WEIRD SCIENCE – L’anthologie de la science-fiction façon EC COMICS

Avec ce premier volume de WEIRD SCIENCE, les éditions Akiléos poursuivent leur travail de publication de ce pan important de l’histoire de la bande dessinée américaine symbolisée par le succès fulgurant de l’éditeur EC COMICS dans les années 50. Ces courtes histoires publiées dans des revues thématiques (par genre : horreur, guerre, polar…) marquèrent durablement l’imaginaire des lecteurs et l’on peut tout à fait voir dans la science-fiction de WEIRD SCIENCE un ancêtre en BD de la célèbre série télé The Twilight Zone. Même si certains des précédents volumes consacrés aux EC COMICS par Akiléos ont déjà été chroniqués ici-même (CRIME SUSPENSTORIES, TWO-FISTED TALES, TALES FROM THE CRYPT), rappelons que chaque tome comporte l’équivalent de 8 numéros du magazine concerné soit 24 histoires compilées dans l’ordre original de parution. Elles sont reproduites en noir et blanc, ce qui permet d’apprécier le trait des différents dessinateurs (Al Feldstein, Wallace Wood, Jack Kamen…), même si cela nous prive des couleurs originales d’époque (cela dit l’édition américaine récente avait suscité les mécontentements des puristes en trahissant la colorisation d’origine). Pas de bonus, ni de reproductions de couvertures mais c’est peu dire qu’en soi, l’ouvrage est assez roboratif.

Apprécier les histoires des WEIRD SCIENCE, c’est se replacer dans le contexte d’une science-fiction qui est avant tout le reflet de l’Amérique des fifties. La présence récurrente de certains thèmes comme l’invasion extra-terrestre ou le péril atomique n’étonneront guère. Certaines intrigues s’ancrent même directement dans le réel afin de renforcer leur authenticité comme celle de PANIQUE ! qui fait clairement allusion à l’hystérie provoquée par l’adaptation radiophonique de La Guerre des Mondes qui rendit célèbre Orson Welles. La plupart des histoires sont scénarisées par le duo Bill Gaines/Al Feldstein et explorent aussi bien les voyages spatiaux que les paradoxes temporels tandis que d’autres flirtent même avec l’horreur rappelant qu’à la même époque les histoires macabres des TALES FROM THE CRYPT faisaient fureur. Il est évident néanmoins que les récits sont de qualité inégale, d’autant plus que les décennies passant, ils peuvent nous paraître parfois naïfs ou prévisibles. Et pourtant le vertige métaphysique de PERDU DANS LE MICROCOSME nous ramène au charme d’une SF qui bien avant que le genre ne soit vu comme étant artistiquement légitime (les écrivains de SF étaient méprisés, 2001 de Kubrick était encore loin, par ailleurs les EC Comics allaient disparaître très vite quelques années plus tard) savait déjà, sous couvert de fantaisie scientifique, interroger les mystères du monde et rendre compte des angoisses d’une société sous couvert de divertissement.

A ce titre, les quelques histoires écrites et dessinées par Harvey Kurtzman détonnent de la plus belle manière dans ce recueil. Peu enclin à la science-fiction, Kurtzman prend souvent le lecteur à contre-pied et semble se moquer des codes du genre. Moins bavard et explicatif dans sa narration, plus direct et ironique, ses histoires sont des OVNIS, souvent déroutantes, elles apparaissent comme les plus modernes et parfois s’avèrent des plus percutantes. Ainsi L’ENFANT RADIOACTIF est une singulière allégorie politique et L’ULTIME GUERRE SUR TERRE une variation malicieuse sur le thème de l’invasion extra-terrestre comme métaphore de la paranoïa. Gageons qu’en (re)découvrant ces histoires aujourd’hui, nous pourrons enfin les apprécier à leur juste valeur.

WEIRD SCIENCE Tome 1 – Editions Akiléos – disponible le 8 novembre
2012