VILLA MAURESQUE raconté par François Rivière, illustré par Floc’h

Après avoir écrit entre autres sur James Matthew Barrie ou Agatha Christie, François Rivière prolonge son voyage chez les grands de la littérature anglaise avec cette autobiographie chorale et fantasmée de Somerset Maugham illustrée par son compère Floc’h, trente six ans après leur première collaboration et la publication du RENDEZ-VOUS DE SEVENOAKS, point de départ d’une saga en bande dessinée placée sous le signe de l’élégance british et de la ligne claire Jacobsienne. Or avec le présent ouvrage, nous n’avons pas proprement à faire à une bande dessinée ici mais on pourrait dire à un « roman graphique » au sens propre, un récit illustré, rythmé, scandé par les dessins de Floc‘h. La réussite de VILLA MAURESQUE, c’est de tirer tout son charme de cette osmose entre les textes et le dessin, les éléments écrits et graphiques, bien que dissociés, se succédant et se complétant harmonieusement au fil de la lecture.

Villa Mauresque Somerset Maugham Riviére Floc'hFrançois Rivière fait donc le choix d’imaginer une autobiographie de l’auteur de SERVITUDE HUMAINE, c’est Somerset Maugham qui nous parle, revenu d’entre les morts, hantant sans doute encore les pièces de sa Villa Mauresque, demeure paradisiaque du Cap-Ferrat dans les Alpes-Maritimes, achetée en 1926, sorte de refuge et d’incarnation du rêve de son propriétaire qui y finira ses jours quarante ans plus tard, malgré les drames, malgré la guerre, malgré les fuites forcées. Loin de l’Angleterre corsetée et pudibonde qu’il haïssait (celle qui avait emprisonné Oscar Wilde pour « immoralité »), Maugham, l’excentrique, le mondain, l’homme de goût, le bisexuel notoire, le libre d’esprit, accueillait dans sa villa épouse, fille, amis, amants, artistes, intellectuels. Maugham le timide, le disgracieux, le bègue qui rêvait de devenir « le plus grand écrivain vivant » voulait aussi surtout retrouver cette France qui l’avait vu naître en 1874 et sans doute avec elle cette image d’une mère trop tôt disparue.

Pour relater l’ambiance hédoniste et l’effervescence mondaine du lieu et de la vie de Maugham, Rivière choisit une narration à plusieurs voix qui viennent briser la subjectivité de l’autobiographie fantasmée en apportant le point de vue du frère, d’une amie, du neveu, de sa cuisinière. Par un effet de contrepoint, ces personnages dévoilent une autre facette de Maugham, celle d’un homme imprévisible, colérique, orgueilleux, parfois cruel avec ses proches comme avec les gens de son milieu. Floc’h donne souvent à voir levisage fermé, marqué, le regard marmoréen de Maugham qui finit par se confondre avec les masques et les statues de sa collection d’objets anciens. Au fur et à mesure que le livre avance et que les divers témoins nous dévoilent les facettes les plus amères de sa personnalité qu’il cachait bien derrière son cynisme vachard, Maugham devient une figure mélancolique, trouvant le repos et s’abandonnant enfin entre les murs d’une demeure tellement immuable que même les affres du temps et de la guerre semblait devoir la garder intacte.

VILLA MAURESQUE – Editions La Table Ronde – Paru le 7 Mai 2013

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