L’Opéra dramatique de Moussorgski d’après l’œuvre d’Alexandre Pouchkine présente ” Boris Godounov ” la vision d’une Russie basculant dans l’irrationnel et livré au règne de la peur et de la folie. ” Le pouvoir vivant est insupportable au peuple ; il ne sait aimer que les morts”. Boris, Boris Godounov, Alexandre Pouchkine
Lorsqu’en 1824, Pouchkine entreprit avec Boris Godounov l’élaboration de son premier drame historique, il ne savait que trop à quel colosse il s’attaquait. C’est armé d’une lecture de Shakespeare qu’il se mesura au règne fulgurant du Tsar de toutes les Russies (1598-1605).
De fait, il y a du Macbeth dans cette fable politique, où Boris voit ressurgir, sous la forme d’un imposteur, le spectre de l’enfant qu’il avait fait assassiner pour conquérir le trône. S’emparant de ce poème épique, Moussorgski compose une réflexion sur la solitude du pouvoir, un drame populaire dont le véritable protagoniste est le peuple russe, avec son lot de souffrances éternelles.
Déjà, Pouchkine s’interrogeait : « Qu’est‑ce qu’une âme ? Une mélodie, peut‑être… » Ivo Van Hove, habitué des grandes fresques politiques, signe sa première mise en scène pour l’Opéra de Paris.
L’histoire
Le Tsar Boris Godounov gouverne mais le pays sombre dans le chaos et la pauvreté. Un jeune moine vagabond, Grigori, se fait passer pour Dmitri le fils défunt de Boris Godounov et réussit à épouser Marina, une femme noble originaire de Pologne qui déguise sa volonté de puissance en amour passionné. Après avoir convaincu le roi de Pologne de sa légitimité, le faux Dmitri convainc les Polonais d’envahir la Russie. Boris,pris par la culpabilité et les remords et hanté par des hallucinations, sombre dans la folie et meurt en implorant la grâce divine.
Réalité historique, drame passionnel, l’œuvre de Pouchkine revêt une dimension dramatique où l’influence du Mc Beth de Shakespeare est ici pleinement assumée.Modeste Moussorgski avait livré deux versions de cet opéra dramatique.
Du 07 juin au 12 juillet, l’Opéra National présente la version originale de 1869 (7 tableaux ). Rejetée par la censure impériale en février 1871, le compositeur russe livra donc une seconde version révisée en 1872 (en un prologue et 4 actes) qui fût créée le 8 février 1874 au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg.
Dans cette tragédie humaine qui traite de la perte d’un enfant mais aussi de la puissance et de la mort, l’univers 3.0 déployé par le metteur en scène Ivo van Hove entraîne les protagonistes dans un monde à la fois délirant, claustrophobique et mégalomane. L’incompréhension entre le tsar Boris hanté par la perte de son fils et du peuple russe mourant de faim conduit à une folie meurtrière.
Les vidéos projections sur un gigantesque écran LED signés Tal Yarden sont au centre de cette mise en scène à la fois sobre et très esthétique avec une extrême aisance entre un réalisme fantastique et onirique dans un décor unique. Cet escalier central –monumental- qui symbolise l’échelle du pouvoir est le témoin principal de ce drame historique. Cette ouverture béante à même sur le plateau représente le puit obscur de la chute à venir.
Cette nouvelle production est un triomphe annoncé pour plusieurs raisons : la présence de superstar telles Alexander Tsymbalyuk, magnifique voix basse dans le rôle titre, de la mezzo-soprano Evdokia Malevskaya (Fiodor ) et l’excellente soprano Ruzan Mantashyan (Xenia), la direction d’orchestre confiée à Vladimir Jurowski, ces magnifiques lumières signées
et enfin la dramaturgie Jan Vanenhouwe pour le souffle et la précision de ses mises en scène cette façon de mettre à nue l’âme des personnages. Un triomphe annoncé.
Opéra Bastille. Place de la Bastille, 12e. Tél. 0892 89 90 90. À 20h.
Jean-Christophe Mary
Boris Godounov
Modeste Petrovitch Moussorgski
Opéra Bastille – du 07 juin au 12 juillet 2018
Nouveau spectacle
2h10 sans entracte
Boris Godounov
Opéra en sept tableaux
Musique
Modeste Moussorgski
Livret
Modeste Moussorgski
D’après Alexandre Pouchkine, Nicolas Karamzine
En langue russe
Direction musicale
Vladimir Jurowski
7, 10, 13, 16, 26, 29 juin, 2 juil.
Damian Iorio
19, 22 juin, 6, 9, 12 juil.
Mise en scène
Ivo van Hove
Boris Godounov
Ildar Abdrazakov
7, 10, 16, 19, 22, 26, 29 juin – 2, 6, 12 juillet
Alexander Tsymbalyuk
13 juin – 9 juillet