Les cerisiers fleurissent malgré tout : un manga de Keiko Ichiguchi

En publiant LES CERISIERS FLEURISSENT MALGRÉ TOUT, les éditions Kana confirment leur fidélité au travail de la mangaka Keiko Ichiguchi par le biais de leur excellente collection « MADE IN » plutôt orientée vers un manga d’auteur, susceptible de séduire un public large mais aussi exigeant. Il faut aussi voir dans cette nouvelle œuvre la capacité des auteurs japonais à traiter de l’histoire de leur pays même quand elle est d’une actualité encore proche et que les plaies sont loin d’être refermées. Ici, c’est le traumatisme du séisme, du tsunami et de la catastrophe de Fukushima de Mars 2011 qui hante chacune des pages de cette œuvre.

Cerisiers fleurissent malgre tout kana IchiguchiPlus qu’un témoignage, c’est à travers un point de vue subjectif, un regard intimiste et introspectif que Keiko Ichiguchi tente de nous livrer son expérience. De fait, même s’il s’agit d’une fiction, on devine sans peine que le récit se construit autour d’une solide base autobiographique. Comme elle le confie dans la postface du livre, les souvenirs d’enfance de l’auteur constituaient le point de départ de cette œuvre avant que l’actualité ne vienne rattraper et bouleverser le processus créatif. La structure même du livre est à l’image de cette rupture : clairement conçu en deux parties, le livre s’ouvre sur un long voyage dans l’enfance de l’héroïne, une enfance à la fois marquée par l’amour et la peur de la perte, la conscience de la fragilité de l’existence et de la présence de la mort. Au mi-temps du récit, une double page muette sur un paysage englouti par les eaux vient soudainement tout emporter. L’héroïne, désormais adulte et résidant en Italie avec son époux, assiste à distance à la catastrophe, dans un terrible sentiment d’impuissance et de désespoir.

Ce qui rend sans doute ce manga vraiment intéressant et au bout de compte si émouvant, c’est moins finalement la portée documentaire de l’œuvre (sur les réactions des japonais exilés, sur l’échec du gouvernement et la désinformation propagée par les médias) que les liens tissés entre une tragédie nationale et les soubresauts intimes de l’héroïne, exprimés par le lyrisme d’une narration et d’un dessin tout en épure et en délicatesse. Au fond, à travers la métaphore simple du cycle immuable de la floraison des cerisiers, c’est toute la culture et l’esprit d’un pays qui s’exprime dans son attention portée aux plus infimes vibrations de la vie dans une perception ici presque exacerbée, une sentimentalité extrême, confrontée à la présence de la mort et à la violence de la catastrophe.

« Nous sommes si désespérément éphémères. Pourtant, nous ne pouvons pas nous empêcher de faire des promesses, sans savoir de quoi demain sera fait. Les saisons suivent leur cours, et les fleurs fleurissent une fois de plus. Elles meurent, mais elles reviennent toujours. C’est notre promesse »

A noter que l’édition Kana est très réussie, accompagnée d’une postface illustrée de 5 pages qui éclaire le travail de l’auteur. Keiko Ichiguchi sera présente en dédicace et en conférence à Japan Expo Sud du 1er au 3 mars à Marseille. Une exposition lui sera aussi consacrée.

LES CERISIERS FLEURISSENT MALGRÉ TOUT –
Un tome aux éditions Kana – Collection Made In – Disponible le 1er mars 2013

A propos Agence

A lire aussi

Partir au pays des rêves avec Jolies berceuses de mes 1 an

Plongez dans un monde enchanteur où les notes de douces mélodies se mêlent aux illustrations …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

WP Twitter Auto Publish Powered By : XYZScripts.com