RETOUR A SONORA de Nicolas Moog

Le dessinateur originaire de Metz Nicolas Moog a pour particularité de faire partie de ce club pas du tout fermé des auteurs de BD qui sont aussi musiciens puisqu’il joue du banjo et de la guitare au sein du groupe country Thee Verduns. D’où sans doute cette volonté d’aller aux origines de cette musique et donc, comme il le dit très clairement, de confronter la réalité à cette image mythique de l’Amérique qui a hanté son imaginaire à travers la musique ou encore la littérature. Cette démarche, quelque part entre le carnet de voyage et le travail journalistique avait déjà abouti sur un livre, MY AMERICAN DIARY publié en 2009, pour lequel Nicolas Moog partait à la rencontre de musiciens issus de la scène musicale d’Austin au Texas. RETOUR A SONORA peut être vu comme la suite ou le complément de ce précédent opus, Moog se déplaçant cette fois-ci à Tucson dans l’Arizona à une centaine de kilomètres de la frontière Mexicaine.

Ce sont cinq rencontres et cinq portraits de musiciens qui forment le cœur de cet ouvrage et nous font découvrir des artistes issus d’une scène de l’Arizona que le succès international du groupe Calexico fondé par deux anciens membres de la formation Giant Sand a aidé à faire connaître, tout en semblant symboliser un peu l’arbre qui cache la forêt. Moog nous fait découvrir des artistes méconnus, poussés par une immense passion et une vraie solidarité malgré les difficultés à vivre de leur métier : « Tourner aux USA, c’est comme aller chez le dentiste » déclare Brian Lopez, guitariste et compositeur. Ne séduisant pas les maisons de disque, Billy Sedlmayr, ancien batteur des Giant Sand et compositeur à la carrière entachée par la prison et la drogue, tente de faire un disque en utilisant la méthode de la souscription espérant trouver suffisamment d’argent pour boucler son projet. « Tu connais la différence entre un musicien et une pizza ? La pizza nourrit une famille de quatre personnes ! »

Moog réussit à équilibrer harmonieusement tout au long de son livre la narration séquentielle (principalement réservée aux portraits et aux interviews des musiciens), le texte et le dessin. Le reportage flirte tour à tour avec la chronique rock, Moog sachant avec les mots transmettre sa passion et son admiration pour les musiciens qu’il évoque, et avec la ballade subjective, retranscrivant l’atmosphère de Tucson, son état d’esprit inscrit dans un contexte social et politique bien précis. En effet, au moment ou Moog est de passage à Tucson, la bataille électorale des dernières présidentielles entre Obama et Romney bat son plein. Tucson, ville pro-Obama, bastion démocrate au sein d’un Etat très conservateur, vit pourtant la réélection de son candidat sans enthousiasme. Quelque chose s’est perdu. La prose passionnée et le dessin élégant de Nicolas Moog réussissent à nous plonger au sein de la communauté des habitants de Tucson  – c’est sans doute la qualité marquante du livre, on voudrait aussi écouter cette musique là en buvant de la Tequila et en mangeant des burritos trop épicés –  mais dans la nostalgie du départ imminent, c’est aussi leur sentiment de désillusion qu’il enregistre.

RETOUR A SONORA – Un tome aux éditions SIX PIEDS SOUS TERRE – Parution en septembre 2013.