Vous êtes jeunes, vous êtes beaux : vieillir est un combat

Lucius a 73 ans. Il vit seul dans un petit appartement. Pas de famille, peu d’amis, juste Mona. Une confidente, une amante. Par nécessité, par amour, par goût du dernier frisson, Lucius en vient à participer à des combats de boxe clandestins.

Il serait facile de résumer “Vous êtes jeunes, vous êtes beaux” à un “Fight Club” pour vieux. Dès les premières minutes du film, avec ce long plan circulaire dans l’appartement de Lucius, Franchin Don nous confronte à un quotidien sinistre. Un regard cru, qui sublime le poids de l’âge et de la raison. Celle d’accepter l’inévitable. La main tendue de ce compagnon invisible qui peine à se dissimuler dans chaque recoin du cadre.  Et dont la présence se fait de plus en plus marquante. Au fur et à mesure que Lucius (Gérard Darmon) entame un chant du signe pour embrasser les dernières volontés de Mona (Josiane Balasko).

Vous êtes vieux, vous êtes invisibles

Derrière les coups, les éraflures, les bleus, c’est le portrait d’une France des oubliés qui nous saute au visage. Lucius déambule dans une routine mortifère. Abandonné par ses proches, condamné à l’exil par une société où le culte de l’apparence prévaut à la solidarité intergénérationnelle. Gérard Darmon incarne avec justesse un loup solitaire aux abois.  Le chemin de croix de “Vous êtes vieux, vous êtes invisibles”, est un kit de survie pour retraités en quête d’un EHPAD 4 étoiles.

Long et dur est le chemin qui mène au repos éternel

La mémoire on s’en fout. S’occuper d’un vieillard, ça pue“, assène le recruteur Lahire (Vincent Winterhalter) pour convaincre Lucius d’arrondir ses fins de mois. C’est violent, mais c’est vrai. Franchin Don souligne cette fatalité avec une lumière brutale, tantôt cadavérique, poisseuse et suintante de perversité. C’est beau, c’est coloré, c’est pathétique. Toute société a les vieux qu’elle mérite. Un constat qui fait écho au “Seul contre Tous” de Gaspar Noé et aux “Assassin(s)” de Mathieu Kassovitz. Si Le Boucher (Philippe Nahon) sombrait dans la folie,  Mr. Wagner (Michel Serrault) dans la criminalité. Lucius opte pour l’immoralité. Pour son amour propre, mais avant tout par amour de Mona.

Vous êtes jeunes, vous êtes sans coeur

Josiane Balasko est bouleversante dans la peau d’une Mona qui perd la mémoire. Cette petite vieille que l’on croise toujours de bonne humeur, qui n’a pas peur de sa dernière heure. Une survivante à toutes les réformes politiques, les promesses à la gloire d’un 3ème âge solidaire et respectueux. Mona et Lucius se soutiennent mutuellement, se mentent à eux-mêmes pour s’accorder une parenthèse enchantée. Une ambiguïté pleine de tendresse, qui sonne comme un aveu d’échec. “J’écoute ton coeur. Combien de battements tu crois qu’il te reste ?” Assez pour permettre à Lucius de la faire espérer.

Franchin Don signe un premier film hyper maîtrisé visuellement et dans la direction d’acteur. En même temps, quand on s’entoure de Josiane Balasko, Gérard Darmon, Patrick Bouchitey et de l’inclassable Denis Lavant, y’a pire comme baptême du feu. Mais il y a un bémol : le final manque un peu d’empathie. La conclusion est poignante, mais aurait méritée un peu plus de douceur dans ce pays où on laisse crever nos vieux.  N’est pas Noé et Kassovitz qui veut. Y’a pire comme comparaison, non ?

Vous êtes jeunes, vous êtes beaux 
Sortie le 2 octobre

A propos Yohann.Marchand

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