Les terres australes et antarctiques françaises sont des territoires isolés à la biodiversité menacée. C’est ce que nous apprend un communiqué de presse du Muséum National d’Histoire Naturelle paru hier. Ce dernier revient sur la liste rouge des espèces menacées en France, comprenant les vertébrés des Terres australes et antarctiques françaises.
Les espèces que l’on retrouve dans les zones isolées de la planète ne sont pas à l’abri de l’impact des activités humaines. C’est ce que démontrent les nouveaux résultats de la Liste rouge des espèces menacées en France, consacrés aux oiseaux, aux mammifères et aux reptiles des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), réalisés, par le Comité français de l’UICN et le Muséum National d’Histoire Naturelle, en partenariat avec la collectivité des TAAF.
L’étude nous apprend que les Terres australes françaises, ainsi que la Terre Adélie et les îles Eparses, sont des territoires relativement bien préservés, répartis de la zone tropicale aux latitudes polaires. Ces territoires inhabités, en dehors de la présence de scientifiques et de quelques militaires, représentent des îles majeurs pour la reproduction des tortues marines, des oiseaux et des mammifères marins, avec par exemple, des concentrations exceptionnelles d’oiseaux, qui dépassent plusieurs dizaines de millions de couples dans les Terres australes. Malgré cela, des menaces multiples pèsent sur cette biodiversité.
Les espèces introduites par l’homme comme les rats, les chats, les lapins et les chèvres, ont proliféré en l’absence de prédateurs naturels et menacent la faune de ces territoires. De nombreux oiseaux marins, comme le Pétrel gris dans les Terres australes et le Phaéton à bec jaune sur l’île d’Europa, tous deux classés « En danger », sont victimes des rats qui se nourissent des oeufs et des oisillons. Des lézards rares des îles Eparses, comme le Scinque aux yeux de serpent des Glorieuses, classé « Vulnérable’, sont aussi la proie des rats.
La pêche à la Palangre exercée de façon intensive dans les eaux internationales représente aussi un danger pour les oiseaux et les mammifères marins. Attirés par les appâts, des dizaines de milliers d’Albatros disparaissent chaque année, piégés sur les hameçons et victimes de noyade. Cette pêche menace notamment l’Albatros d’Amsterdam, dont on dénombre moins d’une cinquantaine de couples reproducteurs. Cette espèce classée « En danger critique », ne niche que sur l’île d’Amsterdam. Des dauphins comme le Globicéphale tropical peuvent eux aussi être piégés accidentellement sur les palangres destinées à la pêche au thon et à l’espadon.
L’étude revient aussi sur l’arrivée de nouvelles maladies sur les îles australes, come le rouget du port et le choléra aviaire, qui a provoqué des mortalités importantes chez les jeunes de plusieurs espèces d’oiseaux marins. Les spécialistes redoutent d’ailleurs, une contamination à l’avenir, des espèces les plus rares, comme l’Albatros d’Amsterdam que l’on trouve non loin des populations contaminées.
Le changement climatique constitue aussi une nouvelle menace pour plusieurs espèces, qui voient leur habitat se transformer. A Kerguelen, l’augmentation des températures de l’océan modifie les zones d’alimentation de l’Albatros à sourcils noirs, une espèce « quasi-menacée », qui pourrait disparaître de l’île. Dans le même cas, en Terre Adélie, la réduction de la surface de la banquise, provoquera une diminution des ressources alimentaires du Manchot empereur, classé « Vulnérable », dont le déclin est annoncé. On prévoit un déclin qui atteindrait plus de 80% à l’horizon 2100.
Pour répondre à ces enjeux et préserver la biodiversité de ces territoires, diverses actions sont donc mises en œuvre. Dans les Terres australes, une réserve naturelle nationale a été mise en place, couvrant plus de 2,2 millions d’hectares, la plus grande de France. Des études scientifiques ont été lancées sur des espèces emblématiques menacées, comme le Dauphin de Commerson et l’Orque à Crozet. A Saint-Paul, des actions de dératisation ont connu un certain succès en permettant le retour de certains oiseaux, comme le Petit Puffin, classé “En danger” mais désormais en voie de recolonisation. Enfin, depuis 2011, un plan national d’action est en place pour tenter de sauver l’Albatros d’Amsterdam de l’extinction. Au-delà de ces enjeux, ces territoires du bout du monde restent des sites uniques pour étudier, mesurer, et comprendre les impacts des changements globaux provoqués par l’homme sur la biodiversité.