L’homme qu’on aimait trop d’ André Téchiné

Mercredi 16 juillet sort dans les salles L’homme qu’on aimait trop d’André Téchiné présenté hors compétition au dernier festival de Cannes.

Après La fille du RER en 2009, André Téchiné s’est à nouveau emparé d’un fait divers célèbre : la disparition d’Agnès Le Roux en 1977, riche héritière du casino du Palais de la méditerranée à Nice. Sur la promenade des Anglais et dans la capitale azuréenne c’est une affaire qui hante toujours les esprits, d’autant plus qu’elle a connu de nombreux rebondissements. Peu après le tournage du film, le dernier procès a condamné Maurice Agnelet coupable de meurtre, l’envoyant en prison. Le doute subsistera toujours car l’accusé n’a jamais avoué et le corps d’Agnès Le Roux n’a jamais été retrouvé. Téchiné nous plonge donc au coeur d’une histoire où règnent l’argent, le pouvoir, l’ambition.

lhomme_quon_aimait_trop_bLe titre L’homme qu’on aimait trop semble laisser penser que le film se concentre surtout sur Maurice Agnelet. Bien sûr, cet avocat séducteur, cet homme manipulateur assoiffé de pouvoir est l’élément déclencheur de l’histoire. D’abord homme de confiance de la mère, il devient le confident puis l’amant de la fille, l’ami trouble du clan Fratoni, adversaire de Renée Le Roux, qui convoite le Palais de la Méditerranée.  Pour interpréter Agnelet, Guillaume Canet n’était peut-être pas le meilleur choix. C’est un personnage complexe, à plusieurs facettes et l’acteur incontournable du cinéma français est sans doute trop lisse, manquant d’aspérités. Agnelet peut se montrer à la fois charmant, charmeur mais aussi fermé, froid, voire méchant et odieux avec les femmes et en particulier Agnès à qui il dit sans hésitation qu’il ne l’aime pas et qu’il a besoin d’avoir d’autres femmes.

Malgré le titre, le film dessine peut-être davantage le portrait de deux femmes avec cet homme comme dénominateur commun. A l’origine, le projet de Téchiné reposait sur la libre adaptation des mémoires de Renée Le Roux, écrites par son fils Jean-Charles, Une Femme face à la Mafia. Au début du film, on voit Catherine Deneuve, vieillie, les cheveux gris, se déplaçant avec difficultés, se rendre au Palais de justice de Nice pour réclamer une révision du procès. Dès lors commence un long flashback rendant compte des événements.  Comme à son habitude, l’actrice est admirable. Elle incarne avec force cette femme à poigne qui dirige d’une main de fer le casino du Palais de la Méditerranée. D’abord amie d’Agnelet en qui elle place sa confiance et ses intérêts, elle se détache assez vite de lui et en fait une persona non grata. C’est ce revirement qui va déclencher l’acharnement d’Agnelet à vouloir nuire à la mère, par l’intermédiaire de la fille. Madame Le Roux aimerait diriger sa famille comme elle dirige son casino, avec autorité. Téchiné a décidé de ne pas montrer les autres enfants pour se concentrer davantage sur les rapports mère-fille. A aucun moment, elle n’apparaît tendre et maternelle. Elle aimerait qu’Agnès travaille avec elle, la façonner à son image. Pourtant, Agnès veut voler de ses propres ailes ; elle est insoumise. Pour l’incarner, Téchiné a fait appel à Adèle Haenel, jeune actrice qui a déjà une longue carrière derrière elle puisqu’elle a débuté à 12 ans dans Les diables de Christophe Ruggia. Cette année, à Cannes, elle est venue également à la quinzaine des réalisateurs pour présenter Les combattants de Thomas Cailley. Dans L’homme qu’on aimait trop, elle est solaire, spontanée, apportant au personnage d’Agnès Le Roux toute sa force mais aussi sa fragilité. En voyant le film, on se dit que Téchiné a trouvé en elle la meilleure interprète pour incarner Agnès Le Roux. Elle sait se montrer dure et implacable face à sa mère-Catherine Deneuve mais aussi fragile et profondément amoureuse d’Agnelet-Canet, l’homme à femmes. La scène où, face à lui, elle se livre à une danse africaine avec frénésie, souligne toute la complexité de la jeune femme, forte et fragile en même temps. Elle, qui dit ne pas pouvoir se passer de Maurice Agnelet, fait une première tentative de suicide et exprime tout son amour et son désespoir dans des lettres.  A la Toussaint 1977, elle disparaît. On n’a jamais retrouvé son corps.

Téchiné choisit de ne pas prendre parti, n’émet aucune thèse. D’ailleurs, à la fin du film, il rend compte des décisions du dernier procès. Il choisit de rester peut-être un peu trop à la surface. Le titre laissait penser qu’il se concentrait sur Agnelet mais il fait surtout le portait des deux femmes. Il semble que dans la forme, comme dans le fond, il ait décidé de ne pas choisir. Il a réalisé néanmoins un beau film, porté de bout en bout par ses acteurs.

 

 

 

 

A propos Laurence

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