Orsay et les origines du Mâle

« Masculin/Masculin » – ainsi s’intitule l’exposition historique présentée depuis le 21 Septembre et jusqu’au 02 Janvier 2014 au Musée d’Orsay, entièrement consacrée au nu masculin, la thématique enchante, dérange ou déconcerte, mais ne laisse en aucun cas le spectateur indifférent par son sujet inhabituel et son angle de vue novateur.

« Cachez ce sexe que je ne saurais voir », ainsi pourrait-on résumer le réflexe psychique décrit par Guy Cogeval, directeur du musée d’Orsay dans son analyse introductive au catalogue intitulée « surmâle ». Le masculin, thème fondamental de l’humanité car il en est part vérité d’une dichotomie racinaire, n’avait jusqu’alors dans notre pays jamais connu une telle présentation d’œuvres interrogeant ce concept, cette identité qui traversant l’histoire donne à voir sa polysémie et son infini renouvellement de traitement. En effet, si les corps nus d’éphèbes imprègnent notre imaginaire mythologique comme une évidence des dieux, le nu masculin est manifestement un sujet sous-représenté dans les collections présentées, bien qu’omniprésent dans l’iconographie. De fait, une confrontation thématique d’œuvres hétéroclites tant par leurs périodes que par leurs techniques, tranche, dans un musée consacré aux sujets « sages » (Ou du moins perçus comme tels) des œuvres du dix-neuvième siècle. Aussi, le commissariat d’exposition adopte ici un regard novateur, résolument pluriel, tantôt historique, puis esthétique voire sociologique sur le mâle nu ; échappant ainsi à une chronologie fastidieuse et permettant de témoigner des grands canons esthétiques : Force héritée de l’antiquité et de ses ré-interprétations par un homme-symbole glorieux, mais aussi du corps « vrai » dans sa mouvance naturelle, dans sa douleur ou dans son érotisation à sa la lumière du mystérieux féminin ou de son fascinent alter-ego. Et si cette exposition donnait raison à Pierre Bourdieu dans son étude de « la domination masculine » et à Freud dans une homosexualité psychique nous interdisant de s’autoriser à aimer la diversité, la fragilité voire l’attirance pour ce corps d’homme considéré comme une évidence et pourtant si oublié face à un nu féminin sans cesse exposé !? On se permettra de le penser. Cette présentation fait écho à l’exposition similaire du Leopold Museum de Vienne qui en 2008 suscita les mêmes réactions mais qui posa un nouveau regard sur l’homme (pour une fois sans majuscule) dans sa dimension diachronique. C’est d’ailleurs dans un partenariat avec cette institution que s’est constituée cette exposition, fournie par des collections rares des fonds des deux musées et enrichies de prêts variés des collections nationales.

Pierre et Gilles (nés respectivement en 1950 et en 1953) Mercure, 2001 (modèle : Enzo Junior) Photographie peinte, pièce unique, 117,3 × 87 cm Collection particulière © Pierre et Gilles. Courtesy Galerie Jérôme de Noirmont, Paris.

Pour ceux qui ne pourraient pas vivre l’expérience de la découverte frontale dans l’ancienne gare parisienne muséalisée, ou pour ceux qui voudraient justement continuer le voyage, les éditions Flammarion font paraître un ouvrage relié sous coffret retraçant la réflexion amorcée par les commissaires d’exposition. Plus qu’un simple catalogue « photographique » de l’exposition, cet ouvrage riche de textes pointus mais très justement écrits propose des regards d’historiens de l’art, d’experts en considérations plastiques ou de spécialistes des gender studies, en ce qu’elles ont toutes de lacunaires et complémentaires. La présentation de l’ouvrage permet également à l’esthète de simplement s’émouvoir ou à l’intellectuel de s’enrichir de la confrontations d’œuvres, agilement articulées en leurs thématiques et lignes de sens.

Parmi les œuvres présentées dans cette exposition et ce catalogue, quelques coups de cœur de la rédaction : En écho à la prolongation de l’exposition à la fondation cartier, cette présentation au musée d’Orsay confronte le visiteur à l’utra-réaliste « Père mort » de Ron Mueck, rigidité cadavérique d’un alter-ego si proche de notre existence, telle une vanité de la renaissance ; bien sûr les œuvres contemporaines les plus présentes sont celles des artistes Pierre et Gilles sublimant l’homoérotisme dans des compositions très esthétiques et pleine de clin d’œils historiques, réalisations qu’on peut mettre en perspective avec les dessins d’amants réels ou rêvés d’un certain Jean Cocteau. Enfin, outre les magnifiques nus antiques et néo-classiques, il faut absolument se délecter des mâles douloureux d’Egon Schiele qui enrichissent les collections du Leopold Museum de Vienne et qui sont ici présentés, tout cela pour finir par le magnifique homme nu assis au bord de la mer d’Hippolyte Flandrin qui laisse son songeur sur le masculin, le mâle, l’homme donc l’Homme.

Informations pratique : Exposition « Musclin/Masculin – l’homme nu dans l’art de 1800 à nos jours » jusqu’au 02 Janvier 2014 au Musée d’Orsay, plus d’information sur : http://www.musee-orsay.fr/

Catalogue de l’exposition homonyme, relié sous coffret, parution Flammarion, 256 pages, 39,90€ : http://editions.flammarion.com/Albums_Detail.cfm?ID=44663&levelCode=arts

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