68ème Festival de Cannes-Tapis Rouge

La 68ème édition du Festival de Cannes. Après la traditionnelle montée des marches où se sont succédé stars et mannequins, le jury présidé par les frères Coen ainsi que les festivaliers ont assisté à la projection du film d’Emmanuelle Bercot, La tête haute. Thierry Frémaux avait prévenu que ce serait un film beau et fort, qui contrasterait avec les fastes de Gatsby ou de Grace de Monaco.

cannesEn effet, Emmanuelle Bercot dresse le portrait d’un jeune délinquant, interprété par le jeune Rod Paradot, la première révélation du Festival. Dès la première scène, la réalisatrice frappe fort. On voit Malony enfant, avec sa mère, Sara Forestier qui fait penser à son personnage de Suzanne dans le film de Katell Quillévéré, face au juge des enfants interprété par Catherine Deneuve. Excédée devant son fils turbulent, la jeune mère le laisse dans le bureau de Catherine Deneuve, ne sachant plus comment agir. Voir ce petit garçon verser une larme suscite déjà une grande émotion qui ne va plus nous lâcher pendant tout le film. Puis l’enfant a quinze ans et c’est là qu’apparaît Rod Paradot. Il multiplie les vols de voiture, les faits de violence et se retrouve régulièrement devant le juge, avec ou sans sa mère.

Catherine Deneuve interprète une juge des enfants humaine, s’efforçant le plus possible de render des décisions justes, pour épargner à Malony d’aller en prison. Elle lui tend une main, au sens figuré comme au sens propre, en témoigne cette scène bouleversante où elle tente de le raisonner quand, en pleurs, il pense que personne ne veut son bien. Elle fait appel à un éducateur, Benoit Magimel, qui, on le devine, a eu un lourd passé. Lui aussi éprouve des doutes, pense parfois que son combat pour faire évoluer le jeune homme et le ramener vers le droit chemin, est peine perdue. Tous deux se disputent, s’affrontent, se battent même. Malony aime son petit frère mais surtout sa mère, perdue, désoeuvrée, splendide Sara Forestier.  Mais il aime surtout cette adolescente rencontrée au centre, la fille d’un professeur. C’est sans doute par elle que va passer le chemin vers la prise de conscience, et pourquoi pas le bonheur. Sans dévoiler la fin, le film entrouve une porte plutôt optimiste. Quand on voit Rod Paradot sortir du cadre dans le tout dernier plan, on se dit qu’il va peut-être s’en sortir, ou replonger. En tout cas, le tribunal est toujours là et continue son travail sans lui.

Comme l’ont rappeél Catherine Deneuve et Emmanuelle Bercot ce matin en conférence de presse, ce film est utile, comme une sorte de réponse à ce début d’année difficile. Le parti pris des deux scénaristes était de montrer le travail de tous ces hommes et femmes de l’ombre, sans les suivre dans leur vie mais uniquement par rapport à cet adolescent. Emmanuelle Bercot présente elle-même le film comme la rencontre entre une matière documentaire et une fiction, un aspect presque romanesque.  Elle a souhaité être précise, soucieuse de réalisme et de justesse. Elle a extrêmement bien atteint ses objectifs et nous montre le parcours d’un délinquant, qui n’est pas né méchant ou sauvage. Les circonstances, l’éducation, le contexte familial l’ont sûrement rendu ainsi. Il n’a aucune estime de lui-même, il le répète souvent à son éducateur ou aux professeurs des centres où il est allé. Le regard des adultes, leur attention a pu donner à Malony un peu de confiance et de considération, ne serait-ce que pendant de brefs instants. Là, est la force de ce film : nous forcer à nous interroger sur la “genèse” de la délinquance et le regard de la société.

On dit souvent d’un film que ses acteurs sont formidables. Pour La tête haute, ces compliments sont amplement mérités. Catherine Deneuve s’est emparé de son personnage, en assistant à des audiences au tribunal de Paris pour se rendre compte du ton employé entre les jeunes et les adultes. Elle a bien montré que c’est un travail où rien n’est acquis. Benoit Magimel et Sara Forestier nous prouvent une fois de plus l’étendue de leur talent, tour à tour touchants et même agaçants. Quant à Rod Paradot, il est La révélation du film. A la lecture du scenario, il a pleuré, nous a-t-il avoué. Il était en train de passer un CAP et ne pensait pas un jour jouer dans un film. Maintenant, le métier d’acteur le tente bien. Il y a fort à parier que d’autres réalisateurs vont faire appel à lui dans les prochains mois.

Après un film d’ouverture de qualité mais malheureusement hors compétition, les choses sérieuses commenceront demain avec la projection du nouveau film de Matteo Garrone.

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A propos Laurence

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