Une grève indécente

Je suis économiste et il est de ma mission de vous interpeller sur notre actualité inondée de cette grève dite des cheminots et que l’Histoire pourrait nommer la « grève indécente ». Je suis frappé : une noblesse salariale contre les sans-culottes de l’économie française. Une grève qui a pour intention de bloquer l’économie pour le maintien de ses privilèges. Une prise en otage de chacun par 150 000 privilégiés* du travail.

Le 1er février 1954, l’Abbé Pierre lançait un appel déchirant appelant à l’insurrection de la bonté. Il ressurgit aujourd’hui dans mon esprit tel un phare d’espérance pour des millions de Français vivant une situation de précarité, pour notre classe moyenne prise en otage, pour tous ceux qui souffrent de l’insécurité économique. Cette voix capitale et déchirante résonne tel un partage de bienveillance dans l’espoir de jours heureux pour chacun.

Aujourd’hui j’ai un grave besoin de dessiner un mouton….soixante-quatre ans plus tard, les menottes de l’incertitude économique, les chaînes du déclassement sont des problèmes préoccupant douloureusement la vie des Français…soixante-quatre ans plus tard, la moitié des Français vivent sur un îlot de crainte du lendemain au milieu d’un vaste océan de prospérité matérielle…soixante-quatre ans plus tard 50% des Français vivent avec moins de 1 600 euros par mois (alors que le salaire mensuel brut des cheminots est à 3467,86 euros hors primes et avantages -2015-) et se retrouvent exilés dans leur propre pays…soixante-quatre ans plus tard, 8,5 millions de pauvres, 14%de la population française, 3 millions d’enfants pauvres…oui, dessine-moi un mouton…

Ce sont les raisons qui me poussent à mettre face à face une condition humaine honteuse pour notre pays et une grève indécente de privilégiés. Les syndicats doivent assumer la responsabilité d’une nouvelle crise sociale. Il est d’actualité de faire fi des problèmes d’égo ou d’un besoin personnel de sur protection sociale. Il leur faudra répondre aux entreprises qui sombreront, il leur faudra répondre aux femmes et aux hommes licenciés, il leur faudra justifier en toute conscience les fondements de leurs revendications.

L’économiste peut apporter un éclairage chiffré : perte de 20 millions par jour pour la SNCF sur le crédit des impôts des Français, perte de 10 milliards en 3 mois pour la France par le blocage perlé des flux de production selon l’analyse de la grève de 1995 (300 millions estimés par jour non ouvré à l’époque pour l’économie française) – en incluant tous les couts indus réels- impact pouvant ce jour être estimé entre 0.8 à 0.5 de PIB. Les conséquences sont un blocage net de la croissance française suivie par une augmentation du chômage et une mise en faillite de PMEs et PMIs fragilisées et sans doute de certains grands groupes.

Quand les architectes de notre République ont magnifiquement rédigé notre Constitution, ils signaient un chèque dont chaque Français devait hériter. Ce chèque était une promesse qu’à tous les hommes, aux salariés et aux entrepreneurs et aux cheminots, seraient garantis les droits inaliénables de la vie, de la liberté et de la quête du bonheur.

Il est évident aujourd’hui que les cheminots ont manqué à leurs promesses à l’égard des autres citoyens. Au lieu d’honorer son obligation sacrée, le cheminot a délivré aujourd’hui un chèque en bois, qui est revenu avec l’inscription “ provisions insuffisantes pour raison de sauvegarde de mes privilèges ”.

Mais je refuse de croire qu’il n’y a pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de la chance, en notre pays alors que le cadre économique change. Aussi, suis-je de ceux qui veulent encaisser ce chèque de la réorganisation, de la levée de la noblesse « cheminale », un chèque qui nous donnera sur simple présentation les richesses d’un transport nouveau et la sécurité de la justice sociale.

Ce n’est pas le moment de laisser tiédir notre volonté commune d’équité sociale, nous ne voulons pas des tranquillisants des demi-mesures.

Les promesses de la démocratie doivent être tenues. Nous revendiquons la justice salariale. Nous refusons d’être pris en otages par 150 000. Nous comme vous les cheminots, nous rêvons de sortir des vallées désolées et nous avons besoin de voir le soleil.

Il est l’heure d’arracher notre nation des sables mouvants de l’injustice des protégés et d’apporter un soutien résolu à chaque laissé pour compte. Il est l’heure de bâtir sur le roc de la fraternité. Il est l’heure de faire de la justice, de l’égalité des chances une réalité pour chaque enfant de France. Il serait fatal pour la nation de fermer les yeux sur l’urgence. Les cheminots ont leur printemps, nous revendiquons un été, un automne, un avenir de liberté, d’égalité et de fraternité.

2018 n’est pas la fin de la SNCF, c’est un nouveau départ. Ceux qui espèrent que les cheminots avait seulement besoin de se défouler et qu’ils se montreront satisfaits, auront un rude réveil, si la nation retourne à son train-train habituel. Car alors moi aussi, avec mes semblables nous nous mettrons en grève pour avoir les mêmes droits que tous les agents avec statut et bloquerons notre France.

Je voudrais rajouter pour nos cheminots qu’en procédant à la reconquête des privilèges, ils ne doivent pas se rendre coupables d’agissements répréhensibles. Ne cherchez pas à satisfaire votre soif de supériorité en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine. Nous tous devons toujours mener notre lutte sur les hauteurs de la dignité et de la discipline. Nous ne devons pas laisser nos revendications créatrices dégénérer en violence physique. Sans cesse, nous devons nous élever où la force de l’âme s’unit à la force physique.

Cheminot, quand seras-tu satisfait ? quand tes privilèges seront assurés ? quand ton ego sera rassasié ?

Français, quand seras-tu satisfait ? pas quand on te prend pas en otage. Quand l’emploi jaillira comme l’eau, quand la justice sociale bondira comme un torrent intarissable.

Ici et maintenant je suis triste car je suis otage des cheminots français, je suis triste parce que notre combat est le même et que j’ai foi en la force du travail commun, que j’ai l’espoir inaltérable de la réussite sociale, de l’emploi et de la liberté d’entreprendre.

Tous les hommes naissent égaux.

Jean-Luc Ginder

Economiste

*

Information IFRAP du 8.3.2018

Les facilités de circulation

L’agent bénéficie de facilités de circulation pour lui (carte de réduction de 90%), ses ayant-droits (16 dispenses de paiement) et le reste de sa famille (parents, beaux-parents : 4 dispenses par personnes). Il existe également des possibilités de réduction sur le réseau international. La Cour des comptes a publié en 2014 un rapport à ce sujet dénonçant la dérive du nombre de bénéficiaires et indiquant que le coût de ce dispositif se situait à 25 M€. Par ailleurs, la Cour soulignait que si le dispositif avait été régularisé au regard des cotisations sociales concernant la réglementation des avantages en nature, il n’en était rien au niveau fiscal, les éléments n’étant pas soumis à l’impôt5.

Quelques précisions sur le bulletin de paie

La SNCF est également son propre assureur en matière de maladie : les cotisations sont versées à la Caise de prévoyance et de retraites du personnel de la SNCF (CPRPSNCF).

Les cheminots bénéficient comme les agents des autres entreprises publiques de l’emploi à vie. Ils participent cependant au financement du chômage via une cotisation de solidarité de 1%. N’ayant pu profiter de la baisse des cotisations chômage en contrepartie de la hausse de la CSG, celle-ci a été compensée par l’employeur, en l’occurence la SNCF.

Attention, cela ne vise que les agents soumis au cadre permanent : Les cheminots contractuels sont affiliés au régime général de la Sécurité sociale pour la santé et la retraite.

L’action sociale

Le département d’action sociale de l’entreprise propose différentes prestations financières : prêts, aides familiales, et d’un parc immobilier important (bien que ne logeant pas exclusivement du personnel cheminot).

Les retraites

Le régime de retraite de la SNCF est un régime spécial, qui sert environ 5,2 milliards de prestations vieillesse à 264.000 pensionnés pour 147.000 cotisants. Le régime de retraite est fortement déficitaire, d’où une contribution d’équilibre de l’Etat de 3,3 milliards d’euros, soit une subvention de 12.500 euros par retraité SNCF. Les cotisations de retraite sont plus élevées pour l’employeur (37,44%) mais moins élevées côté salarié (8,52%).

Depuis 2008, l’âge de liquidation des droits est relevé respectivement de 55 à 57 ans et de 50 à 52 ans à partir de 2024 pour les personnels roulants. Pour les autres agents dits sédentaires, l’âge d’ouverture des droits passe à terme de 60 à 62 ans. La formule de liquidation est proche de celle de la fonction publique avec un taux de 75% du salaire du dernier mois (primes comprises, mais gratifications non comprises).

Les IRP et le CE

Un certain nombre d’informations figurent dans le rapport Perruchot. Les moyens dévolus aux institutions représentatives du personnel dépassent le droit commun : les heures de décharge syndicale de la SNCF se sont montées au chiffre impressionnant de presque 1,2 million en 2011 (761 ETP), auquel il faut ajouter nombre de personnels mis gracieusement à disposition à plein-temps (162). Au total, nous avons 923 ETP pour un effectif de 158.000, soit 5,84 ETP pour 1.000 agents. Or, les calculs pour la fonction publique donnent une moyenne de 2,89 pour 1.000.

On remarque aussi les moyens financiers considérables fournis aux comités d’entreprise pour leurs activités sociales qui représentent 1,72% de la masse salariale.

Le temps de travail

C’est LE sujet qui a mobilisé les syndicats en 2016, à l’occasion de la négociation d’une convention collective applicable aux entreprises ferroviaires. Dans la perspective de préparer l’ouverture à la concurrence cette convention a été négociée avec l’Union des transporteurs publics ferroviaire (UTP). A cette convention s’est ajoutée une renégociation de l’accord d’entreprise applicable au sein de la SNCF. L’ensemble devait remplacer le RH0077 qui s’appliquait aux agents du cadre permanent.

La convention collective a été adoptée le 31 mai 20166 et l’accord d’entreprise le 7 juin7. La convention de branche ou décret socle a réduit l’écart de productivité entre la SNCF et les autres opérateurs ferroviaires 20 à 9% mais les concessions de la SNCF dans son accord d’entreprise vont annuler ces efforts. La durée annuelle de travail est de 1568 heures pour le personnel roulant. L’essentiel de l’organisation du travail avait été préservée. En témoignent les tracts syndicaux qui insistent sur l’amélioration obtenue du RH077 : nombre de jours de repos obtenus : 117 contre 104 pour les roulants, 5 jours fériés compensés, 28 jours de congés y compris fractionnement.

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