Delphine Horvilleur, rabbin française, dirige la rédaction de la Revue de pensée(s) juive(s) Tenou’a. Elle est l’auteur de nombreux livres dont le fameux “Des mille et une façons d’être juif ou musulman” écrit en collaboration avec Rachid Benzine (Seuil 2017).
Le 9 Janvier 2019 parait chez Grasset son dernier ouvrage “Réflexions sur la question antisémite”.
Sartre dans son essai paru en 1946 “Réflexions sur la question juive” nous montre comment le regard de l’antisémite définit en creux le juif.
Delphine Horvilleur presque 80 ans plus tard, choisit d’analyser l’antisémitisme en se posant la question suivante : “Existe-t-il une réflexion juive sur la question antisémite ?”. Ce livre va tenter d’y répondre au travers des textes sacrés, de la tradition rabbinique et des légendes juives.
“Qu’ai-je de commun avec les juifs ? C’est tout juste si j’ai quelque chose de commun avec moi-même” disait Franz Kafka.
Dans son introduction, l’auteur plante le décor de cette haine des juifs, “Ils ne sont pas comme nous”, “ils excèdent …” Il existe une différence fondamentale entre l’antisémitisme et les autres racismes …
Les racistes expriment généralement une haine de l’autre pour ce qu’il n’a pas (la culture, la couleur de la peau …), le juif lui est hai pour ce qu’il a ou plutôt pour ce que l’on croit qu’il a.
Delphine Horvilleur va chercher les sources de cette “malédiction” dans les textes de la tradition juive, dans la Thora qui ne parle pas du juif mais de l’Hébreu “celui qui traverse”, car l’Hébreu n’est pas celui qui arrive de quelque part mais celui qui se met en route hors son lieu de naissance.
Au commencement est donc la rupture et toutes les tragédies qui vont résulter de cette rupture.
Bien plus tard Sigmund Freud établira un lien entre antisémitisme et mysogynie en ce qu’il émane d’eux une peur de la castration, de la séparation. On reproche donc aux juifs de manquer de virilité et d’incarner le féminin.
D’ailleurs Elisabeth Badinter dans XY, de l’identité masculine, nous dit que “l’arrivée d’Hitler au pouvoir résonnait inconsciemment comme une promesse de restauration virile”.
S’il fallait trouver d’autres mauvaises raisons à cette haine des juifs, la notion de “peuple élu” ne serait pas la moindre, notion dont les juifs se seraient bien passés, car s’ils ont reçu quelque chose, et il faut de nouveau se reporter à la Thora, il s’agirait d’une Révélation, la lettre ALEPH … une lettre muette … rien … un silence …
… “Tout” n’a pas été dit, et voilà ce fameux peuple élu qui refuse de partager un silence, ce qui va attiser la colère des haineux.
Plus proche de nous, la haine des juifs, la haine d’Israel, confusion des genres, confusion des termes, selon certains la mémoire de la Shoah prend trop de place, c’est comme si elle faisait de l’ombre à d’autre douleurs, ce qui faisait dire à Marceline Loridan-Ivens “Ils ne nous pardonneront jamais le mal qu’ils nous ont fait”.
De nos jours “les juifs sont pris en tenaille entre deux discours, d’un côté l’extrême droite et sa haine traditionnelle de “l’étranger à la nation” que le juif incarne et qui menace l’ordre établi et (…) l’extrême gauche lui reprochant d’appartenir ou de servir cet ordre établi”.
Delphine Horvilleur nous offre des outils de résilience pour échapper au repli identitaire, des armes pour se prémunir de la haine des juifs, tant elle est basée sur la peur celle que décrivait Jean-Paul Sartre :
“L’antisémite est un homme qui a peur. Non des juifs certes : de lui-même, de sa conscience, de sa liberté, de ses instincts, de ses responsabilités, de la solitude (…) c’est l’homme qui veut être roc impitoyable, torrent furieux, foudre dévastatrice : tout sauf un homme”.
A lire impérativement.
Encore une magnifique chronique. Percutante, hélas tellement d’actualité !
Elle nous aide à réfléchir et à prendre de la distance.
Merci Dominique, je vais m’empresser de lire cet ouvrage !
Merci pour ce gentil compliment. Ce livre est à lire effectivement.
Excellente chronique sur un sujet hélas très actuel. Encore récemment, un ami me posait la question : « mais qu’est-ce qu’on a fait pour engendrer cette haine ? » en lui offrant ce livre, j’espère qu’il trouvera des réponses et surtout « des armes pour se prémunir de la haine des juifs »
Merci en effet offrir ce livre est la meilleure réponse possible.