LA REINE ALICE: Lydia Flem

Je ne possède guère cet instinct voyeuriste qui pousse les lecteurs à se pencher sur des récits relatant des luttes contre la maladie quelqu elle soit. La souffrance m’effraye et sa lecture me déstabilise.

la reine alice


Mais j’avoue avoir glisser dans ce registre grâce à Lydia Flem qui aborde le sujet sur le thème du conte. Elle associe avec aisance et bienséance la lutte de la femme au turban avec des personnages de contes qui la soutiennent ou l’agressent.

La reine Alice est une femme qui apprend qu’elle est atteinte d’un cancer du sein et se trouve confrontée à ses angoisses, à la gravité de la maladie, à son incompréhension et surtout à la machinerie médicale. Elle vit ses angoisses à travers le conte, le personnel médical devient un personnage imaginaire. Elle rencontre le Lapin Blanc d’Alice aux Pays des Merveilles en lutte permanente avec le temps, comme l’héroïne lutte face à la chute. Elle multiplie les rencontres insolites : La Licorne, Cherubino Balbozar, le Grincheux, le docteur H, le Chimiste…qui lui permettent de combattre la maladie. Lydia Flem donne une leçon de courage sur la volonté de survivre à la maladie.

Les mots s’unissent pour parfaire un décor de conte merveilleux issu d’un drame. Les phrases illuminent les maux forts du conte. On se laisse bercer par ces parenthèses qui entrecoupent le conte, ils sont le bol d’air de la narratrice mais aussi celui du lecteur qui comprend mieux les méandres de la pensée du malade. Pour une fois, on pénètre le subconscient et l’inconscient voire le désir d’inconscient de l’être en souffrance. Lydia Flem joue avec les mots, les coordonne, les juxtapose avec délicatesse comme une mélodie merveilleuse et parfois incongrue. C’est une joie de vivre qui permet à la Reine Alice de rester vivante.

C’est un paliatif voire un remède à cette lutte de chaque instant, de cette remise en question du soi. Ces interludes imaginaires sont la bouée de sauvage du malade. Cet imaginaire redonne ses Lettres de noblesse à cet acharnement pour la vie. Ce livre est un pur chef d’oeuvre de l’art lié à la science. Je suis admirative.

Voici quelques citations tirées du conte :

” Un instant plus tôt rien n’était arrivé un instant plus tard tout était bouleversé.”

” Dinah, t’ai-je raconté qu’une Licorne m’avait offert un Attrape-Lumière”

” Elle ne maîtrisait plus rien, ni n’arrivait à lâcher prise. Aucune carte, aucune boussole n’étaient en sa possession pour la guider au milieu de cette errance. Si seulement quelqu’un avait pu lui donner un mode d’emploi, un viadique, mais au sein de la tempête, chacun demeurait seul, enfermé dans l’étroite prison de son corps.”

” – Je souffre de souffrir. Comprenez-vous ? Je souffre deux fois, de souffrir et de me voir souffrir…La douleur physique , on ne s’en sent pas responsable, mais l’inquiétude, la peur irrationnelle, elle naît de nous, elle nous colle à la peau.”

” La fiction, celle que l’on invente à voix haute, ou celle que l’on couche sur le papier, la fiction pouvait-elle suspendre la mort, ou du moins en obtenir un sursis? Alors, se jura silencieusement Alice, je commencerais un récit dont l’issue coïnciderait avec ma délivrance et celle de tous et de toutes.”

” Se battre contre soi-même est un combat bien singulier, tellement plus rude à mener que celui de porter le fer chez l’adversaire.”


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