Ibrahim Maalouf a enflammé la scène Masséna pour l’ouverture du Nice Jazz Festival

Il y avait foule vendredi soir pour la première soirée du Nice Jazz Festival. Dans la pelouse des jardins Albert Ier, devant la scène Masséna, au théâtre de Verdure, le public, de tous âges, semblait ravi de retrouver cette ambiance propre au festival du jazz de Nice. Six concerts par soir, trois artistes par scène, des découvertes, de belles surprises mais aussi des têtes d’affiche très attendues : voilà le programme du Nice Jazz Festival, qui attire toujours autant les publics.

Nice Jazz Festival (crédit photo : Ville de Nice-Julien Veran)

 

Vendredi soir, au théâtre de verdure, les amateurs de jazz ont apprécié le jazz « spirituel » de Nduduzo Makhathini, le nouveau sextet du saxophoniste Emile Parisien, « Louise » et, enfin, ils ont été conquis par les nouvelles compositions du contrebassiste Christian McBride, habitué du Festival.

Du côté de la place Masséna, Lady Blackbird a ouvert les festivités. Toute de noir vêtue, bas résilles et body noir, coiffée d’un chapeau pour le moins original, la chanteuse a interprété, de sa voix grave et envoûtante, les titres de son premier album, aux intonations soul, rappelant Nina Simone, dont elle a d’ailleurs repris le célèbre « Blackbird ». Dans un tout autre registre, la soirée s’est poursuivie avec le génial Curtis Harding. Le public a ovationné cet auteur-compositeur-interprète, batteur et guitariste, qui a enchaîné les titres très efficaces, synthèses de soul, de rock et de blues. Caché derrière ses lunettes noires, il a une véritable présence sur scène et, l’écrire dès le premier soir semble peut-être un peu rapide, il apparaît comme l’une des révélations de cette édition.

 

 

Enfin, pour terminer la soirée, Ibrahim Maalouf a enflammé la scène Masséna, devant un public conquis et prêt à faire la fête. Habitué du festival, il a répété, en entrant sur scène, son bonheur d’être régulièrement invité à Nice pour présenter ses différents projets. Hier soir, ce concert avait une saveur particulière pour le trompettiste libanais puisque, comme il l’a affirmé lui-même, il s’agissait de sa dernière date en France avant l’automne pour ce nouveau projet. Entouré de ses nombreux (jeunes) musiciens, guitarites, bassistes et même un dj, il a donc présenté au public du Nice Jazz Festival plusieurs morceaux de son nouvel album, qui sortira en novembre prochain, « Capacity to love ». Un titre qui parle de lui-même, mettant en avant le bienveillance, la notion de vivre ensemble si importante de nos jours. Pour ce 17e album, il a invité plusieurs artistes à l’accompagner pour des duos. Il en a reproduit certains, très réussis, de manière virtuelle, associant ça et là musique orientale, rap et jazz. La chanteuse brésilienne Flavia Coelho a fait la surprise de venir interpréter sur scène «El Mundo »,  le premier single très dansant et festif de ce nouvel album. Après plus de une heure et demie de concert, où il a su, comme à son l’habitude, créer une complicité avec le public, il a terminé sur trois morceaux, davantage chargés d’émotion : le magnifique « True sorry », puis le titre qui ouvre son prochain album dans lequel il rend hommage à Chaplin dont on entend les répliques, terribles, à la fin du film Le dictateur, et enfin, « Red and Black light », sur lequel il a fait chanter les milliers de spectateurs amassés devant la scène Masséna. Un moment fort pour achever en beauté cette première soirée. Le Nice Jazz Festival a démarré fort !

Ibrahim Maalouf (crédit photo : Ville de Nice-Julien Veran)

Quelques heures avant son concert, nous avons eu la chance de pouvoir rencontrer le musicien aux multiples talents. Très disponible et affichant une belle décontraction, il a enchaîné les interviews dans le jardin Albert Ier. Il a répondu à nos questions sur le Nice Jazz Festival, qu’il connaît si bien, sur son album qui vient de sortir et sur sa volonté de transmettre des valeurs aux jeunes générations.

France Net Infos : Vous êtes un habitué du Nice Jazz Festival. Qu’a-t-il de particulier pour vous ?

Ibrahim Maalouf : Une histoire s’est construite avec le festival. Il m’invite régulièrement pour mes nouveaux projets. Je suis toujours très touché qu’on pense à moi et je le suis encore plus cette fois-ci car je viens présenter une musique qui n’est pas encore sortie en album. On joue les morceaux un peu en avant-première.

France Net Infos : Votre public vous suit dans tous vos projets. Il est très varié : il y a des amateurs de jazz, de musique orientale, des jeunes, des plus âgés…

Ibrahim Maalouf : Il y a même des gens qui n’aiment pas le jazz ! Quand je regarde mon public, j’ai l’impression d’avoir une représentation assez honnête de ce qu’est la société dans laquelle on vit. Il y a tous les âges, toutes les communautés, toutes les couleurs ! Peut-être que cela s’explique par le fait que je collabore depuis plusieurs années avec des artistes venant de mondes très différents et qui s’adressent à des générations très différentes.

France Net Infos : Pour vous, la transmission et le partage sont très importants. Une année, lors de votre venue au Nice Jazz Festival, vous aviez fait monter sur scène des élèves du conservatoire…

Ibrahim Maalouf : La transmission est ce qui m’anime le plus dans mon métier. On est tous de passage ici donc, d’une certaine façon, ce qui crée la fluidité dans notre société, c’est de pouvoir transmettre aux générations d’après, ce qu’on estime être les bons choix, les valeurs qui nous semblent importantes. Je trouve qu’on vit dans un monde qui est de plus en plus violent. Il y a une forme d’adversité constante, qu’on peut voir sur les réseaux sociaux ou dans la rue. Je suis né dans un pays en guerre et je pensais que la violence était finie, et, d’un seul coup, j’ai l’impression qu’il y a des choses qui reviennent comme des traumatismes. J’essaie donc toujours de faire en sorte que ma musique donne envie aux gens d’apprécier la différence, le fait qu’on ne puisse pas être tous pareils, tous d’accord. Dans ma manière de transmettre, j’invite régulièrement des jeunes à monter sur scène avec moi et à partager des moments de vie, ne serait-ce juste que pour que les messages passent.

France Net Infos : C’est donc guidé par cette envie de transmission que vous avez écrit votre livre «Petite philosophie de l’improvisation » ?

Ibrahim Maalouf : Absolument ! Il y a quelques années, j’ai eu cette sensation que mettre des mots, ça pouvait être pas mal aussi ! Je me cache toujours derrière la musique mais parfois on se dit qu’il y a des mots qui sont nécessaires. Ce livre est davantage un témoignage de ce qui me semble essentiel dans le travail que je fais autour de la musique et en particulier autour de l’improvisation. Pour moi, elle est la clé de voûte de tout ce système artistique et social dans lequel j’évolue. Dans le livre, j’explique que l’improvisation est innée. On l’a tous ! On naît avec et parfois on l’enferme et on s’empêche d’improviser à l’école ou avec des parents qui parfois peuvent être stricts. Du coup, on s’oblige à suivre un chemin parce que c’est rassurant pour soi-même et pour les autres. On s’interdit alors de se tromper. Or, pour créér un monde meilleur, il faut apprendre à se tromper. Toute la philosophie de l’improvisation, elle est dans l’acceptation de l’erreur, de l’autre et de la différence. Il y a plein de vérités possibles !

France Net Infos : Vous venez de sortir un album avec Angélique Kidjo. Il avait d’abord été présenté sur scène il y a quelques années. Pourquoi avoir voulu faire de ce projet un album ?

Ibrahim Maalouf : On l’avait présenté sur scène dans quelques festivals, notamment à Jazz à Juan et à Nice dans le cadre du festival C’est pas Classique. Ce projet n’était pas sensé être enregistré. Avec Angélique, on en était tellement fiers qu’on s’est dit que c’était dommage qu’il soit fini et qu’il n’existe plus. On est partis de l’idée de l’immortaliser. J’avoue que je suis très fier de cet album. Je pense qu’on a créé une belle union entre le monde de l’Afrique et du Moyen-Orient. Les deux cultures se réunissent autour du mythe de la rencontre du roi Salomon et de la reine de Saba. C’est une très belle aventure.

France Net Infos : Vous écrivez aussi régulièrement des musiques de films…

Ibrahim Maalouf : J’ai écrit la musique du film de Mohamed Hamidi qui devrait sortir à l’automne. J’avais déjà travaillé avec lui plusieurs fois. Ce film s’appelle « Citoyen d’honneur » avec Kad Merad. J’ai aussi composé pour le dernier film de Gad Elmaleh qui sortira à la rentrée 2023. Je travaille aussi pour d’autres projets pour le cinéma… Je trouve que c’est passionnant. Je produis mes albums et c’est moi qui décide de tout. Quand je travaille pour le cinéma, je ne suis pas seul : je travaille avec un réalisateur, un producteur, des comédiens. Mon travail est partagé est c’est très inspirant !

L’album « Queen of Sheba » avec Angélique Kidjo est sorti en juin. Le prochain, « Capacity to love » sortira en novembre. Après son passage au Nice Jazz Festival, Ibrahim Maaoulf va continuer à présenter son nouveau projet « Capacity to love » au Canada en septembre avant de revenir en France pour une tournée.

A propos Laurence

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