Le Coran : Analyses et commentaires de Ghaleb Bencheikh

Les meurtres antisémites commis à Vincennes et la vague d’actes islamophobes qui ont suivi, c’est peut-être le Coran. Jamais l’actualité n’aura fait de la lecture d’un texte un acte aussi essentiel. Un retour à ce qui fait l’essence même de la religion musulmane, à savoir son texte sacré, semble utile au moment où les confusions – notamment terminologiques – vont bon train.

Livre sacré pour tous les musulmans, puisqu’il recèle la parole incréée de Dieu, le Coran est aussi un livre complexe, hétérogène, poétique, à la fois particulier et universel et dont la compréhension peut très souvent échapper à l’entendement, s’il y a bien un livre à (re)lire après les attentats de Charlie Hebdo,.

C’est justement cet écueil que souhaite éviter Ghaleb Bencheikh dans cette édition parue aux Editions Eyrolles en 2011. L’auteur, scientifique et philosophe que les spectateurs de l’émission ‘‘Islam, les chemins de la foi” connaissent bien, propose ici une version commentée et documentée du texte coranique visant à offrir les connaissances élémentaires pour qui souhaite découvrir la religion musulmane. Face à la poéticité du texte mais aussi à son ancrage historique qui demandent un bagage culturel et une aisance intellectuelle, l’auteur propose de guider le lecteur dans son interprétation. Ainsi, l’écriture coranique se retrouve organisée selon différentes thématiques visant à mettre en exergue les multiples composantes qui structurent la religion islamique: le livre, la foi, le contexte, et les cinq piliers par exemple.

Un travail d’exégète nourri d’histoire et de philologie

Parce que l’herméneutique est une science et qu’elle se fonde autant sur l’expérience personnelle que sur le savoir commun, l’auteur apporte des éclaircissements d’ordre historique et linguistique précis. Un effort systématique et salutaire de retour à l’histoire est ainsi effectué, lors de la Révélation au prophète Mahomet par exemple, ou au sujet des différences entre les versets mecquois et les versets médinois. Il s’agit donc bien d’une étude du Coran en tant qu’objet religieux mais peut-être aussi en tant que bien culturel propre à une histoire et à une aire géographique donnée. De même, si les lieux, les dates, les peuples sont analysés en référence au texte, la langue utilisée est elle aussi scrupuleusement détaillée par l’auteur. Puisque sans effort définitoire le sens se perd, Ghaleb Bencheikh procède à un véritable retour au sémantisme de termes souvent employés mais rarement compris: ”djinns” ”hâdit” ”apostasie” ”sunna” ”martyre” ”sourate” ”Coran” ”Allah”et surtout ”djihad” dont il éclaire la polysémie et au sujet duquel il rappelle, malgré un emploi univoque du mot, qu’il recouvre des réalités différentes.

En somme, pas un verset n’est cité dans cet ouvrage sans une explication préalable du fait historique, sans analyse du vocabulaire utilisé et sans justification du choix de traduction. Le chapeau introductif qui précède la citation coranique, loin de limiter la liberté interprétative du lecteur, lui offre l’occasion de s’exercer en évitant les chemins du contre-sens. Texte politique et religieux, mais aussi poétique et métaphorique, le Coran semble nécessiter cet appui pédagogique qui accompagne la lecture sans la circonscrire. C’est pourquoi le texte et le contexte sont ici pensés simultanément.

Une lecture comparatiste du Coran?

On l’aura compris, cet ouvrage est indispensable pour qui souhaite découvrir le texte coranique ou se replonger dans sa lecture, mais aussi pour celui ou celle qui souhaite comprendre son importance dans l’histoire des religions. Car contextualiser le Coran c’est aussi le lire à la lumière des grandes religions qui le précèdent. Ghaleb Bencheikh démontre dans son écrit que le Coran ne peut s’appréhender que dans l’acceptation de sa filiation avec les monothéismes antérieurs et annihile ainsi toute compétition interreligieuse. Dans ce qu’il nomme la ”christologie coranique”, il rappelle la place de Jésus (mais aussi de Marie) dans le Coran, et dévoile par là même son aspect composite tout en affirmant qu’il s’inscrit dans un continuum religieux et spirituel. Il détruit ainsi le mythe de la construction ex nihilo du texte coranique puisque c’est aussi l’époque, l’histoire et les traditions d’un temps ”anté-coranique” qui l’occupent.

Le Coran aujourd’hui

Se dessine également, en filigrane, l’amorce d’une réflexion sur les rapports entre les préceptes édictés par le Coran et les sociétés occidentales contemporaines. Que dit le Coran au sujet de la femme musulmane? La polygamie y est-elle mentionnée? Comment penser les liens entre politique et religion? Un musulman est-il sommé de répandre la parole divine ou doit-il vivre sa foi dans le cadre de l’intime? La violence est-elle inhérente au texte coranique? Quelle est la place du Prophète Mahomet dans l’Islam? Peut-on croire au destin tout en permettant l’exercice du libre-arbitre? Autant de questions différentes et complexes que posent et auxquelles répond Ghaleb Bencheikh afin d’enrayer la mésinterprétation et d’éviter les simplifications au sujet de la religion islamique. Il procède ainsi à un retour aux valeurs universelles du culte, toujours en s’appuyant sur la source coranique et tente d’apporter un substrat culturel essentiel à la compréhension raisonnée du texte, qu’il juge compatible à la spiritualité individuelle.

Une lecture ”découverte”

Le travail de Ghaleb Bencheikh est une étape liminaire avant d’entrer dans la complexité et la diversité du texte coranique. S’il rend possible une lecture laïque de l’écriture religieuse, il permet aussi, par ses nombreux commentaires analytiques, de transmettre un écrit souvent ambigu et abscons au moyen d’une langue limpide et rigoureuse. Selon ses propres termes, ce livre permet aux non initiés d’avoir une ”première prise de contact avec l’univers coranique”, d’entreprendre une bonne entrée en matière avant d’envisager l’étude plus ambitieuse des versets coraniques dans leur intégralité.

Pourquoi ne pas vous faire votre propre idée sur le Coran ?

On entend tout et n’importe quoi à propos du Coran, avec des choses à faire et à ne pas faire. Il est fort probable que votre premier réflexe soit de vous procurer le Coran et de le lire pour vous faire votre propre idée.

Pour autant, c’est hélas loin d’être suffisant, même si cela peut vous permettre de voir combien de mauvaises interprétations sont faites à propos des textes. En effet, une traduction, aussi fidèle soit-elle, est soumise à interprétation. Il est également possible que les petites subtilités de la langue ne permettent pas toujours de traduire correctement une phrase. Vous n’aurez donc qu’une idée générale du texte et des préceptes de la religion Islamique. Il est donc plus que conseillé de lire le coran en langue Arabe.

Pour y arriver, il existe des dizaines de méthodes afin d’apprendre cette langue, mais encore faut-il savoir de quoi on parle. En réalité, il existe 3 types de langue arabe :

  • L’arabe coranique : comme son nom l’indique, c’est l’arabe qui est utilisé dans le coran. C’est sûrement la forme la plus rigide de la langue. Elle n’a que très peu évolué depuis 1500 ans. Elle est presque exclusivement utilisée dans un cercle religieux et aux moments des prières.
  • L’arabe moderne standard : c’est la langue la moins rigide de toutes.
  • Les dialectes régionaux : c’est la langue la plus informelle. Elle est utilisée dans les échanges de tous les jours. On trouve parfois une sous division de ces dialectes
    • l’arabe d’Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie et Libye)
    • l’arabe égyptien (Égypte, Syrie, Palestine, Jordanie)
    • l’arabe du golfe (Arabie saoudite, Koweït, Irak, Qatar et Émirats Arabes Unis)

Même si les Égyptiens arrivent à communiquer avec les Tunisiens, les mots et l’écriture peuvent être très différents. Ainsi le fameux “salut” se dira Salem, ou Marhaban, Ahlam, Marhaan selon où vous vous trouvez.

Vous pouvez bien entendu apprendre l’arabe moderne en parallèle de l’arable coranique, mais attention, toutes les méthodes de langue n’enseignent pas forcément les deux. Il vous faut donc sélectionner votre méthode avec le plus grand soin. Il faut savoir également qu’il vous faudra plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour commencer à bien assimiler cette langue. Autant vous dire que vous n’êtes pas près de pouvoir lire vous-même une sourate du coran. Par contre, vous devriez mettre beaucoup moins de temps à la comprendre.

Sachez également que vous avez la possibilité de trouver des lectures des différentes sourates du coran en langue arabe, sur de nombreux sites web. Cette option a le double avantage de vous permettre d’avoir “la vraie” version du coran et d’entraîner vos oreilles à la bonne prononciation des mots. Si vous avez encore mal, il y a de fortes chances que vous ayez en plus la version en français. Vous vous apercevrez sans doute avec le temps que de petites différences sont possibles.

Il ne vous reste plus qu’à trouver la méthode qui vous conviendra le mieux et le site qui propose une version audio, mais vous ne devriez pas avoir trop de mal à trouver.

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