Shock Suspenstories : L’anthologie des EC Comics chez Akiléos

Le mois de juin va permettre de renouer avec l’univers des EC Comics car Akiléos nous offre pour l’été approchant une nouvelle salve de recueils de courtes histoires publiées dans les mythiques revues du non moins mythique éditeur de bande dessinée. Le comic-book SHOCK SUSPENSTORIES était un cas à part dans la galerie des revues EC Comics puisque les autres publications obéissaient en général à une logique thématique (nous avions ainsi chroniqué les TALES FROM THE CRYPT consacrés aux récits d’horreur ou FRONTLINE COMBAT qui se centrait sur le thème de la guerre ou encore WEIRD SCIENCE spécialisé dans la SF). SHOCK SUSPENSTORIES fait ici figure de pot pourri puisque les genres différent d’une histoire à l’autre, ainsi le récit policier ou criminel côtoie le fantastique ou la science fiction et l’on trouve aussi des histoires d’épouvante ou de terreur. Ainsi tout au long des 6 numéros compilés dans ce fort volume, nous naviguons d’un genre à l’autre dans des histoires pourtant toutes scénarisées entre 1952 et 1953 par le duo Bill Gaines/Al Feldstein.

shock suspenstories ec comics akileosSi l’on peut trouver une formule à ces histoires, c’est bien la promesse à chaque histoire d’une fameuse fin choc, d’un dénouement percutant, le récit à chute étant évidemment une spécialité des EC Comics. C’est sans doute d’ailleurs un des aspects qui a le plus mal vieilli dans ces histoires car outre leur qualité inévitablement inégale (car Akiléos nous offre ici l’intégrale des récits et non une sélection anthologique), leur lecture révèle à quel point elles sont répétitives car basées sur une formule qui les rend souvent prévisibles. De fait, la plupart des récits fonctionnent sur la logique du « tel est pris qui croyait prendre » et le retournement final voit souvent le machiavélisme du personnage principal déjoué par le destin ou la malchance. On peut d’ailleurs y voir une tendance très morale qui sous-tend ces récits volontiers horribles. Par exemple, la mariage sans amour est toujours puni et le personnage récurrent de l’épouse qui se marie par cupidité est l’un des souffre-douleurs préférés des auteurs. Néanmoins, l’humour noir est souvent de la partie dans les meilleures histoires, car si les intrigues sont parfois atroces, l’horreur n’est ici jamais explicite (une scène particulièrement horrible d’un homme découpant le cadavre de son épouse en morceau pour la congeler restera malgré tout simplement suggérée) et prend plutôt la forme d’une ironie particulièrement macabre comme par exemple la vengeance propre et hygiénique de l’épouse tyrannisée dans l’histoire « UN TRAVAIL BIEN FAIT ! ».

A l’inverse, loin de toute ironie, des récits réalistes apparaissent dans la revue, baptisés par les auteurs eux-même du nom de « preachies », des histoires à message, des récits engagés qui témoignent de l’esprit plutôt progressiste qui animaient leurs auteurs, les poussant à traiter de sujets graves qui allaient être peu traités dans les comics de la décennie suivante : le racisme, l’antisémitisme, la haine ordinaire, la violence policière et l’engrenage de la justice. Si la violence de ces petits réquisitoires surprend, leur forme extrêmement démonstrative apparait très datée et en diminue franchement la portée. L’épisode intitulé LA HAINE est à ce titre saisissant : l’histoire nous met du côté d’un John Smith bref de l’américain moyen type, aveuglé par la peur et la haine et qui harcelant un couple de voisins juifs, voit peu à peu la petite banlieue résidentielle tranquille dans laquelle il habite être ravagée par la violence. Le propos est d’autant plus fort et dérangeant qu’il nous met dans la peau du quidam qui va peu à peu être dépassé par les élans de haine qu’il a contribué à attiser. De fait, le retournement final, passage obligé des récits EC COMICS, vient artificiellement asséner le message et enlève au récit une grande partie de son impact. L’épisode CONFESSION s’avère lui, dans le même genre, une réussite. Partant du thème hitchcockien de l’innocent que tout accuse, Gaines et Feldstein livrent un récit brutal sur l’injustice et la violence policière, pour une fois exempt de tout didactisme naïf et qui s’avère d’autant plus percutant que le coup de théâtre final est d’un pessimisme étonnant.

SHOCK SUSPENSTORIES tome 1 – Un tome sur quatre prévus
Traduction de Achille(s) – Editions Akiléos – Parution le 5 Juin 2014

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