Le premier roman de Julia Brandon : Les passagers

La maison d’édition Lys Bleu propose le premier roman de Julia Brandon. Déjà auteure de nouvelles, cette artiste inspirée par le confinement a décidé de se lancer dans le grand bain des récits longs. En plein été 2021, le livre paraît et révèle un synopsis pour le moins étrange et intrigant. À la suite de la mort de son enfant, le personnage principal, Gustave cherche à ressusciter sa fille Nejma, par le biais de « confiseries » très spéciales aux propriétés surnaturelles. Les passagers forment un roman fantastique, bien ancré dans le réel, avec des références modernes comme les voitures ou des médicaments existant dans notre dimension. En revanche, les noms de lieux sont totalement inventés, ce qui contribue à donner un côté très féerique et distancié.

Ce très long roman s’étale sur plus de trois-cents pages et comprend énormément d’informations. Chaque élément doit être dûment assimilé et mémorisé, afin de saisir l’évolution de chaque personnage. La différence de points de vue est relativement originale, puisque le lecteur suit d’abord la famille Vick, puis se concentre surtout sur le professeur Gustave. Les chapitres sont aérés les uns des autres et l’ensemble est coupé en plusieurs parties, dans le but de séparer les époques et les voyages dans le temps. Cette thématique très risquée sous-entend une maîtrise totale de l’intrigue, si l’on souhaite éviter les fameux « plot holes », que l’on reproche aux fictions présentant la quête de l’exploration du passé, afin de sauver quelqu’un. En l’occurrence, ici, il s’agit de l’enfant de Gustave.

Les passagers, un roman de Julia Brandon

Les passagers : un roman fantastique

Grâce à ses chapitres relativement courts et aérés, la première partie du roman Les passagers apparaît comme un livre fortement nourri par une littérature principalement à destination de la jeunesse, spécifiquement aux adolescents.

Dans une vallée pastorale, le petit Félix semble irrémédiablement attiré par la magie. De plus, il a fait l’expérience incroyable de geler l’eau et a goûté à un bonbon envoûté. Une anecdote digne des contes de Perrault ou Grimm. D’ailleurs, le nom de « Grimal » serait peut-être un clin d’œil à cet univers féerique ? L’enseignant lunatique aurait acheté des sucres d’orge… Une histoire qui peut sembler tout à fait banale, mais qui prend des accents délirants, lorsque le lecteur découvre, incrédule le récit de Félix, le plus aventureux des deux gamins. L’un des deux a l’air plus rationnel et terre-à-terre et il s’agit de Caméo, sa jumelle. Très rapidement, le lecteur comprend que ce héros, Félix, incarne sa différence avec sa famille et les autres. Même si son professeur d’agriculture est réputé pour son caractère revêche et sa tristesse presque représentative du protagoniste, celui-ci l’intrigue. Un ogre dans la forêt vend des « rebrousse-temps », des sucreries qui ont le pouvoir de faire revivre et de plonger la personne goûtant le bonbon dans le temps. Gustave en abuse, et les conséquences sont dramatiques. Dépressif et totalement désemparé, ce veuf a passé 26 ans de sa vie dans un état de désespoir. Consommer cette substance le mène à un projet irréalisable : empêcher la noyade de sa fille chérie. C’est là le cœur de toute l’intrigue, qui va se déployer avec des tentacules parfois complexes. Les connexions qui se font entre les personnages ajoutent des niveaux supplémentaires, des marches à l’escalier que forme le roman. Chaque détail compte et mérite d’être soigneusement assimilé. D’ailleurs, pour mieux apprécier cette lecture, il ne serait pas si bête de prendre des notes pour ne pas s’y perdre !

Dans une ambiance au goût de conte de fée comme Hansel et Gretel et Blanche-Neige, le changement de point de vue entre les acteurs peut s’avérer frustrant, mais porte ses fruits. En réalité, cette stratégie d’écriture peut entretenir le mystère ainsi que le suspense. Au fil des pages, cet aspect très enfantin se dérobe pour exposer et explorer la noirceur et l’ambiguïté de certains personnages.

Julia Brandon

Julia Brandon, une plume créative

Le roman Les passagers traite efficacement de la différence, du poids des erreurs des adultes impactant les jeunes. Au-delà d’une trame comportant de nombreux tiroirs qui se superposent les uns aux autres, ce roman aurait pu faire l’objet d’une trilogie ou d’une coupure en deux tomes. Le personnage de Félix en particulier représente parfaitement l’archétype de l’enfant qui possède un don, un surdoué par exemple — si l’on transpose ce récit fantasy dans le monde réel. Parfois antipathique, il se perd dans ses émotions et sentiments, tout en cherchant profondément à être accepté par sa famille. Cette rencontre avec ce professeur, ce lien d’amitié étrange qui finit par naître entre eux est touchant de complicité.

En définitive, ce premier essai confirme la créativité sans limites de Julia Brandon. Lorsque le lecteur croit avoir le fin mot de l’histoire, une autre intrigue apparaît et les retournements de situation sont particulièrement savoureux. Ce plongeon cruel dans une enfance difficile aborde des thématiques qui parleront aux adolescents, comme le deuil et le pardon, tout en le faisant voyager dans les méandres de l’imaginaire.

A propos Patrick Delort

A lire aussi

De la patate à 100 patates, le guide ultime pour réussir de Maxence Rigottier

Prêts pour un décollage entrepreneurial explosif ? “De la Patate à 100 Patates” de Maxence …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

WP Twitter Auto Publish Powered By : XYZScripts.com