La loi sécuritaire et sa dérive Française pour la presse du web

Loi sécuritaire décriée par un bon nombre d’opposants

Gérard Darmanin à 48 ans est surement le Ministre qui fait le plus parler de lui, en cette année 2020. Pour les uns, il est celui qui remet l’ordre républicain en place, pour les autres il est celui qui pousse la France, vers une dérive de la loi sécuritaire, qui pourtant est devenue nécessaire, dans un contexte économique et social difficile. Pour la presse du web, les choses vont se compliquer un peu plus, avec pour les contributeurs, l’obligation d’obtenir l’accréditation de tournage, lors des manifestations et des grands rassemblements populaires.

Plus de pouvoir pour la police…

C’est le 1er article du texte ; Il offre, dans le cadre d’une expérimentation de trois ans, la possibilité d’élargir le champ d’intervention des polices municipales de plus de 20 agents. Le syndicat avait demandé depuis longtemps l’extension de ces prérogatives, aujourd’hui dans la loi sécuritaire, le texte remplit bien une grande partie des demandes des forces de police.

Concrètement, les policiers municipaux pourraient participer à la sécurisation de manifestations sportives, récréatives ou culturelles, dans certaines villes comme à Nice, c’est déjà chose acquise !.

Ils pourraient également constater davantage d’infractions comme l’ivresse publique, la vente à la sauvette, la conduite sans permis ou sans assurance, les squats de halls d’immeubles, les tags ou encore l’occupation illégale d’un terrain communal mais pas les rodéos urbains. Ils pourront aussi immobiliser et mettre en fourrière un véhicule. Côté réglementation, plus besoin de passer par un officier de la police nationale, un major ou un commandant des forces municipales pourront être habilité, pour les constats judiciaires.

La presse accréditée, seule possibilité, pour couvrir les évènements liés aux revendications des foules ?

Gérard Darmanin dans son texte de loi, souhaite un encadrement des journalistes, qui devront déposer une demande, stipuler leur intention, et surtout, pouvoir travailler avec la fameuse carte de presse. “C’est une bonne motivation, une bonne réforme, car notre profession est malmenée par les blogueurs, lanceurs d’alerte, les polémistes, les détenteurs de fake-news”, m’expliquait un rédacteur de presse, d’une radio locale issue du réseau de Radio France. En fait, dans l’entourage du Ministre, le droit d’informer n’est pas mis à mal ” La presse est libre en France, aucune obligation d’avoir une carte de presse, pour informer, pour expliquer ou pour produire des images en vue d’un documentaire, article, ou autre” me disait un membre de la préfecture du Gard, chargé de la logistique avec les réseaux sociaux.

Une réforme de la presse qui devrait intervenir dans la présidence d’Emmanuel Macron ?

L’article 24, symbole de la loi sécuritaire, devrait être retiré du projet de loi

La question est posée, à Lyon lors des Etats-Généraux du web, un bon nombre de sites était présent, des pistes sont mises en place, afin surement d’éviter la relégation de la presse internet, aux oubliés de l’information…Mais avant de vous délivrer les 13 critères, revenons en 2019, après la période des gilets jaunes, quand Emmanuel Macron intensifiait son pouvoir exécutif au sein même du gouvernement, par des actions et mises en place de pratiques policières.

  1. Protection des sources : “Enfin, ces dernières semaines, la tentative de perquisition des locaux de Mediapart, et les auditions de huit journalistes par les services de la DGSI dans le cadre des Yemen Papers, et de «l’affaire Benalla» ont démontré que la protection des sources des journalistes, pierre angulaire de la liberté de la presse, était une notion étrangère au ministère public et niée par les pouvoirs publics”. En 2019, la presse radio et écrite relatait cela. Si la profession est  rongée par une précarité galopante, malmenée par une partie des employeurs qui ne respectent pas le code du travail et la convention collective des journalistes, la publicité n’est plus la source d’éden pour le financement des sites, faute aux “Gafas”, qui bétonnent les sources financières au seul système numérique du nombre de vues, article par article, et sur les vidéos aux spectateurs qui doivent être par dizaine de milliers. Obligeant les sites à rester en course, distribuant la manne publicitaire, au seule fin, d’un système binaire qui à lui seul, remplit ou pas les comptes des sites numériques, on peut néanmoins affirmer que le temps de la réflexion est là :
  2. Une réclamation pour un respect des statuts : Des conditions de travail et des moyens dignes de sa mission d’information du public, de nouveaux outils pour renforcer son indépendance, sa crédibilité, et reconquérir la confiance du public, à l’heure de la concentration des médias, du tout-numérique, et du tout-info-en-continu. La profession demande de vraies mesures pour garantir le pluralisme des médias et non pas une course à la mendicité aux budgets limités, comme dans le cadre des radios associatives, qui n’ont aucune ressource professionnelle, les mettant alors dans un registre de bénévolats constant !

La loi sécuritaire marque t’elle une dérive du pouvoir ?

« Art. L. 242‑5. – Dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique et de prévention, de recherche, de constatation ou de poursuite des infractions pénales, les services de l’État concourant à la sécurité intérieure et à la défense nationale peuvent procéder, au moyen de caméras installées sur des aéronefs, à la captation, l’enregistrement et la transmission d’images aux fins d’assurer :

L’article 24 source de discorde

« 1° La sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au publics, lorsque les circonstances font craindre des troubles graves à l’ordre public, ainsi que l’appui des personnels au sol en vue de maintenir ou de rétablir l’ordre public. Cet article doit rétablir l’ordre et la discipline au sein des forces de l’ordre, les caméras embarquées sont la garantie pour elles, du bon fonctionnement républicain. L’entourage du Ministre, évoque l’effort consenti sur la pédagogie des agents du service publique, il suffit d’en lire les contours…

2° L’article L. 241‑1 est ainsi modifié :

a) À la fin du troisième alinéa, les mots : « ainsi que la formation et la pédagogie des agents » sont remplacés par les mots : « , la formation et la pédagogie des agents ainsi que l’information du public sur les circonstances de l’intervention » ;

b) Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la sécurité des agents de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale ou la sécurité des biens et des personnes est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné et aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention. » ;

Après l’article L. 315‑2 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un article L. 315–3 ainsi rédigé :

« Art. L. 315‑3. – Le fait qu’un fonctionnaire de la police nationale ou un militaire de la gendarmerie nationale porte son arme hors service, dans des conditions définies par arrêté du ministre de l’intérieur, ne peut lui être opposé lors de l’accès à un établissement recevant du public. ». Les modifications vont dans le bon sens demandé, mais alors notre rôle de preneur de vues, à quoi va t’il ressembler ?

Lors des Etats-Généraux de notre profession, revenons sur les revendications de nos médias :

• Critère 1 : Exercice d’une mission d’information à titre professionnel à l’égard du public ;
• Critère 2 : Production et mise à disposition du public de contenu original, composé d’informations ayant fait l’objet d’un traitement journalistique et présentant un lien avec l’actualité, sans constituer, en lui-même, un outil de promotion ou un accessoire d’une activité industrielle ou commerciale ;
• Critère 3 : Emploi régulier de journalistes professionnels dans l’activité des entreprises concernées, dans le cadre des règles sociales et déontologiques de la profession.
Proposition 5 : Reconnaître que ce statut d’éditeur de presse en ligne emporte l’acceptation pleine et entière, par les éditeurs de presse en ligne, des responsabilités propres au statut d’éditeur de contenu, en tenant compte toutefois, dans l’application de cette responsabilité, des réalités technologiques et des dynamiques de flux de l’univers numérique, et notamment des contenus générés par les utilisateurs (user generated contents ou UGC).
Proposition 6 : Réajuster les aides à la presse afin de mieux prendre en compte les spécificités et l’ampleur du défi du numérique, notamment en augmentant de manière significative l’aide au développement des services en ligne.
Proposition 7 : Mettre en place une politique fiscale favorisant l’innovation permanente des éditeurs de presse en ligne, notamment par la création d’un article équivalent à celui du 39 bis A du code général des impôts (CGI) pour les éditeurs de presse en ligne et par l’insertion des dépenses des éditeurs de presse en ligne dans le champ des dépenses éligibles au crédit d’impôt recherche.
Proposition 8 : Favoriser l’investissement des particuliers dans les éditeurs de presse en ligne (déductions fiscales, création de Sofipresse), ainsi que les investissements publics/privés, les systèmes de dons et de mécénat, et les aides en contrepartie de missions de service public assumées par les éditeurs de presse en ligne.
Proposition 9 : Favoriser l’émergence de différents modèles d’affaires en permettant le développement des recettes en ligne via :
• l’évitement de la constitution de positions dominantes sur le marché
publicitaire ;
• la fin d’un système de taxation inégalitaire entre l’univers « physique
» et l’univers « numérique » ;
• l’augmentation des budgets publicitaires de l’Etat-annonceur consacrés
aux éditeurs de presse en ligne.
Proposition 10 : Accélérer la mise en place de la distribution digitale des contenus (ebook et kiosque digital) pour s’affranchir des contraintes de la distribution physique.
Proposition 11 : Développer une politique de formation (initiale et continue) ambitieuse pour l’ensemble des acteurs travaillant dans la presse en ligne.
Proposition 12 : Promouvoir une gouvernance exemplaire du secteur de la presse en ligne.
Proposition 13 : Réfléchir à la création d’un laboratoire

En conclusion, le législateur devra déterminer avec attention, la loi sécuritaire, imposer son regard pluraliste, et surtout ne pas laisser dans des niches parallèles, des organes du web, qui revendiquent aussi une part de l’information, qu’elle soit citoyenne, participative, réactive ou militante.

Eric Fontaine

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