Birdman d’ Alejandro González Inarritu

Birdman, dernière création du mexicain Alejandro Ganzales Inarritu , réalisateur entre autre de Babel et Amours chiennes, est sorti en salle le 25 février dernier en France. Nommée 28 fois, récompensée de quatre prix à la cérémonie des Oscars, notamment les prestigieux oscars du meilleur film et du meilleur réalisateur, cette comédie dramatique a reçu l’éloge d’une grande partie de la critique.

Riggan Thomson est une ancienne gloire du cinéma hollywoodien depuis qu’il a joué le rôle d’un super-héros ailé, Birdman, en 1989 et 1991. Pour tenter de renouer avec son succès d’antan, il va monter et jouer une pièce de théâtre à Broadway. A travers les difficultés que va rencontrer le personnage, Alejandro Ganzales Inarritu nous livre une réflexion sur la condition moderne de l’acteur, dans une réalisation belle et déjantée.

La frontière floue entre théâtre et cinéma

Un acteur qui se reconvertit au théâtre, un classique aujourd’hui tant les vas et viens entre les deux arts sont quotidiens. Pourtant ce n’est pas chose aisée. Michael Keaton, l’ancien Batman de Tim Burton qu’Inarritu a choisi pour jouer le héros de Birdman, entend relancer sa carrière en mettant en scène une pièce de Raymond Carver. Pièce banale, mise en scène médiocre, comédiens narcissiques… Le défi est de taille et les épaules de Riggan Thomson bien frêles ! D’Hollywood à Broadway un fossé se dresse. D’un côté les blockbusters colossaux aux effets spéciaux démesurés, les hordes de journalistes incultes à l’affût du buzz, les millions de spectateurs ne désirant qu’une chose: du spectaculaire. De l’autre, la scénographie limitée, la critique acerbe de l’influente Tibitha (Lindsway Ducan), les quelques centaines de spectateurs sexagénaires snobs et endimanchés. Que rapproche donc ces deux mondes a priori opposés ? Les acteurs ! Hollywood ou Broadway, peu d’importance pourvu que leurs efforts amènent un tant soit peu de reconnaissance. C’est ce qu’incontestablement Riggan Thomson recherche. Il envie la caste élitiste des acteurs qui comptent, celle de Brad Pitt ou même du talentueux Edward Norton alias Mike Stinner le détraqué sexuel. Mais une voix intérieure fustige le choix qui est le sien du théâtre pour apparaître sous un aspect nouveau aux yeux du public. Birdman tu as été, Birdman tu resteras ! Fi du passé, fi du surmoi, Riggan veut tourner la page. Mais au nom de quoi ? Serait-ce par dégoût des méga-production hollywoodienne, par volonté de changer de registre, par amour de la beauté théâtrale ? Muet, Inarritu se contente de dévoiler, de démystifier l’univers du jeu, de la parole, du geste et des égos. Birdman n’est ni une satyre ni un éloge, c’est un film sur les acteurs, leur métier, leur vie, leurs désirs. Quitte à se perdre parfois dans les méandres du stéréotype. Non messieurs Inarritu, le narcissisme, l’alcoolisme et la misogynie ne sont pas inhérents à la qualité d’acteur et toutes les actrices ne eont pas des filles faciles. Nombreux sont les praticiens de la scène qui exercent leur profession non seulement parce qu’ils sont doués mais également parce qu’ils y éprouvent une véritable passion. Nombreux sont les amateurs de théâtres ou cinéphiles qui perçoivent dans une pièce ou un film de la beauté, de l’esthétique, et non pas seulement un simple divertissement de masse pour les uns ou d’initiés pour les autres. Nombreux enfin, sont les metteurs en scène ou réalisateurs qui, amoureux de leur art,  souhaitent lui donner vie, en perpétuant ou en réinventant un genre, une technique, une vision de la société.

La beauté d’une mise en scène réussie

Et justement, Alejandro González Iñárritu fait partie de cette catégorie de réalisateurs. Contrairement à l’histoire proprement dite incarnée dans les personnages et les dialogues, la mise en scène encense remarquablement la beauté du septième art. Dès les premières scènes qui forment ce (faux) plan-séquence, on entre dans un huis clos surprenant et captivant dans lequel acteurs et techniciens se démènent avec énergie lors de répétitions générales toutes plus différentes les unes que les autres. La caméra filme en continu les diverses activités des protagonistes. Tout y passe: séance de maquillage, amourettes, disputes, scène, etc. Il en résulte également une synchronisation parfaite entre les actions et les dialogues qui donne une cohérence d’ensemble ainsi qu’une large dimension théâtrale au film. Sur ce point, il faut noter que le film est une constante mise en abyme: les personnages jouent des acteurs alors qu’eux même le sont. Ce simple constat apporte une touche de réalisme à la pièce. Réalisme contrebalancé par des scènes proprement surréalistes voir fantastiques: des pouvoirs magiques (ou super-pouvoirs ?), un homme ailé qui vole, puis un homme tout court qui en fait autant… Comme dans l’Écume des jours de Boris Vian, c’est cette dynamique virevoltante et déjantée qui donne à Birdman toute son originalité. On apprécie aussi les sonorités jazzy et funky de batterie qui, moins exaltées que celles de Whiplash, marquent néanmoins une bonne cadence.

Captivant, ironique, loufoque, Birdman suit néanmoins une lignée de films d’influence brechtienne par un brillant effet de distanciation qui s’opère entre l’image et le spectateur, permettant ainsi une réflexion sur la condition moderne de l’acteur que ce soit de cinéma ou de théâtre.

“Laissez-nous la scène, nous vous laissons la vie. Car nous, nous ne sommes pas doué pour la vie, nous sommes doué pour les vies, les vies multiples, contradictoires, divers. Libertin de pensée, menteur de profession, infidèle de tempérament, le comédien n’a qu’une seule maîtresse, la salle […]. Voilà le seul rendez-vous quotidien qui nous intéresse, la salle, celle où nous nous précipitons tous les soirs après des journées de somnambules, la salle aux terribles bravos qui nous récompensent et nous rendent épuisés à nous mêmes, cette salle où nous voulons vivre et rêvons de mourir, comme Molière, pour que notre dernier geste, lui aussi, soit encore un spectacle.”

Frédérick ou le Boulevard du crime, pièce de Eric-Emmanuel Schmitt (tableau 14).

Information angevine:

Birdman en salle au cinéma “400 coups” (http://www.les400coups.org/actuellement.php?film=18285)

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