Festival de Cannes J7 : “Les feuilles mortes” et “Club zéro” en compétition, “Fermer les yeux” à Cannes Première

Septième jour du Festival et la fatigue commence à sérieusement se faire sentir. Pour démarrer cette deuxième moitié de la compétition, deux films ont été présentés lundi : “Les feuilles mortes” d’Aki Kaurismäki et “Club Zéro” de Jessica Hausner. A Cannes Première, était projeté hors compétition le nouveau film de Victor Erice, “Fermer les yeux”, notre coup de coeur du Festival.

“Les feuilles mortes” d’Aki Kaurismäki

Cela faisait longtemps que le cinéaste finlandais Aki Kaurismäki n’était plus venu à Cannes. Il est de retour cette année avec “Les feuilles mortes”, un titre qui fait évidemment penser à la chanson de Prévert. Si, jusqu’à présent, les films présentés en compétition étaient plutôt longs (record pour “Les herbes sèches” 3h17), le dernier opus de Kaurismäki est relativement court : une heure vingt de poésie. “Les feuilles mortes” est un petit bijou qui mériterait sa place au Palmarès. Le cinéaste finlandais s’attache cette fois à filmer un homme et une femme, deux êtres solitaires, qui peinent à joindre les deux bouts à Helsinki. Elle travaille dans un supermarché mais se fait licencier parce qu’elle a pris de la nourriture périmée. Quant à lui, il est ouvrier dans une métallurgie et boit beaucoup. Avec un collègue de travail, il va le vendredi dans un karaoké. C’est là que son regard croise celui de la jeune femme. Ils se revoient par hasard plus tard ; elle lui donne son  numéro en sortant du cinéma mais il le perd. Il va y retourner souvent dans l’espoir de la revoir. Après plusieurs péripéties et concours de circonstances, ils vont finir par se retrouver pour commencer à vivre une histoire d’amour. La rencontre amoureuse a été abordée mille fois au cinéma mais rarement avec autant de poésie. La vie de cet homme et de cette femme est monotone, triste. A la radio,  ils écoutent les informations sur la guerre en Ukraine. Le monde va mal ; ils s’accrochent alors à cette rencontre providentielle, comme la promesse d’une meilleure vie, à deux. Comme toujours chez Kaurismäki, les personnages parlent peu et ont un humour pince sans-rire. On a envie de croire en l’histoire d’amour de ces deux êtres, meurtris par la vie.

“Club Zéro” de Jessica Hausner

Autre film de la compétition, autre univers. La dernière fois que Jessica Hausner est venue à Cannes, c’était en 2019 avec “Little Joe” qui avait valu à son actrice le prix d’interprétation. L’univers de Jessica Hausner est reconnaissable. Elle apporte un soin tout particulier à l’esthétique, aux décors, aux couleurs. Avec “Club Zéro”, elle nous plonge au coeur d’un lycée privé huppé. Une  enseignante spécialiste de la nutrition (Mia Wasikowska) vient d’être recrutée. Miss Novak, sollicitée par les parents, apprend  la nutrition en pleine conscience, une pratique novatrice qu’un petit groupe d’élèves a intégré, pour des motivations diverses : l’un pour préserver l’environnement, l’autre pour lutter contre la société de consommation, un autre pour acquérir des points et conserver sa bourse d’études. Progressivement, l’enseignante gagne la confiance de ses élèves et prône la monodiète puis le jeûne pour accéder à ce mystérieux club zéro, qui promet la sérénité, voire l’immortalité. Les jeunes ne remettent pas en question les idées de l’enseignante, d’autant plus que leurs parents, le plus souvent très riches et occupés, les négligent. Au-delà de la nutrition, le film aborde plusieurs thèmes et notamment celui de l’endoctrinement et la radicalisation. Il invite à une réflexion sur le rôle des parents. Leurs enfants sont engagés, mus parfois par des intentions louables mais jusqu’où peuvent-ils aller s’ils n’ont pas de garde-fou ? “Club zéro” est un film dérangeant, qui peut mettre mal à l’aise. Il faut le le laisser infuser pour en saisir ses nuances et ses subtilités.

“Fermer les yeux” de Victor Erice, le coup de coeur du Festival

Dernier film de la journée et sans doute le meilleur du Festival. C’est, en tout cas, l’avis de nombreux festivaliers et journalistes présents à la projection. Victor Erice, le réalisateur, n’était pas là mais son équipe (José Coronado, Manolo Solo, Ana Torrent notamment) a pu mesurer l’émotion du public à l’issue de la projection. Le réalisateur espagnol a fait très peu de films en trente ans. En 1992, “Le songe de la lumière” avait remporté le prix du jury. “Fermer les yeux” commence par une magnifique scène : un homme âgé et fortuné convoque un homme (un détective ?) pour retrouver sa fille, en Chine. Il s’agit, en fait, d’une scène d’un film. On comprend quelques minutes plus tard que l’acteur qui interprète l’homme chargé de l’enquête a disparu subitement au cours du tournage. Le film n’a pas pu être terminé. Près de vingt ans plus tard, une émission télévisée d’investigation décide de mener l’enquête et fait appel au réalisateur du film. Ce dernier, usé par le temps, habité par un sentiment d’échec,  va être alors amené à se plonger dans son passé et celui de son ami acteur.  “Fermer les yeux” se savoure lentement, pour se terminer dans une scène qui va entrer dans l’histoire, une mise en abyme qui magnifie la magie et le pouvoir d’émotion du cinéma. Quel dommage que le film ne soit pas en compétition ! Nous sommes nombreux à lui décerner notre Palme.

 

A propos Laurence

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