Rencontre avec Francis Huster

Francis Huster et son jury viennent d’élire Indira Ampiot Miss France 2023. Le week-end précédent, il était à Nice, à l’occasion de la 17e édition du festival C’est Pas Classique. Avec la pianiste Hélène Tysman, il a invité le public à un concert littéraire, « Une nuit chez Musset ». Les deux artistes se complétaient avec talent : tandis qu’Hélène Tysman jouait les partitions de Chopin au piano, Francis Huster lisait, ou plutôt interprétait, les textes de Musset. Avec lui, nous avons partagé tantôt la solitude du poète des Nuits, tantôt la fougue de Lorenzaccio.

Sur scène, Francis Huster a interprété les textes des plus grands auteurs : Musset mais aussi Corneille ou Molière qu’il défend passionnément. Le 17 Février 2023, on fêtera l’ anniversaire de sa mort. Depuis plus d’un an, Francis Huster se bat pour que Molière ait sa place au Panthéon. Il lui a consacré une pièce et un livre. “D ‘une manière ou d’une autre, Molière entrera au Panthéon”, nous a affirmé avec certitude Francis Huster lorsque nous l’avons rencontré dans sa suite de l’Hôtel Méridien de Nice, quelques heures avant qu’il ne monte sur la scène de la salle Athéna du Palais Acropolis. C’était le lendemain de la victoire de l’équipe de France en demi-finale, contre les Anglais. Passionné de de théâtre et de foot, il n’a pas manqué d’établir un parallèle entre les deux ! Avec Francis Huster, on ne voit pas le temps passer tant il est enthousiaste, enflammé, passionné.

Une nuit chez Musset avec Hélène Tysman

A Nice, Francis Huster a régalé le public du festival C’est Pas Classique en lisant des textes de Musset magnifiés par les mélodies de Chopin. Sur scène, il a été Perdican, Lorenzaccio et tant d’autres personnages de Musset. « Tous ses héros, du plus petit au plus grand, se battent pour leur vie, pour leurs idées, pour leurs amours. Ils sont tous à nu. Il est rarissime que les héros de Musset mentent. Les spectateurs ne peuvent pas s’identifier à eux. Ils sont tous des vaincus. » Francis Huster compare volontiers  Musset à Tennessee Williams car ils ont eu un parcours parallèle : leurs œuvres n’ont pas été reconnues à leur époque mais elles seront toujours jouées et admirées dans le monde entier dans cinquante ans ».

« La position de l’éducation nationale par rapport au théâtre est inadmissible ! »

Grand défenseur des classiques, il regrette qu’on ait fait croire «  aux élèves que c’étaient des vieux, que leurs textes n’avaient rien à voir avec ce qui se passait dans la société où on les découvrait. La position de l’éducation nationale par rapport au théâtre est inadmissible . C’est une honte et une catastrophe ! » A l’époque des années 50-60-60, il y avait de très grandes troupes de théâtre (Jean Vilar, Louis Jouvet, Jean-Louis Barrault, la Comédie Française) qui parcouraient le monde. Les élèves allaient voir des pièces et comprenaient leur modernité. Maintenant, tout cela est terminé. « Comme l’école n’emmène plus les élèves au théâtre, le résultat, c’est que les jeunes considèrent le théâtre comme quelque chose réservé à une élite et ils estiment que les grands auteurs sont des vieux. Ils ne comprennent pas que leurs vies se trouvent à l’intérieur de ces textes. ». Francis Huster ose alors une référence au fout qui tombe à point. « Il faut demander aux joueurs de l’équipe de France de venir jouer sur une scène de théâtre. M’Bappé serait formidable dans le rôle de Figaro ! »

Trêve de plaisanterie. Voir une pièce de théâtre est bien plus qu’un enrichissement, c’est aussi une façon de s’éduquer. «  Un classique, c’est quelqu’un qui reste ancré dans son époque tandis que la modernité, c’est d’être réinventé à chaque époque. » Le théâtre invite donc les spectateurs à s’identifier aux personnages et leur donne le courage de faire grandes choses. « En voyant les pièces, on se prend pour Hamlet, Cyrano, ou Alceste ! »

Molière au Panthéon, son cheval de bataille

Passionné quand il s’agit de parler de théâtre et en colère face aux injustices, Francis Huster se bat depuis plus d’un an pour que Molière entre au Panthéon. Le 17 février 2023, on célèbrera l’anniversaire de sa mort. « Depuis 1793, date de la première république, on a éjecté du Panthéon tout ce qui s’est passé avant. On a fait entrer Rousseau et Voltaire qui n’ont pourtant rien de révolutionnaire. Depuis cette époque, on ne met pas les grands auteurs, Racine, Corneille, Molière et tous les autres. C’est un scandale ! Que serait la France d’aujourd’hui sans ces grands auteurs ? » Francis Huster le dit donc avec fermeté : « D’une façon ou d’une autre, le 17 février, Molière entrera au Panthéon ! »

« Les bons comédiens ne se soucient plus du texte et leur donnent une couleur d’âme »

Francis Huster a été professeur d’art dramatique pendant quarante ans. Des dizaines et des dizaines de comédiens ont défilé devant lui. Pourtant, ils n’avaient pas tous le même niveau ni le même talent. « Il y a deux sortes de comédiens : les grands sont ceux qui, en prenant et en apprenant le texte, ne s’en soucient plus et lui donnent une couleur d’âme qui leur correspond. Les mauvais, 90%, apprennent le texte mais ne le comprennent pas. On ne sait pas quelle est la personnalité de ces comédiens. » Il qualifie ces derniers de « déclamacteurs » , comme à l’époque de l’Antiquité, où les comédiens se contentaient de déclamer le texte. C’est à Shakespeare que l’on doit la puissance du théâtre. « Les spectateurs voient enfin ce que pensent les personnages » Francis Huster n’est jamais avare d’anecdotes. Il a évoqué pour nous une conversation qu’il avait eue avec Jean D’Ormesson à propos des définitions des mots rôle et personnage. Dans un livre, il y a des personnages. En revanche, sur une scène de théâtre, on joue des rôles, qui « sont la création de l’acteur ». Il avait alors appris à cet immense auteur que c’était à Molière que l’on devait l’emploi du mot « rôle ». Jean-Baptiste Poquelin, enfant, accompagnait souvent son grand-père au Pont-Neuf pour se faire arracher des dents. Il assistait alors au spectacle des bateleurs dont la fonction était de faire rire pendant que les autres hurlaient en se faisant arracher les dents. Il était étonné que ces hommes soient habillés et parlent comme dans la vie. Quand Molière a eu sa troupe, il a annoncé à ses comédiens qu’ils joueraient « des drôles » ; le mot lui est venu en pensant aux hommes du Pont-Neuf. A Madeleine Béjart qui s’était montrée étonnée de jouer un « drôle » pour une tragédie, il avait alors rétorqué qu’il allait retirer la lettre « d » et que ce serait donc un « rôle » !

Plusieurs projets pour 2023 au théâtre, à la télévision et au cinéma

2023 promet d’être une année riche pour Francis Huster. A partir du 20 janvier, il sera à Paris sur la scène du théâtre des Nouveautés dans « Les Pigeons », une pièce écrite par Michel Leeb. « C’est une comédie qui va faire renaître le style des grands duos comiques italiens.  Michel Leeb est quelqu’un d’élégant. On le considère comme un amuseur mais il a aussi une certaine douleur et un certain mystère en lui. Sa pièce a beaucoup de classe. »

Après « Meurtres sur les îles du Frioul », Francis Huster va être de nouveau dirigé par Sylvie Aymé dans une série en six épisodes sur Alzheimer intitulée « La fin des haricots », inspirée du livre de Gérard Haddad « Antonietta », où il racontait le parcours de sa femme atteinte de cette maladie.

Il nous a aussi confié qu’il allait revenir comme metteur en scène au théâtre et au cinéma. « Je suis sur deux, trois projets que j’ai écrits… » Il ne nous en a pas dit davantage mais nous avons eu le privilège d’apercevoir un texte sur lequel il était en train de travailler, annoté et surligné…

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