« À livre ouvert » Souvenirs de médiathécaire en milieu hospitalier au temps de la Covid 19

La crise du Coronavirus a mis en suspend un bon nombre d’activités, dont le bénévolat.

 

J’ai été lectrice à l’hôpital pour enfants de Nancy de 2018 à 2020. Les tournées de lectures ont rythmé tous mes mercredis soir pendant 2 ans.

Comme l’ensemble des Français, mon quotidien s’est trouvé transformé le 11 mars 2020 avec l’arrivée de l’épidémie de Covid-19. Il m’a été difficile d’accepter que mon temps soit réduit et mes déplacements limités.

J’ai eu cette impression de perte repères et de sens. Cette mise en parenthèse forcée aurait pu être soit une contrainte soit une chance. J’ai choisi de garder mon optimisme et de prendre du recul sur cet événement.

Cet écrit a donc été mon point de chute et ma nouvelle façon d’avancer. Il est un recueil de mémoires, basé sur mon témoignage et les souvenirs des bénévoles que j’ai pu rencontrés durant mon parcours à l’hôpital.

L’association « la médiathèque des hôpitaux de Nancy », une activité peu commune

La lecture pour adoucir les maux

Le temps semble long lorsque nous sommes hospitalisés. Nous sommes loin de nos proches et de nos habitudes. Nous souffrons de maux physiques mais il n’en faut pas moins oublier les maux du cœur et de l’esprit.

Il est reconnu que lire est excellent pour la santé au même titre qu’une alimentation saine ou que la pratique régulière d’une activité physique. Elle apaise tout en stimulant notre cerveau. C’est aussi de cela qu’ont besoin les malades.

Heureusement, des associations prennent soin de distraire gratuitement les personnes hospitalisées par le biais de prêts de livres, de revues, de postes de radios, de DVD, mais aussi par le biais de visites régulières. Ces dernières peuvent prendre la forme de lectures qui sont proposées aux résidents, que cela soit envers les personnes âgées comme les enfants.

Un service discret

Il existe des hommes et des femmes qui, à travers la lecture, offrent de leur temps pour un sourire ou une conversation avec les patients.

C’est le cas des bénévoles de la médiathèque des hôpitaux de Nancy.

Durant deux ans, j’ai partagé le quotidien associatif de ces bénévoles.

Affectée comme lectrice à l’hôpital pour enfants de Nancy, je peux vous conter comment j’ai rencontré cette association et comment j’ai vécu ces mercredis soirs parmi ces bibliothécaires peu ordinaires. 

Ma rencontre avec cette association 

J’ai découvert cette association via France Bénévolat Nancy. Je cherchais à offrir de mon temps une soirée par semaine. Je voulais un cadre libre où la prise d’initiative était permise avec un dialogue facile entre tous les membres. J’avais envie de choisir une activité culturelle sans désir particulier. Je n’avais pas nécessairement prémédité d’assurer un bénévolat en milieu hospitalier.

Le hasard a cependant bien fait les choses : mon planning de liberté correspondait à celui de l’hôpital d’enfants de Nancy. Et j’ai accepté sans savoir vraiment où j’allais. En toute franchise, je craignais davantage le contact avec les enfants que la proximité avec la maladie. Pourtant, durant les deux années passées avec eux, j’ai pu constater leur besoin de culture. Je me suis aperçue qu’il ne faut sous-estimer ni la compréhension ni l’intelligence d’un enfant. La seule règle que je me suis imposée est de ne jamais parler aux parents ou aux enfants de la maladie. Je ne suis pas là pour cela et il y a bien assez d’éléments extérieurs pour rappeler le milieu médical dans lequel on se trouve.

Mon vécu en tant que bibliothécaire hospitalière

Le soin du réconfort 

Je me revois poussant les portes et le chariot de livres empilés, cherchant le contact d’enfants blessés, malades parfois méfiants mais souvent pleins de vie et de joie. Ils étaient aussi surprenants qu’attendrissants.

A 19h30, les bénévoles se rejoignent à la médiathèque. Nous y trouvons des livres pour tous les âges, de quelques mois jusqu’à la section pour adolescents et jeunes adultes. Nous discutons de notre week-end, de notre semaine de travail tout en choisissant les livres que nous souhaitons proposer pour la soirée. Nous les classons soigneusement sur le chariot afin de rester organisés pour la tournée. Nous enfilons les blouses jaunes qui servent à nous distinguer des infirmiers ou des aide-soignants. Nous prenons la clef, nous éteignons les lumières, nous poussons le chariot, nous nous dirigeons vers l’ascenseur et c’est parti pour une ou deux heures, nous ne savons jamais !

Par quel étage commencer ?

Lorsque nous remplissons notre chariot, nous pensons toujours à faire vivre une expérience nouvelle aux enfants. La lecture d’un livre peut vous changer. Telle la visualisation d’une œuvre d’art, la lecture provoque des sentiments et des réactions. Être sur un lit d’hôpital, entre quatre murs, avec pour seuls déplacements un couloir décoré de perfusions et de brancards peut vite donner le sentiment d’être à l’écart du réel, privé de vie. Comme la peintre Frida Khalo dont la vie fut sauvée grâce à la peinture, l’art peut nous permettre de reprendre le contrôle de notre existence. Je suis convaincue que lorsque je recommande un livre à un enfant ou que je choisie de lui lire un roman, il s’en souviendra. Et j’espère toujours que ce souvenir soit positif. Qu’il effacera un peu les piqures, les envies de vomir, les plâtres, les réveils d’opérations ou les brûlures. Je n’ai pas de formation médicale mais j’espère soigner autrement.

Quelques souvenirs en tant que lectrice à l’hôpital pour enfants

La maladie ne m’a jamais fait peur et cela bien avant d’accepter cette mission de bénévolat. Elle fait partie de la vie, et les malades qui s’y trouvent se battent pour le prouver. Il est très réducteur de ne les voir que comme “des malades”. Ils sont bien plus que cela. Les enfants m’ont toujours étonnée.

Un souvenir me revient pour illustrer ce propos. Je présente un livre sans grand enthousiasme sur l’histoire du café Excelsior de Nancy à un adolescent car c’est le seul livre “mature” qu’il me reste sur mon petit chariot. Je m’attends à repartir comme je suis venue. Et cela ne se passe pas du tout comme je l’avais prévu. Je présente le livre et j’explique à quel lieu il est rattaché. Qu’il s’agit d’un bâtiment unique, incontournable de Nancy et là surprise, l’adolescent me répond “Ouais. Ça me dit bien. Ça a l’air intéressant. Je veux bien le lire.”

Lire une histoire semble être un défi mais est-ce vraiment le but dans ce cas précis ?

Parfois, il est bon aussi de savoir partager ce que nous avons appris et faire la lecture en fait partie.

Je me rappelle de cette fillette qui était placée dans une chambre double, séparée d’un paravent. Je m’approche avec mon chariot et je me présente. J’explique le service que j’offre et je décris les livres présents sur le chariot. La famille est présente. Les parents de la fillette choisissent deux livres. La mère fait la lecture et c’est souvent ce qui arrive quand les parents sont présents. Nous leur laissons ce privilège, sauf à leur demande. En effet, une mère ou un père fatigué peut voir en votre venue un oasis dans une journée de garde-malade longue et sans répit. Il y a aussi ces parents qui semblent “perdus” car c’est peut-être la première fois qu’ils envisagent de lire une histoire à leur enfant. « Vous savez, nous, on lui met un DVD”. Et pourtant, ils ne sont pas contre d’essayer ce que nous leur proposons. Ils observent leur petit, et ils sont attendris par son écoute. Ils décident d’emprunter un autre livre, se tournent vers l’enfant avec cette promesse : “Maman te lira celui-là ce soir”. Vous regardez la scène avec un sentiment du devoir accompli.

Mon ressenti après ces deux ans de lecture à l’hôpital pour enfants de Nancy

J’ai reçu en retour un très bel échange, que cela vienne des bénévoles, des enfants ou du personnel soignant. J’aimais la lecture et faire partager mon loisir aux enfants est un réel plaisir. Ces enfants sont privés, pour certains, du “rituel du coucher”. Nous ressentons ce manque et le combler nous comble en retour. Pour les adolescents, c’est différent. Parfois, le contact est plus ardu. Comme beaucoup, la plupart d’entre eux se détournent de la lecture. Cependant, avec une approche amicale, la discussion est toujours possible. Les moments d’échanges peuvent être très intéressants et c’est surtout cela qui prime. Le contact avec les enfants malades nous renvoie à notre propre résistance. Tous les a priori sont balayés. L’hôpital pour enfants est, contre toute attente, un milieu très joyeux, que cette joie soit communiquée par la reconnaissance des parents, du personnel ou par l’attitude des enfants presque toujours déroutante qui semble dire : “je suis malade et alors ?”

Le Coronavirus, une menace ou un renouveau ?

Un changement imprévisible

Le virus Covid 19 a mis depuis mars 2020 un projecteur sur le milieu hospitalier.

Nous suivons depuis cette date le combat de son personnel qui œuvre chaque jour pour prodiguer soins et réconfort aux malades.

Dans un rythme de plus en plus effréné, les soins se succèdent ainsi que les patients.

Il a masqué les visages, les émotions, réduit les interactions et suspendu certaines missions.

Pourtant, les sentiments sont toujours présents. L’abandon lié à l’éloignement, le besoin d’être rassuré, réconforté, l’angoisse de rester cloisonné, tout cela n’a pas disparu.

« Re-panser » nos missions d’animations

Le Téléthon, une action dématérialisée

Il s’agit d’un véritable défi pour tous les Français qui y ont été confrontés. Comment adapter nos rapports face à un virus qui les restreint ?

Des initiatives ont pourtant été menées dans ce contexte.

Du 4 au 6 décembre 2020 a eut lieu le Téléthon. Une entreprise partenaire de cet événement, a été missionnée pour la prise d’appels de promesses de dons.

Afin de donner encore plus de sens à cette soirée, j’ai recommandé à l’entreprise de solliciter la participation de l’hôpital pour enfants de Nancy.

Ainsi, les enfants ont pu collaborer à cet événement. Leurs dessins ont été récoltés par l’équipe d’animation de l’hôpital et envoyés par e-mail à l’entreprise qui a pris le soin de les afficher afin d’encourager son personnel !

Il s’agit d’une action modeste mais qui avait pour but de faire participer les enfants à un événement réel et caritatif.

Ainsi, la vie associative continue avec ses animations, à condition de les adapter et de profiter de toutes les  opportunités qui prennent en considération les gestes barrières et la sécurité de tous.

Ce temps retrouvé se traduit par le souvenir commun que nous avons tous : les bénévoles et les enfants.

Etape par étape, nous construisons ensemble des moments uniques et beaux malgré un contexte difficile. Finalement, il a était mon remède face à ce nouveau monde et ces échanges transformés que nous devons désormais appréhender.

 

Justine Wolf

 

A propos Mikael Buffard

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Un commentaire

  1. Sebastien Legrand

    Merci pour le partage :-)

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