Les cents ans d’un train pas comme les autres

A l’occasion du centenaire de la ligne Nice-Digne, connu sous le nom du train des pignes, voici un court article qui se veut un hommage à ce véhicule unique en son genre.

Voyage dans l’arrière pays Niçois.

Il est temps. Le train arrive avec perte et fracas. Dans cette petite gare perdue dans l’arrière pays, il crache une fumé noir venue de ses entrailles. Je me retourne brièvement avant de sauter le pas vers le wagon unique, j’embrasse de mon regard pour une dernière fois cette terre si belle. Je quitte le paradis à bord de cet étrange véhicule. Il a un nom, qui résonne dans toute la vallée : le train des pignes, il est la depuis si longtemps ! Un siècle, et toute ses roues ! Il tangue encore sur ses rails, si longtemps après, et comme pour narguer les morts, il avance en déchirant le ciel avec un vacarme assourdissant. Le hurlement de son klaxon ricoche sur les flancs de la cuvette. C’est réellement sa place, ici, de son grand âge il a été témoin de tout les changements des environs.

Ce qui me frappe quand je pose le pied dans ce train centenaire c’est la fresque des voyageurs qui l’emprunte avec moi. De joyeux fêtards originaires de la vallée emplissent le wagon de leur voix lourde et suave, ils chantent leurs origines grâce à cet accent inimitable qui ponctue leur phrase et même leurs éclats de rire. Ensuite il y a cette fille, sublime, au regard profond au sourire facile. Assise en face de moi elle regarde le paysage défiler derrière le carreau jaunâtre de terre. Une fille simple, comme il est rare d’en rencontrer à notre époque, sac sur le dos, les cheveux ramassés en un chignon soutenu par un bandeau vert-espoir, elle est le symbole de la beauté rare. Un peu comme tout dans cette vallée, quelle ambiance ! Je me sens cerné par la mosaïque des forets verdoyantes, des falaises blanc calcaire et du Var bleu turquoise coulant comme le soleil orangé à travers la vallée depuis des temps immémoriaux. Ma gorge se noue d’émotion, mes sens sont submergés et je me mets à souhaiter que le train tombe en panne pour pouvoir contempler plus longuement ce pastiche réussi du paradis. Malheureusement le train file et siffle en sens inverse, vers Nice, mais  c’est un peu la perle de la côte d’azur, un amour de jeunesse, cette pensé me console.

La chance est vraiment de mon côté, je suis née au bon endroit au bon moment. Je n’ai rien à redire, ce moment est paisible et je me sens libre, c’est ça la vrai magie du train des pignes. J’aimerais tellement que mes enfants assistent a ce spectacle eux aussi, je reste optimiste, jamais personne n’osera toucher un cheveu de cette antiquité sur rails !

Au cours du voyage, je remonte dans le temps, je revoie dans les gares les paysans attendre sur les quais pour tenter leurs chances en ville. En regardant ces paysages, une graine s’est implanté en moi, elle a germé et elle est devenue ce petit texte qui n’a aucune autre prétention que celle de rendre hommage a un endroit magique, les forets et les montagnes ont murmurés chacun de ces mots à mon oreille, je ne suis qu’un humble robin des bois de l’émotion, chargé de témoigner des émotions qui m’ont remuées les tripes ce jour la.