Le Festival touche bientôt à sa fin. On se souvient que l’année dernière, Titane avait créé le choc le le dernier jour. Vendredi, la compétition de cette 75e édition s’est donc achevée avec la présentation de deux films : Showing up de la réalisatrice Kelly Reichardt et Un petit frère de Léonor Serraille. Enfin, hors compétition, Nicolas Bedos a monté les marches avec son formidable casting (Emmanuelle Devos, Laura Morante, Marine Vacth, Pierre Niney, François Cluzet mais sans Isabelle Adjani) pour présenter Mascarade, son dernier film tourné à Nice et dans ses environs.
Kelly Reichardt, figure du cinéma américain indépendant, a déjà été membre du jury du Festival, mais, étrangement, n’a jamais figuré en compétition. Avec Showing up, un joli petit film plein de délicatesse, elle a donc fait son entrée dans la sélection cannoise, accompagnée de son actrice fétiche, Michelle Williams. Une belle complicité unit les deux femmes, qui collaborent pour la quatrième fois. Dans Showing up, Michelle Williams est Lizzie, une jeune artiste de Portland. Son vernissage de céramiques approche mais elle doit faire face à des imprévus plus ou moins importants : son chauffe-eau ne fonctionne plus, son frère a un comportement imprévisible, son père héberge des amis un peu pot de colle chez lui et ne semble pas trop s’intéresser à son travail, pas plus que sa mère. A tout cela s’ajoute un pigeon, blessé par son chat, que lui donne à garder sa propriétaire. En toutes circonstances, Lizzie fait preuve de tempérance. Toujours vêtue de vêtements un peu difformes et vieillots, elle se montre calme, même quand les circonstances exigeraient de se mettre en colère. Showing up fait bien plus que de montrer une artiste en création, il nous plonge dans une atmosphère apaisante et reposante, qui fait du bien en cette fin de festival.
Après Jeune femme qui avait obtenu la Caméra d’or en 2017, Leonor Serraille était de retour à Cannes avec Un Petit frère, dernier film présenté en compétition. Comme elle l’a dit avec une certaine émotion à la fin de la projection qui a été très applaudie, le film s’inspire de ce qu’a vécu son compagnon, venu de Côte d’Ivoire avec sa mère dans les années 80. En trois parties, elle nous montre, sur trois décennies, le parcours de cette femme et de deux de ses enfants depuis leur arrivée en France jusqu’à nos jours. Rose, la mère (la révélation Annabelle Lengronne), souhaite que ses enfants réussissent en travaillant bien à l’école mais elle a aussi envie d’être une femme libre, qui choisit sa vie et les hommes qu’elle aime. D’abord installée en région parisienne chez des membres de sa famille, elle finit par aller à Rouen avec ses enfants, pour suivre un homme, déjà en couple. L’aîné, Jean, est un bon élève, fort en maths, mais le poids qui pèse sur ses épaules est trop lours et il a du mal à envisager les concours d’entrée aux grandes écoles et se met à dérailler. Ernest, le petit frère, interprété à trente ans par l’humoriste Ahmed Sylla qui s’avère excellent à contre-emploi, plus en retrait, finit par devenir prof de philo en banlieue. C’est à lui que l’on doit la bouleversante scène finale. Leonor Serraille ne va pas là où le thème du film aurait pu la conduire. Et c’est tant mieux. Elle n’appuie pas son propos sur l’intégration sociale en jouant des stéréotypes. Ses personnages, qu’elle suit sur plusieurs années, sont empreints d’humanité, avec leurs parcours chaotique, leurs défauts et leurs erreurs. Elle ne les juge pas. C’est ce qui fait la force de ce film. Arrivé à la toute fin du festival, créera-t-il la surprise ?
La dernière montée des marches était assurée par le beau casting de Mascarade, le dernier film de Nicolas Bedos présenté hors compétition. Isabelle Adjani n’était pas là mais presque tous les autres comédiennes et comédiens ont monté les marches: Marine Vacth, Emmanuelle Devos, Laura Morante, François Cluzet et Pierre Niney. Tourné sur la Côte d’Azur dont il critique les frasques et le culte de l’argent et des apparences, Mascarade suit la trajectoire de plusieurs personnages. Le film commence par le procès de Simon (François Cluzet) accusé d’avoir tiré sur Margot (Marine Vacth), une jeune femme fatale, qui fait tourner les cœurs de tous les hommes. Maîtresse d’Adrien (Pierre Niney), lui-même entretenu par une actrice sur le retour (formidable Isabelle Adjani), elle l’embarque dans des manigances, une grande mascarade, aidée de l’ancienne maîtresse du jeune homme (Laura Morante). L’intrigue est parfois un peu confuse et on peut se perdre dans les motivations des uns et des autres mais il faut bien reconnaître le talent de Nicolas Bedos pour écrire les dialogues et diriger ses comédien. Après Monsieur & Madame Adelman et La Belle Epoque, il a réussi un film savoureux où l’on ne s’ennuie pas un seul instant. En plus, point non négligeable, on voit la Côte d’Azur et ses magnifiques paysages. Il sortira au cinéma en novembre.