Débuts snobés par la presse branchée, traversée du désert dans les années 1990, décès d’un des membres clé… Indochine a survécu à tout, renoué avec le succès, a célébré ses 40 ans, il y a deux ans publiant, deux volumes de singles (vendus à plus de 500 000 ex) les embarquant dans un Central Tour triomphal avec six stades complets avec un record d’affluence au stade de France (99000 spectateurs) en 2023. Et puis surprise, voilà que l’on apprend ces jours la sortie de leur 14eme album studio.
Le rock’n’roll est une drogue dure dont on ne décroche pas facilement. Après des débuts snobés par la presse spécialisée, moqué dans un sketch des Inconnus, ils ont connu le succès et la traversée du désert dans les années 1990, après le décès de Stéphane le frère jumeau de Nicolas Sirkis, Indochine a survécu avant de renouer avec le succès. Le plus vieux groupe pop rock français continue d’occuper la scène médiatique avec une forme et une vitalité étonnante. Le succès de leurs derniers shows donnés à Bercy en 2018 l’attestent haut la main. Depuis les débuts marqués par le méga hit l’Aventurier, Indochine aura régulièrement alimente la « bande-son » des années des 80’s, 90’s et 2000. D’ailleurs qui mieux qu’eux aujourd’hui représente le mieux la musique pop rock de cette époque bénie ? Treize albums studios, 13 albums live, 7 compilations plusieurs millions de copies écoulées, on ne compte plus les tubes. En quarante-trois ans, Indochine a créé une œuvre pop vaste ambitieuse avec large éventail styles à base d’electro, de pop rock, post-punk, dance-rock et autres courants new wave. En publiant aujourd’hui ce 14e album studio, Nicola Sirkis et ses musiciens persistent et signent dans une voie, toujours aussi charnelle qu’organique. La preuve par « Babel Babel » et cette nouvelle collection de chansons où les synthés analogiques et machines robotiques livrent toute leur humanité. Dès le morceau d’ouverture « Showtime » la patte sonore d’Indochine transparaît de manière évidente avec cette structure architecturale en forme de boucle cyclique, ce pied de grosse caisse martelé et cette rythmique au groove haletant. La chanson est lancée par une longue introduction, incandescente, avec cette phrase extrait d’un livre de Chloé Mons « Et moi, je couche toujours le premier soir et dans mon esprit oui, c’est toujours pour la vie » partagée à l’unisson par la voix d’Anna Perro, la chanteuse du groupe espagnol Hinds. Loin de se répéter, Indochine construit, innove et dessine les lignes d’une synthpop mélodique dont ils ont seul le secret, une pop synthétique qui renvoie avec nostalgie à une époque révolue, celle des 80’s. « L’amour fou » enfonce le clou avec ce gimmick de synthé entêtant ses basses dansantes, ses claviers bondissants, un titre qui fera assurément la joie des playlists Spotify, Deezer. On retrouve ici le côté expérimental des débuts, cet échafaudage sonore influencé à la fin des 70’s par Taxi Girl, avec ce rythme qui martèle, porté par une voix forte et bien assurée. Ballade rock dansante et accrocheuse « Ma Vie est à toi » et son refrain à l’envolée triomphante porté par un synthé majestueux, est un attrape cœur qui vous pénètre le cerveau pour ne plus y ressortir. Dans cette immense cathédrale sonore, « Victoria » est une messe disco païenne où toutes les divinités electro 80’s, de Kraftwerk à New Order, en passant par Orchestral Manœuvre in the Dark seraient invités à s’unir avec Blur et MGMT. Plus surprenant ce « La Belle et la Bête » et sa rythmique electro reggae temoin d’une belle ouverture d’esprit. Futur tube en puissance « Le Chant des Cygnes » au refrain attrape coeur est dans l’ADN d’Indochine. Un symbole fort sachant que Nicola Sirkis a écrit ce titre à destination des femmes iraniennes qui défient le port obligatoire du voile. La chanson « Babel Babel » fait écho au mythe de la Tour, réflexion sur la vanité humaine, qui pointe notre monde actuel où la confusion est totale, où le bruit règne en maitre, où l’humanité se révèle écrasée par son incapacité à dialoguer. Portés par leurs gimmicks entêtants « En route vers le futur » et « Girlfriend » devraient déchainer les foules lors de la prochaine tournée 2025 qui s’annoncent déjà sold-out. Sublimée par la voix de Nicola Sirkis “Tokyo Boy » est une balade rock intemporelle qui nous ouvre la porte de rêves merveilleux avec ces notes aériennes, ces sonorités légères qui sont autant de petites bulles d’air qui voguent au gré de l’instant. Sorte de pop glam synthétique joyeuse et brutale, « No Name » nous tire de notre rêve pour nous happer avec sabasse rugueuse et ces claviers suspendus comme hors du temps . Un titre d’une belle puissance qui devrait lui aussi faire des ravages sur les dancefloors. Le pétillant disco pop « Annabelle Lee » aux faux airs de Dandy Warhols renvoie aux 90’s, époque durant laquelle le groupe avait orienté son univers vers une pop beaucoup plus dansante. Deux titres symphoniques enregistrés aux Air Studios à Londres « Le garçon qui rêve » et le bouleversant « Seul au paradis » viennent conclure respectivement les deux disques. Tout au long de ce double album, les Indochine conjuguent leurs multiples influences 80’s dans cette bande son à l’atmosphère unique où viennent se greffer basses electro, pulsations électro saccadées et autres sons surprenants. Mais leur musique est surtout construite avec intelligence et prend le parti du son aux couleurs du plaisir. Derrière l’apparente coolitude, il y a de l’ordre et de la rigueur, derrière les algorithmes, une présence charnelle. Basses monumentales, arrangements luxuriants et voix alléchantes, la musique d’indochine demeure cette infernale machine à danser. Faites passer…
Jean-Christophe Mary
Babel Babel ( Indochine records/RCA/Sonymusic)
CD1
- Showtime (featuring Ana Perrote)
- L’amour fou
- Ma vie est à toi
- Victoria
- Sanna sur la croix
- La belle et la bête
- Le Chant des cygnes
- La vie est à nous
- Le garçon qui rêve
CD2
- Babel Babel
- En route vers le futur
- Girlfriend (featuring Marion Brunetto)
- Les nouveaux soleils
- Tokyo Boy
- No Name
- Annabelle Lee
- Seul au paradis