Maestro(s) de Bruno Chiche : rencontre avec l’équipe du film

Maestro(s) le dernier film de Bruno Chiche sortira au cinéma le 7 décembre. Servi par un formidable casting (Pierre Arditi, Yvan Attal, Miou-Miou, Caroline Anglade, Pascale Arbillot), il nous entraîne dans la complexité des rapports père-fils, sur fond de musique classique  comme l’indique très bien son titre : chez les Dumar, on est chefs d’orchestre de père en fils. Quand François, le père (Pierre Arditi) apprend qu’il a été choisi pour diriger la Scala de Milan, il n’en revient pas. Mais, il s’agit d’un malheureux quiproquo. C’est en fait son fils Denis (Yvan Attal) à qui doit revenir ce poste si convoité. Ce malentendu ne va faire qu’accentuer les relation déjà tendues entre les deux hommes…

Le film a été mis à l’honneur à deux reprises dans les Alpes-Maritimes, d’abord à Nice en clôture du festival Cinéroman en octobre puis en ouverture des rencontres cinématographiques de Cannes il y a quelques jours. C’est à Nice, dans un salon de l’hôtel Négresco, que nous avons rencontré le réalisateur accompagné de Caroline Anglade, Pascale Arbillot, Yvan Attal et Pierre Arditi.

La musique classique à l’honneur

Maestro(s) s’inspire du film Footnote du réalisateur israélien Joseph Cedar sorti en 2011. L’intrigue ne se situait pas dans le milieu de la musique classique mais reposait sur le même malentendu.

Dans un premier temps, Bruno Chiche envisageait de faire de ses deux personnages masculins d’éminents historiens, convoitant tous les deux le prix Beaumarchais, décerné par l’Académie française. « Un jour, je dînais avec une amie chanteuse lyrique qui me dit que cette histoire ressemblait à celle de son mari et son beau-père, tous deux chefs d’orchestre. En sortant de table, j’ai appelé le producteur pour lui dire que j’allais changer le scénario », nous a-t-il confié. Situer l’histoire dans le milieu de la musique classique apporte au film une dimension particulière. « C’était génial de mettre ces musiques sublimes que l’on a choisies pour le film. Tout à coup, j’ai entendu le film davantage que je ne l’ai vu ! »

Pour Pierre Arditi, qui incarne François Dumar, ce chef d’orchestre qui croit avoir été choisi par la Scala de Milan, la musique classique est un milieu qu’il connaît très bien : «  Je suis tombé dedans quand j’étais petit. Ma famille était liée avec la famille Casadesus. Mes parents étaient mélomanes. Avant d’aimer Elvis, les Rolling Stones et les Beatles, j’ai d’abord aimé la musique classique. Jeune, j’avais l’habitude de mettre un disque de Mozart et je faisais semblant de diriger l’orchestre. J’ouvrais les fenêtres pour que des jeunes filles lèvent les yeux vers moi et me prennent pour un génie ! »

Diriger des acteurs et diriger un orchestre, n’est-ce pas un peu le même exercice ? C’est la question que nous avons posée à Yvan Attal, qui a fait plusieurs réalisateurs : « Il y a quelque chose de similaire. Mais chez le chef d’orchestre, l’effet est immédiat. Il lève sa baguette et tout à coup les musiciens partent ensemble. C’est une sensation extraordinaire. Le metteur en scène, lui, a le résultat bien plus tard. »

Pour interpréter ces deux chefs d’orchestre, les deux comédiens ont été coachés. « On a instinctivement imprimé chacun une manière de diriger. Elle est plus extravertie chez moi », nous a confié Pierre Arditi. Tous deux ont pris un immense plaisir à jouer les chefs d’orchestre . «  On a adoré ! C’était difficile de quitter la scène. Quand Bruno Chiche disait « coupez ! », on restait là avec la baguette. J’ai fait joujou avec cet orchestre toute la journée », admet Yvan Attal.

Des rôles féminins forts

Si le duo père-fils est au premier plan du film, il n’aurait pas la même force sans la présence des personnages féminins qui, contrairement à certains films, sont bien plus que des rôles secondaires, faire-valoir des hommes. Miou-Miou interprète la femme de Pierre Arditi et la mère d’Yvan Attal. Quant à Pascale Arbillot et Caroline Anglade présentes au festival Cinéroman, elles campent l’ex-femme et la nouvelle compagne de Denis (Yvan Attal). Autoritaires, au caractère bien affirmé, elles vont le faire se remettre en question et l’obliger à évoluer.

Pour Pascale Arbillot, le sujet abordé dans le film était aussi bien universel qu’intime. Elle incarne l’ex-femme de Denis, la mère de son fils mais aussi son imprésario. « Je trouvais qu’il y avait quelque chose de beau et de profond de voir une femme regarder, depuis un autre endroit, un homme qu’elle a aimé et qu’elle continue à aimer. » Bruno Chiche d’ajouter que ce personnage était assez inspiré par Pascale Arbillot elle-même.

Quant à Caroline Anglade, elle est la nouvelle compagne de Denis, violoniste et sourde, appareillée. « J’ai lu le scénario d’une traite et, à la fin, j’étais en larmes. J’ai trouvé le parcours de cette femme très joli. Elle n’est pas ambitieuse mais veut rester à sa place.» Pour pouvoir être crédible dans les scènes où elle joue du violon, Caroline Anglade a été coachée pendant quatre mois par Anne Gravoin. « Savoir tenir l’archet était un exercice en soi. Le violon est vraiment un instrument majestueux. Lors d’une scène, j’étais au cœur d’un orchestre avec des musiciens qui jouaient parfaitement Leurs sons couvraient le mien ! Je m’y croyais vraiment. En étant malentendante, on se doute que ça a été un dur combat d’en arriver là. C’est une bosseuse acharnée. Sa place lui convient très bien, même si Denis veut faire d’elle son premier violon ». En définitive, cette femme est bien plus forte que ne le croît son amant ! Pour Bruno Chiche, « c’est beau de voir un personnage qu’on pense fragile et faible et qu’on découvre très solide. »

Dans le film, ces deux femmes ne sont pas dans la compétition. Elles sont fortes et généreuses alors que les hommes apparaissent plutôt pudiques. Dans le film de Joseph Cedar, elle n’y étaient pas. Bruno Chiche a eu envie d’ajouter ce regard bienveillant mais aussi parfois dur mais nécessaire pour faire avancer les hommes. « Les personnages féminins ont un rapport à l’amour très particulier. Elles savent où est leur place. »

Les femmes sont plus fortes et plus courageuses que les hommes ! Ce n’est pas Pierre Arditi qui dirait le contraire : «  Si on finit par devenir des hommes, c’est grâce ou à cause des femmes. Je parle en conniassance de cause. Je leur dois absolument tout ! Franchement, je n’étais pas un mec idéal et chaque fois que j’ai traversé la vie de femmes qui ont fait ce que je suis devenu. »

Des relations père-fils tendues dans le film mais deux acteurs très complices

Déjà que les relations entre Denis et son père n’ont jamais été au beau fixe, elles vont encore davantage se compliquer lorsque François croit être nommé à la tête de la Scala et que Denis, mis dans la confidence, se tait. En effet, les relations des deux hommes reposent depuis toujours sur le silence et les non-dits. « C’est parce qu’ils n’arrivent pas à se parler que leurs problèmes rejaillissent sur toute la famille », reconnaît Bruno Chiche.

Pour interpréter ces deux chefs d’orchestre qui ont tant de mal à se parler, il fallait deux excellents comédiens. Bruno Chiche a fait appel à Pierre Arditi et Yvan Attal. Les deux hommes se connaissaient déjà avant le film. Pour Yvan Attal, qui venait de faire tourner Pierre Arditi dans son film « Les choses humaines », savoir que cet immense acteur allait être son partenaire à l’écran «  a définitivement scellé son envie de faire ce film. Quand il est arrivé sur le tournage, dès le premier jour de tournage, j’ai eu l’impression de le connaître depuis toujours. J’ai rarement vu un film où l’on croit autant à la filiation. Il y a des choses qui ne s’expliquent pas. Il est de ma famille sans l’être. C’est comme un frère, un père, un oncle. Il fait partie de ces acteurs qui m’ont donné envie de faire ce métier. »

« Ce sont deux personnages qui ont des failles. Ils peuvent se dire que l’autre est responsable de ses propres failles. C’est pas mal comme matériau ! » ajoute Pierre Arditi, conscient qu’ils n’ont pas eu à beaucoup travailler pour le film. « Ca s’est passé pas très difficilement parce qu’on est des siamois ! Pour ce film, on a fait autre chose que le boulot. On a prolongé les rapports ! »

Les rapports père-fils ont souvent été abordés au cinéma. Un sujet universel qui concerne tout le monde. En tournant Maestro(s), Pierre Arditi et Yvan Attal y ont spontanément pensé. Cela a fait surgir en eux des souvenirs, des anecdotes sur leurs rapports avec leur propre père. Le film lui a permis ainsi à Yvan Attal à la fois de se souvenir de son père et de réfléchir aux rapports qu’il a avec son propre fils.

Pierre Arditi nous a parlé de son père, « un véritable phare »  pour lui. « Il a fait l’artiste que je suis devenu. Il était peintre. J’étais ébloui par lui. Après, à une certaine période de ma vie, je n’ai plus été d’accord avec lui. Il était devenu le père de Pierre Arditi. Dans Maestro(s), quand j’incarne ce personnage, je joue mon père. Je suis Georges Arditi. Quand, dans le film, je dis à Yvan des choses terribles, je m’entends être mon père ! »

Maestro(s) de Bruno Chiche avec Pierre Arditi, Yvan Attal, Pascale Arbillot, Caroline Anglade… au cinéma le 7 décembre.

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