“Dans les forêts de Sibérie” au théâtre : rencontre avec William Mesguich

William Mesguich est actuellement en tournée et tous les lundis à Paris au théâtre de Poche Montparnasse, avec Dans les forêts de Sibérie. Après avoir incarné des héros du répertoire classique, des personnages souvent torturés et complexes, il a eu envie d’adapter pour le théâtre le livre de Sylvain Tesson, où il raconte les six mois qu’il a décidé de passer, seul, sur les bords du lac Baïkal. Une invitation à la rêverie, à l’introspection et à la lecture qui a séduit William Mesguich, comme des milliers de lecteurs. Sur scène, le comédien est lui aussi seul, dans un décor réaliste, qui rappelle l’isba de bois remplie de livres que Sylvain Tesson avait occupée durant son séjour. Nous avons pu rencontrer le comédien quelques heures avant qu’il ne monte sur la scène du Théâtre de la Cité de Nice. Avec enthousiasme et passion, il nous avait parlé de cette adaptation mais aussi de ses nombreux projets, notamment pour le prochain festival d’Avignon.

France Net Infos : Pourquoi avez-vous eu envie d’adapter pour le théâtre Dans les forêts de Sibérie ?

William Mesguich : Je connais Sylvain Tesson depuis un peu plus de vingt ans. On s’apprécie et on se respecte. Il sait la façon dont je perçois les choses. Depuis quelques années, je m’étais aventuré dans des rôles un peu violents, excessifs, avec une capacité à aller vers la noirceur, et j’en avais un peu marre. En 2019, je sortais d’un Avignon dantesque où je jouais quatre spectacles par jour et j’avais envie d’aller sur un autre territoire. Après le festival,en août, le directeur du théâtre de la Huchette à Paris m’a demandé ce que j’avais à lui proposer. A peine lui avais-je parlé de l’oeuvre de Sylvain Tesson, qu’il me disait qu’il était partant. C’était pour novembre. Il fallait faire l’adaptation, apprendre le texte, créér une équipe, trouver des moyens, organiser un calendrier de répétitions. J’avais envie de tenter une autre expérience, avec une parole plus apaisée, moins exacerbée.

France Net Infos : Vous en êtes à plus de cent représentations. Est-ce toujours le même plaisir ou les personnages excessifs que vous avez interpétés auparavant vous manquent ?

William Mesguich : C’est toujours un bonheur de dire ce texte. Les gens prennent toujours beaucoup de plaisir à l’entendre parce qu’il les touche. Sylvain écrit admirablement bien et dit des choses universelles qui concernent tout le monde. Ca me fait toujours du bien de distiller une parole un peu différemment. Je voulais aussi raconter des choses qui avaient à voir avec le silence, la solitude, le temps qui passe, la beauté du monde, le rapport à soi et au monde… Quand j’ai appris ce texte, j’ai été entraîné ailleurs et je me suis retrouvé dans un autre rapport au monde. Au début, j’avais une certaine défiance vis-à-vis du projet et je me demandais s’il allait intéresser les gens. J’ai appris que ça pouvait être merveilleux aussi d’être dans une sorte de plénitude, de calme.

France Net Infos : Syvain Tesson est un féru de littérature. Il part seul aux bords du lac Baïkal mais avec plein de livres. Il doit pêcher, chasser pour se nourrir. Il rencontre aussi des personnes. Comment avez-vous opéré vos choix pour l’adaptation ?

William Mesguich : Il est parti avec soixante livres. Pour adapter le texte sur scène, il a fallu picorer des passages où il est question de littérature. Le rapport à la solitude, qui s’accompagne de moments d’introspection est aussi très important dans le livre. On a aussi tenté de montrer les moments où il est à l’extérieur de l’isba. Entre le son, la lumière, la projection vidéo et le texte, je trouve qu’on ne s’en tire pas si mal. Il fallait équilibrer les moments amusants, le silence et l’introspection, l’écriture, la lecture. De nombreux spectateurs m’ont dit qu’ils avaient l’impression d’être dans l’isba aux bords du lac, comme s’ils vivaient eux-mêmes cette expérience !

France Net Infos : Vous-même, quels livres emporteriez-vous pour vivre une telle aventure ?

William Mesguich : Plein de poèmes ! Ceux de Baudelaire, Rimbaud, Mallarmé, Hugo, Desnos, Aragon. J’aime aussi beaucoup la rhétorique donc je pense que j’aurais pris des livres sur la langue et les figures de style. Comme Sylvain Tesson, j’aime beaucoup Dostoïevski, Tolstoï. J’aurais aussi sûrement emporté avec moi Les Misérables et des pièces de Shakespeare.

France Net Infos : Désormais, vers quels rôles aimeriez-vous aller ?

William Mesguich : Je vais m’aventurer dans Richard III, que je vais mettre en scène et que j’interprèterai. Je vais essayer d’y mettre plus de froideur en évitant le côté bestial, ostentatoire, que j’aurais pu faire il y a quelques années. J’aimerais bien aussi déclamer des poèmes de Baudelaire et aller dans les méandres de sa vie. Je vais aussi m’efforcer de calmer un peu le jeu car j’ai beaucoup donné ces derniers temps. J’aimerais prendre le temps de vivre différemment, en préparant les projets un peu mieux.

France Net Infos : L’écriture vous tente ?

William Mesguich : Oui, j’ai envie d’écrire des choses qui me concernent personnellement, en évoquant mon parcours, mes relations avec mon père, avec le théâtre. Je ne sais pas encore. J’ai beaucoup de choses à raconter, des choses drôles, émouvantes. J’ai vingt ans d’écart avec mon père et je pourrais parler des rapports universels qu’on entretient dans l’héritage familial avec son père ou sa mère. Etre enfant d’artiste crée les conditions d’un parcours très singulier. Ca n’a pas toujours été facile, même si je suis très fier de cet héritage et de ce parcours. Je suis très heureux de ce que j’ai fait.

France Net Infos : Serez-vous à Avignon cet été ?

William Mesguich : J’y serai avec dix spectacles. Il y aura Lettre d’une inconnue de Stefan Zweig. Je vais aussi reprendre La vie matérielle de Duras et Le corbeau blanc, qui avait déjà eu beaucoup de succès en 2019. J’ai aussi mis en scène Gautier Fourcade dans Liberté ! Il est à mourir de rire ; il jongle avec la langue française un peu à la manière de Raymond Devos. Il y aura aussi Opérapiécé : deux chanteuses et un accordéoniste qui font se télescoper musique classique et chanson française. Je reprendrai aussi Sur les pas de Léonard de Vinci, un spectacle familial. Avec mon père nous allons reprendre les deux duos, Entretiens de Pascal et Descartes et Le Souper. Ces deux textes ont été écrits par Jean-Claude Brisville. Je vais aussi jouer dans Vienne 1913, qui montre les prémices de la pensée nazie, Artaud Passion où j’interprète ce poète torturé et puis, bien sûr, Dans les forêts de Sibérie.

Dans les forêts de Sibérie est acutuellement en tournée et tous les lundis à Paris, au théâtre de Poche Montparnasse.

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