Coupures : l’écologie vous va si bien

Frédéric est le gendre parfait. Un jeune maire idéaliste. Écologiste et humaniste. Il dirige avec sa compagne Sahar et son beau-frère Eliès une exploitation agricole biologique. Il n’est pas hors-sol, il a la terre dans le sang. Pourtant, il finit par approuver le projet d’implanter des antennes-relais dans sa commune. Pourquoi ? 

Parce que le monde d’aujourd’hui est corrompu. Des membres du Conseil municipal à la Haute Autorité de l’énergie, c’est tous des pourris. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. » Une belle punchline pour se donner bonne confiance face à l’inéluctable réchauffement climatique.

Frédéric veut appliquer la politique pour laquelle il a été élu. Quoi qu’il en coûte. L’issue paraît inévitable à la lecture de ce discours simpliste. Derrière cette critique volontairement populiste, Paul-Eloi Forget et Samuel Valensi questionnent avant tout les limites de l’idéologie face au pragmatisme. “Coupures” est une farce aride qui sème l’espoir d’un renouveau démocratique.

L’écologie contre Goliath

L’agriculture est politique. Comment allier la technologie, la science, le naturel pour une consommation de masse qui doit conserver ses bienfaits biologiques ? Sahar (June Assal) tente d’y répondre dans un magnifique monologue où la foi écologiste se noie dans un réalisme ubuesque. Une récolte naturelle ne peut rien contre une catastrophe naturelle. Dame Nature est indomptable et nous ne sommes que de passage.

Au rythme d’une mise en scène comique, “Coupures” fait de ce conflit domestique une tragédie universaliste. Le combat idéologique de ce petit maire pour le mieux-vivre ensemble se radicalise à des fins personnelles. Est-ce la nature même de l’Homme d’être égoïste ou la politique mondialiste qui nous pousse à le (re)devenir ?

À force de fuir les urnes, on a l’agriculture qu’on mérite. Au public donc de voter. Frédéric est-il devenu un pourri de la politique en acceptant ce projet d’antennes-relais, ou notre défiance collective du pouvoir en est à l’origine ?

L’écologie vous va si bien

“Coupures” expose de multiples questions. Chacune traduit une vision de l’écologie, entre pragmatisme et utopisme. Chaque solution envisagée amène à réformer le système agricole actuel. Tout nouveau monde comporte sa part d’inégalités et d’injustices. L’écolo bobo, arriviste, progressiste, jusqu’au-boutiste, radicaliste, humaniste, je-m’en-foutiste sont le même capitaine d’un bateau voué à chavirer sous les flots d’un idéal.

“Coupures” alterne avec frénésie les ruptures de ton. La mise en scène, épurée et imagée, nous plonge dans nos propres contradictions. On peine à juger le choix de Frédéric, car nous ne valons pas mieux que lui. Sous des airs de pamphlet anticapitaliste, c’est un portrait brut de notre société au service d’une urgence climatique.

Notre maison brûle et nous nous coupons du monde. Que l’écologie de demain soit politique ou que la politique de demain soit écologique, votre voix compte. Mais seule et contre tous, elle ne vous servira à rien. Il est temps d’en prendre conscience. “Coupures” le fait en bousculant notre quotidien. Chaque petit geste compte. Et celui-ci est une réussite.

Coupures
au Théâtre de l’Œuvre

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