Belles de Nuit : ni putes ni soumises

1946, la guerre est finie. L’avenir des maisons closes est alors compromise par un projet de loi sur le renforcement de la lutte contre le proxénétisme. A la lecture de ce pitch, l’idée de faire une comédie musicale sur les dernières heures d’un bordel en pleine révolution féministe est plus que casse-gueule.   

Belles de Nuit évolue sur un fil : entre la reconstitution d’une verbe bigarrée qui prête à sourire, et une réflexion sur l’émancipation de la femme à la fin de la seconde guerre mondiale. Le premier quart d’heure laisse circonspect : l’usage intempestif du piano, de l’accordéon, de la flûte traversière, noie la présentation des personnages dans un gloubi-boulga certes audible, mais trop maniéré, au point de craindre que le concept même de comédie musicale fasse défaut à la richesse du texte.  

Heureusement cette mise en bouche un peu trop démonstrative prend son envol avec la première parenthèse chantée. On tombe aussitôt sous le charme de Jeanne, la femme forte (Sarah Tullamore) ; Lucienne, la femme blessée (Audrey Rousseau) ; et Jacote la femme enfant (Roxane Le Texier). Dès lors la pièce marie avec subtilité la légèreté rhétorique à des corps meurtries, grâce à une mise en scène épurée et colorée. Une noirceur poétique qui tient sur un fil. 

Belles de Nuit, mais pas à n’importe quel prix

Le second acte accentue un virage dramatique où Yvonne, la patronne (Bénédicte Charpiat) prend l’ascendant sur l’intrigue pour nous questionner sur les bienfaits ou non des maisons closes. Seul bémol, le grand méchant de l’histoire Momo (Jonathan Kerr) se révèle caricatural. A nouveau le texte entache la justesse d’interprétation des comédiens. Le plus affecté est sans conteste Amédée (Benoît Urbain), l’homme de main d’Yvonne, qui peine à nous attendrir. 

Belles de Nuit est un OTNI – Objet Théâtral Non identifié. Une particularité qui rend la pièce tout aussi attachante qu’agaçante, faute d’une écriture qui manque par moment de finesse et privilégie un propos consensuel. De peur de froisser les féministes ? Un paradoxe, car Belles de Nuit est avant tout le portrait de femmes qui cherchent à survivre dans une société patriarcale morte sous les bombes. Elles portent en elles l’avenir du pays, mais pas à n’importe quel prix. 

Belles de Nuits
Théâtre Trévise, jusqu’au 8 juin
Réservations : ici

A propos Yohann.Marchand

Mail : yoh.marchand@gmail.com Insta : yohann___marchand

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