Ma première rencontre avec LES DERNIERS et celle qui est à l’origine de ce projet indépendant Sophie Nahum, a été le choc bouleversant des Derniers enfants cachés (aux éditions Alisio), voir le lien vers ma chronique écrite en novembre 2021 (cliquez ici).
Le projet Les Derniers de Sophie Nahum est né ainsi :
“J’ai vu des figures de ma jeunesse disparaître les unes après les autres : Simone Veil, Elie Wiesel … J’avais conscience que les derniers témoins allaient bientôt disparaitre et que l’on manquait d’outils adaptés aux nouvelles générations. Mes enfants sont petits et n’auront pas l’opportunité de rencontrer des déportés quand ils seront en âge de comprendre, il y a donc une distance qui va s’installer. J’avais aussi l’envie de dépoussiérer la mémoire de la Shoah, de présenter les derniers rescapés d’une autre façon, moins formelle, moins solennelle. Je vais chez eux, on boit le café, on rigole, on ne parle pas que de la mort, on parle de la vie aussi.”
Dans ce même esprit sa rencontre avec l’artiste Shelomo Selinger, juif polonais déporté à l’âge de 14 ans, sculpteur et dessinateur reconnu qui témoigne au travers de dessins au fusain de l’enfer des camps, est prépondérante … Les dessins des camps sont parus aux Editions Alisio Témoignages et Documents en juillet 2022.
… Frappé d’amnésie à la fin de la guerre, l’auteur ne retrouvera la mémoire que sept ans après la Libération, il lui faudra encore une vingtaine d’années avant de pouvoir se lancer dans une oeuvre monumentale dont le Mémorial de Drancy.
A travers une soixantaine de ses dessins et dans un ordre précis, Shelomo Selinger va décrypter chaque planche comme il le fait devant ses élèves.
“Tout était élaboré, pensé, pour nous déshumaniser.”
En décrivant l’horreur, la mort, le quotidien cauchemardesque, le froid, la maladie, les “expérimentations médicales”, les pendaisons, les fours crématoires … l’auteur nous englue dans un air souillé, infect, irrespirable … nous reprenons de temps en temps notre souffle à la lecture des pages consacrées à sa famille, son père, sa mère, ses soeurs, des mots tendres parfois … “ma soeur, si jolie, avec ses magnifiques cheveux blonds et ses yeux bleus presque violets” … mais si terriblement réalistes pour nous raconter leur terrifiante disparition.
Quand une scène revient le hanter jusqu’à l’obsession, l’encre de chine, le fusain, le dessin ou la pierre et le bois deviennent des outils cathartiques, la démarche émotionnelle qui accompagne la création de l’oeuvre lui permet de partager les cicatrices de son passé.
Shelomo Selinger est un artiste rare qui témoigne à la face du monde de l’abomination de la Shoah, ses dessins en noir et blanc et ses sculptures sont autant de témoignages pour nous-mêmes et les générations futures … mais une autre partie de ses dessins est un hymne à la vie comme il le déclare au début du livre.
“Lehaim, à la vie, à l’amour, à l’amitié !”
Le lien ci-dessous vous permettra d’avoir accès à des extraits choisis d’interviews de Shelomo Selinger, parmi les videos réalisées par Sophie Nahum.
http://shelomo.lesderniers.org/selinger