Le légendaire cinéaste, Michael Cimino, est mort

Rien ne le destinait au cinéma, Michael Cimino, né dans une famille d’intellectuels de la côte Est en 1939, et qui avait suivi des études de design et d’architecture. Au début des années 70, un ami lui propose d’écrire le script de « Silent Running », un film de science-fiction écolo. Il contracte alors le virus du cinéma et poursuit avec un scénario « Le canardeur » (titre en VO : « Thunderbold and Lightfoot ») qu’il envoie à Clint Eastwood. Celui-ci, séduit, souhaite aussi le réaliser mais Cimino refuse en défiant la plus grande star de l’époque qui finit par donner son aval après 3 jours-tests de tournage. Le film terminé, Clint Eastwood lui adresse ses félicitations pour son utilisation du cadre, le cinémascope, à nul autre pareil. En effet, Eastwood lui fait remarquer que, durant toute sa carrière de films tournés en décors naturels, Cimino a réussi là où les autres échouaient : sa manière de filmer n’écrase jamais le relief majestueux du panorama, mais au contraire, le montre avec une force et un savoir-faire manifeste.

CiminoSon 2e film, « Voyage au bout de l’enfer », le porte au sommet 

Michael Cimino réalisera 5 ans plus tard ce qui fera de lui le roi d’Hollywood : « Voyage au bout de l’enfer », chef-d’œuvre monumental de 3 heures (avec Robert de Niro, John Savage, Christopher Walken, John Cazale, Meryl Streep) racontant la vie d’une petite communauté ukrainienne dans une ville sidérurgique de Pennsylvanie avant, pendant et après la guerre du Viêt-Nam. Le tournage est dantesque ; jamais l’on était parti en Asie pour tourner ce genre de film, Cimino exigea que les acteurs ne se lavent pas durant tout un mois ni ne mangent autre chose que du riz. Plusieurs fois, l’équipe technique et les acteurs manquent de périr accidentellement, notamment la scène de fuite avec l’hélicoptère dont un patin se prit dans une liane du pont, la (vraie) chute de John Savage dans la mer de Chine qui lui fractura la jambe (la scène où De Niro le récupère pour le charger sur son dos est réelle d’une certaine façon puisque Savage est estropié) ; la scène de la dérive des trois GI’s dans la rivière où ils se noient est accompagnée de borborygmes sur la bande-son, il s’agit en fait des gargouillis de Michael Cimino Cimino qui se noyait vraiment tandis qu’il les filmait sur un radeau de fortune qui venait de se briser.

Le film gagnera 5 Oscars dont ceux des meilleurs film et réalisateur, sera couronné de succès mais fera aussi polémique (L’activiste, Jane Fonda, traita Michael Cimino Cimino de fasciste de droite) ; il faut signaler qu’à cette époque, en 1978, les signes patriotiques sont très mal perçus ; d’une part, la vision proposée des vietnamiens (des soldats Viêt-Cong tortionnaires jouant à la roulette russe) n’est pas du goût d’une partie des américains, et d’autre part, l’hymne national, God Bless America, entonné par cette petite communauté détruite exaspérera d’autant plus.

Mais la question que pose Cimino à travers cette histoire est celle-ci : comment une communauté réagit face à une catastrophe ? L’autre question, plus large, est celle-là : comment refonder le mythe américain après toutes les catastrophes endurées durant les quinze années précédentes? (assassinats politiques, Viêt-Nam, le scandale du Watergate…) Tout cela rend le film ambigu, fin, intelligent car le God Bless America n’est plus seulement patriotique, mais ce qui tisse les liens d’une communauté en lambeaux tel un rite –de même que les rites fondateurs dans ce film qui sont légion : la cérémonie nuptiale, les scènes de chasse, les beuveries entre copains.

« La porte du Paradis » lui fait toucher le fond 

Deux ans plus tard, Cimino signera « La porte du Paradis » qui sera d’une certaine façon son voyage au bout de l’enfer. Cette fresque grandiose, démesurée de puissance visuelle et dotée d’un budget hors du commun à cette époque, s’en prend au mythe fondateur de la Nation. Il relate le massacre d’immigrants d’Europe de l’Est en 1890 dans le Wyoming par de riches fermiers, lesquels sont soutenus par le gouvernement américain. Le portrait est amer, sans concession et pose la question : qu’est-ce que l’Amérique ?

Le film est un désastre financier, coule la United Artists et met Cimino au ban des Studios. Lors de sa sortie en 1980, les Etats-Unis ont changé, cherchent à oublier leur traumatisante guerre du Viêtnam + la démission de leur président Nixon, et quêtent cette puissance qu’ils trouvent enfin dans « Star Wars » – puissance personnifiée par ailleurs par le nouveau Président, Ronald Reagan, élu en 1981, qui redorera le blason de la grande République Américaine.

Cimino ne se remettra jamais de cette blessure même si « La porte du Paradis » sera réhabilité ces dernières années, notamment en France, et considéré comme l’un des plus grands films de l’Histoire (avec « Voyage au bout de l’enfer »).

Renaissance avec Mickey Rourke 

Son dernier grand film sera réalisé en 1985. C’est « L’année du dragon », avec Mickey Rourke dans le rôle d’un policier d’origine polonaise, vétéran de la guerre du Viêt-Nam, balançant entre racisme et idéalisme politique déçu. Le personnage que joue Rourke est une version vieillie et absolutiste de ce que serait devenu le personnage de de Niro dans « Voyage au bout de l’enfer ».

Le pays de l’oncle Sam que dépeignait John Ford dans ses westerns était une idée à laquelle toutes les communautés ethniques pouvaient se rallier. La grandeur de Cimino est d’avoir su dialoguer avec le monde Fordien, de s’en réapproprier la thématique, sauf que les conclusions ne sont les plus mêmes. La dimension idéaliste en a pris un coup dans l’aile, et en grand peintre de son pays, Cimino a su en souligner les failles, les violences et les grands conflits intercommunautaires.

En deux, trois films, ce créateur génial a bouleversé les codes et les standards du cinéma pour imposer une vision forte, reflet à la fois juste et trouble de celle qu’il aimait plus que tout : l’Amérique.

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