Kindnet ou le nouveau réseau social pacifique

« Parlez des autres, pas de vous !» C’est le slogan du nouveau réseau social Kindnet lancé et initié à l’université de Troyes en Septembre 2016 .  Kindnet est un réseau social « inversé » dont le principe fondamental est qu’il n’est techniquement pas possible de parler de soi tandis que la totalité des réseaux existants sont basés sur la création de son propre profil qu’il faut alimenter.

Avec Kindnet il s’agit de s’exprimer sur notre environnement humain, et donc sur des personnes que nous connaissons vraiment, d’une relation plus ou moins proche. Les propos négatifs sont nécessairement proscris puisqu’il ne s’agit pas de dénigrer qui que ce soit.  Pour résumer, il s’agit donc de faire le profil des autres sous un angle positif, et de ne pas parler de soi.» explique Samuel Chauvier, enseignant en communication à l ‘université de Troyes.

Un concept venu de la convergence de plusieurs facteurs,  comme relate le créateur du réseau social « Sans être moi-même titulaire d’un profil Facebook, il m’arrive de regarder celui de ma compagne. J’ai fini par être sidéré de l’égocentrisme des gens. Je me sentais parfois mal à l’aise de voir ainsi étalée la vie de personnes que nous ne connaissions parfois pas du tout, ou très peu, et de les voir aussi ridicules dans leurs mises en scènes. Je me sentais moi-même capable de dire le bien que je pensais des autres, mais je ressentais une forme de « honte » à l’idée d’étaler ma vie en espérant qu’elle puisse intéresser. »

Il souligne également  «Les commentaires sur les réseaux sociaux se font à l’écrit, alors que les gens maîtrisent de moins en moins la « technicité » de l’écrit sur la forme ou sur le fond. Résultat : des propos mal exprimés ou mal compris qui engendrent de l’agressivité à une vitesse incroyable. L’anonymat et l’impunité de tenir des propos violents est insupportable. La banalisation de cette violence est elle-même insupportable. Les gens croient qu’on peut insulter en toute impunité des personnes que l’on ne connaît même pas. C’est sidérant.

« Je pense que notre société dure et souvent injuste engendre des problèmes existentiels, au sens premier du terme. Les gens ont besoin d’exister, c’est d’ailleurs en substance ce qu’il ressort de tous ces réseaux sociaux. La télé réalité donne encore plus à nos semblables l’envie de « venir de nulle part » et d’être mis sous le feu des projecteurs avec une vie faite de paillettes et de strass alors qu’on est « rien », pour reprendre les propos d’une personne connue .Ces problèmes existentiels se traduisent dans les chiffres par une terrible statistique : il y a en France 10500 suicides par an pour 200 00 tentatives !! Nous sommes capables de changer la vitesse sur toutes les routes de France alors qu’il n’y a « que » 3500 morts, soit 3 fois moins. Si les gens se suicident, c’est qu’ils sont en détresse. Certes ces détresses ont bien entendu des origines différentes. Il n’empêche que l’attention portée aux autres limiterait nécessairement le désespoir ressenti par les 550 personnes qui chaque jour font une tentative de suicide en France. » 

Et de poursuivre :« J’ai une devise « soit on râle et on agit, soit on se tait ». Je me la suis appliqué à force de pester contre cet égocentrisme et ces problèmes existentiels et je me suis posé la question de savoir ce que je pouvais faire à mon niveau. J’ai alors eu l’idée en août 2016 « d’inverser » les choses, de dire le bien que je pensais des gens de mon entourage à travers un « autre » réseau social. Le nom m’est venu en tête en trouvant une connotation internationale et positive. J’ai mis en œuvre un projet avec des étudiants de l’IUT de Troyes et un collègue Maître de Conférences en informatique, Jérôme Landré qui a cru dans le concept. Kindnet était lancé en septembre 2016… »

Kindnet va à l’encontre de ce que l’on peut voir sur les réseaux sociaux actuels : davantage de positif, davantage d’appréciation. A la question de savoir si il y aurait une volonté d’éducation à la bienveillance, Samuel Chauvier est clair: « D’éducation pas du tout, mais d’incitation c’est certain. Il ne faut surtout pas être moralisateur. Personne ne peut dire qu’il est « bon ». Moi-même je ne le suis sans doute pas dans de nombreuses circonstances. Il y a des personnes que je déteste, des gens qui me détestent aussi sans doute, et c’est très bien ainsi ! Le but n’est pas « d’édulcorer » la société en mettant du coton partout.

En fait le souhait est surtout que les gens se rendent compte du nombre de personnes agréables qui nous entourent, et de lutter contre la sinistrose. Ceci d’autant plus qu’exprimer du bien sur les autres, c’est aussi se faire du bien soi-même car on se sent tellement mieux dans un climat apaisé ! Je pense avoir en de très nombreuses circonstances une sorte de « filtre positif ». C’est n’est pas du tout la méthode Coué, mais il est certain que c’est l’aspect positif des choses qui me vient en premier. On vit beaucoup mieux, et on dort surtout très bien ! » 

« Il faut déconnecter la démarche de toute « morale » et de toute action éducative. Personne n’est là pour dire aux autres ce qu’ils doivent être, ou penser.J’utilise d’ailleurs très peu le terme de « bienveillance » qui finit par avoir cette forte connotation moralisatrice. Et puis la sur-utilisation d’un mot finit parfois par ne plus lui donner de sens… » insiste-t-il.

Incitation à la bienveillance…sur Kindnet, on ne parle pas de soi mais des autres, on se met à l’écart pour valoriser autrui. Kindnet ne serait-il pas un réseau propice au pacifisme et à l’altruisme ? Très certainement pour Samuel Chauvier : « Cela renvoie à des questions philosophiques : que voulons- nous durant notre court passage sur terre ? Voulons-nous vivre dans l’agressivité et la violence, ou bien dans la détente et le plaisir. La réponse semble tellement évidente ! Alors faisons ce qu’il faut pour, chacun à notre niveau d’autant plus que ça ne coûte rien. C’est assurément une démarche « épicurienne » dans le sens où il faut profiter de notre « insignifiante vie » -au regard des millénaires passés et à venir et des milliards d’êtres humains – pour rechercher les plaisirs, notamment celui de bien vivre ensemble.

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Le réseau s’installe et tend à se démocratiser… à son rythme comme le note Samuel Chauvier: « Nous avons reçu de très nombreux commentaires positifs sur le concept et la philosophie. Quelques centaines de personnes ont créé des profils (pour elles ou pour les autres) lors du lancement dans la presse locale au mois de mars. Car il faut rappeler que la démarche consiste essentiellement à créer un profil pour les autres, et non pas pour soi. Nous avons également contacté les services de l’éducation nationale dans l’Aube. En avril son Directeur s’est montré très intéressé par une action éducative expérimentale pour que les collégiens aient une autre approche des réseaux sociaux, plus pacifiée et positive. » .

Pour autant nous nous trouvons confrontés à une problématique : l’utilisation n’est pas « encore » à la hauteur de ce très bon accueil et de l’adhésion unanime. Nous devons passer ce cap de la « transformation » : faire que les gens ne se contentent pas de trouver l’idée bonne, mais qu’ils utilisent Kindnet. Ceci dit nous ne sommes pas dans une démarche de « satisfaction de besoin », mais « d’envie » de s’exprimer sur les autres, et cette seconde est beaucoup plus complexe qu’il n’y parait. Mais c’est également très intéressant. Dans tous les cas, et contrairement aux autres réseaux sociaux là encore, nous ne sommes pas dans une démarche d’immédiateté, d’ultra réactivité mais sur du plus long terme. Construire le profil des gens que nous apprécions peut se faire sur plusieurs années. Chacun viendra apporter sa contribution quand il le souhaitera, à son rythme. Peut-être sommes nous aussi « avant gardiste », et qu’il faudra du temps pour que les gens changent leurs rapports aux réseaux sociaux, et aux autres…conclut-il.

Plus qu’un réseau social, Kindnet est un outil aspirant au changement de rapport entre les gens et à la positivité. Seriez-vous prêts à vous exprimer sur les autres?  Pour en savoir plus, cliquez ici

Le + 

Sur Kindnet, on ne “like” pas, on ne commente pas, on ne met pas de pouces rouges ou verts… mais on fait  clin d’oeil. Que pourrait signifier ce clin d’œil ? Samuel Chauvier nous en dit plus.

Il a plusieurs origines, et plusieurs significations. Déjà, il est « neutre » et n’a pas de connotations « bien ou mal ». Il est juste l’attestation de passage d’une personne sur un commentaire et d’une sorte de complicité, telle qu’un clin d’œil pourrait l’exprimer entre deux individus. Le clin d’œil est également une manifestation d’interaction telle que nous aimons en avoir. Nous avons longtemps réfléchi à la possibilité de laisser des commentaires, ou non. Les étudiants avec leur culture des réseaux sociaux y étaient plus favorables. Ils se sentaient très frustrés de ne pas pouvoir « commenter un commentaire » ! Mais nous, les « vieux », ne voulions pas retomber dans le travers des réseaux existants pour les raisons évoquées précédemment : mauvaise maîtrise des mots utilisés, moquerie ou agressivité potentielle, ou même niaiserie !

Le clin d’œil est donc le compromis entre l’indifférence, et l’avis.

 

A propos Nuncia Dumorné

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Un commentaire

  1. Un grand merci Nuncia pour l’intérêt que vous avez porté à Kindnet, pour la qualité de nos échanges et celle de votre travail.

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