Deux mains, la liberté : dans l’ombre de Felix Kersten

1939. Felix Kersten, médecin en thérapie manuelle, exerce auprès d’une clientèle européenne huppée et politique. Sa réputation l’amène à rencontrer Heinrich Himmler, le Reichsführer des SS, qui souffre de douleurs d’estomac. 

1947. Le Congrès Juif Mondial certifie que Felix Kersten a sauvé 100 000 personnes au péril de sa vie. 

Deux mains, une amitié trouble

1960. Joseph Kessel publie “Les Mains du miracle” qui met en lumière cette troublante amitié. Pour autant, Felix Kersten restera dans l’ombre de l’Histoire. Malgré ses actions reconnues, le titre de “Juste parmi les nations” ne lui sera pas décerné.

2022. Antoine Nouel et Frank Baugin tentent une seconde réhabilitation des vies sauvées par Felix Kersten avec “Deux mains, la liberté”. Elle est réussie, car complexe.

Il est difficile de s’entendre rire devant les piques idéologiques que le thérapeute et le chef des SS se lancent avec complicité. Des joutes verbales enflammées qui se clôturent toujours par un sinistre running gag.

Kersten présente ses honoraires, un papier sur lequel est noté une liste de personnes à sauver : 3, 200, 1000.. À chaque fois, Himmler s’emporte devant ce chiffre grandissant, mais finit toujours par tamponner le document, par amitié.

Cette étrange amitié est décortiquée sous une magnifique plume. Antoine Nouel incarne Felix Kersten dans ses moindres fêlures. Plus qu’un héros oublié, c’est avant tout le portrait d’un homme torturé par ses convictions qui nous est offert. “Deux mains, la liberté” n’omet pas les zones d’ombre du thérapeute.

Une liberté en zone grise

Une question reste en suspens tout au long de la pièce. Kersten agit-il par conviction ou par intérêt ? Et le double jeu de Himmler ne facilite pas l’analyse de cette étrange relation. Philippe Bozo joue à la perfection de cette ambiguïté. Derrière ces consultations, il y a les confidences du bras droit d’Hitler qui nous laissent entrevoir un homme pétri de doutes.

Qui manipule qui ?

Il serait facile d’affirmer que la fin justifie les moyens. Il serait également dérangeant d’en déduire que Himmler a profité de Kersten pour se racheter une conscience. Antoine Nouel nous laisse juge de cette relation qui a permis de sauver 100 000 personnes des camps de concentration.

“Deux mains, la liberté” nous transpose dans une zone grise, où le bien et le mal cohabitent. Au chevet d’un monstre qui s’humanise, et d’un thérapeute qui se découvre Juste. Tous deux cherchent à retrouver une liberté. Un jeu de faux-semblants qui ne vous laissera pas indemne.

Deux mains, la liberté
au Théâtre Lepic, jusqu’au 30 avril

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