration. C’est anti productif socialement car cela a créé des communautés fermées sur elles mêmes, en état de concurrence et de confrontation idéologique. Le projet du PQ a le mérite de vouloir restaurer la laïcité chèrement acquise et de redéfinir les véritables enjeux sociétaux du futur Québec.
Mais la charte des valeurs ne va pas assez loin. Elle s’attaque aux symptômes visibles sans toucher aux causes essentielles. Les intégrismes religieux de toutes les confessions naissent d’abord du conditionnement qui a lieu dans la famille. Les enfants sont soumis des leur âge précoce à l’aliénation de leur liberté spirituelle en les obligeant à croire, souvent par la terreur du châtiment divin, aux religions de leurs parents. Cela les prive de tout choix éclairé et mature en même temps que cela affecte durablement leur équilibre psychologique car ils seront des terrorisés à vie. Quand tant de violence et de peur habitent la plus tendre enfance, même son destin lui échappe et, subissant la souffrance, l’enfant est candidat à faire souffrir les autres à son tour. Le terrorisé fait souvent le lit du bourreau. Il faudrait que la virginité spirituelle des enfants soit sauvegardée de cette violence tellement évidente qu’elle échappe au regard. La religion enfantine handicape lourdement le futur adulte et sape durablement les fondements laïcs de la société.
Le PQ aura à négocier sa charte des valeurs avec les libéraux et la CAQ. Des réactions à mi-voix se font déjà entendre, mais ce projet dépasse les clivages partisans car il s’agit de l’avenir de la société québécoise. Car que veulent léguer à leurs enfants les femmes et hommes politiques québécois, une société moderne et fraternelle basée sur la laïcité et la démocratie ou une juxtaposition de communautés fermées, opposées, campées sur leurs divinités respectives et cultivant des identités meurtrières?