Gary Klang: monologue pour une scène vide

Le nouveau livre de Gary klang, «Monologue pour une scène vide»,  sera bientôt sur les étals pour le compte des Éditions Dialogue Nord Sud. Difficile à classer, ce livre que personnellement j’ai lu presque d’une seule traite : roman, essai, poésie ou tout cela à la fois ?

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Ce livre est un long monologue, réquisitoire kafkaïen contre la médiocrité, contre la mal-vie, contre la corruption de la pensée et  les idées toutes faites. C’est un  livre qui déconcerte au premier abord,  difficile à saisir et  cataloguer tellement  le temps n’y est pas rectiligne.  Il tourne en boucle, va et vient, insaisissable comme les sables de l’ile ou un carrousel de délires.

«Je m’appelle julien Freud, juif sans calotte, aux prises avec une mère qui m’étouffe…»

Tout part de là. La mère surprotectrice  est omniprésente, puis la dictature des tontons macoutes plante le décor. Mais  les femmes et ce «sexe rouge» reviennent sans cesse  le hanter.

Un livre déroutant, qui nous agresse, nous met parfois mal à l’aise mais qu’on ne peut lâcher.  L’auteur, ou plutôt le personnage presque unique autour duquel évoluent des fantômes dans une scène vide,  nous avertit : ce sera «une vaste fresque qui donnerait des  maux de tête même à Dostoïevski. Vous comprenez pourquoi la création traditionnelle n’a pas sa place ici». Donc pas de personnage concret, pas de décor net ou flou, rien qu’une ile vouée au malheur, le Macoutistan, symbolisée par cet énorme poteau surmonté d’un sac de nourriture qu’un homme essaye d’escalader vainement. Et ce juif qu’on ne voit pas mais que l’on sent, que l’on entend éructer, vomir son dégoût et son amertume.

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Écrire est pour le personnage une sorte d’exorcisme, un acte quasi sexuel : « la page blanche est un corps nu offert et l’écriture une copulation»

C’est le livre de l’errance, de l’enfer et de  la folie qui m’a fait penser à Youcef Sebti. Errance du personnage, un juif  qui continue d’errer à travers ses mots improbables  jetés dans un désordre total qui n’est en fait qu’apparent. Car on sent comme une thérapie, un défoulement dans ce chaos ordonné  des idées, prononcées, vomies dans le style de la vocifération, de l’exorcisme. A l’image de cette île, ce Macoutistan où la roue de l’infortune  tourne en rond dans un malheur éternel.

Le personnage est malade. Malade de son île, malade de l’immobilisme, malade de lui même. Il crache, dans un délire irrespectueux : « pour tuer le temps et dire aux idiots que je les emmerde, j’écris ce monologue pour une scène vide».

 Il nous égare, ce personnage, ce juif sans calotte, «Il vous égare dans son imagination tortueuse». Il nous fait découvrir sa souffrance, faite de tous ses échecs : «que d’échecs dans ma vie».  Il ne trouve pas la paix, elle viendrait, cette paix, qu’il lui serait impossible d’en jouir car elle serait rejetée par les démons qui l’habitent. Mais il voudrait impuissamment en être libéré,  être libéré y compris  de ses meilleurs compagnons, les livres, et  ne plus penser à rien. Mais il s’inquiète sans cesse, il «obsessionne».

Et cette obsession du sexe rouge qui revient à travers les pages. «Mon roman est né de la vue d’un sexe rouge» et des twin towers, sexes dressés et castrés. Tout se mélange dans sa tête. Cette Amérique triomphante jusqu’à l’arrogance,«we are the best», et pourtant si fragile, si seule,  et les innombrables écrivains, de Beckett à machiavel, de Proust à James Hadley Chase, dansent dans sa tête jusqu’ à le rendre fou. Et ce chef  tonton macoute, jouissant  de sang et de cris, disant que la reconnaissance est une lâcheté…

Puis le tremblement de terre du 12 janvier 2010.

 À Haïti au soleil dansant sur les sables, au  peuple pourtant si beau et si chaleureux…   «Le temps ne passe pas, il tourne en rond, ce vieux salaud»

Tu as raison, Gary ou plutôt  Julien Freud

silas

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