Un goût d’Amérique : Le canyon de Benjamin Percy

Un vent chaud, venu de l’Oregon, souffle sur la nuque du lecteur. Benjamin Percy, héritier de la verve de Faulkner ou d’Hemingway, transporte son lecteur aux limites des liens familiaux, à la limite des actes de folie.

Les relations familiales sont au cœur de ce roman, avec ses conflits enfouis dans les mémoires, ses remords face aux aléas de la vie. Chaque personnage renvoie à ses propres désillusions, à l’anéantissement de soi, au déni de son être.Paul emmène son fils, Justin et son petit-fils, Graham pour une dernière chasse dans l’Echo Canyon. Cette réserve naturelle sera détruite à la fin du week-end pour laisser place à un complexe immobilier. Cette paisible réunion familiale se transforme très vite en un véritable cauchemar. Chaque homme désire imposer sa place dans la famille, abolir la domination qui gangrène ce trio. Mais, la nature a aussi son mot à dire. Elle désire aussi faire valoir ses droits.

Les tensions physiques et mentales paralysent et accentuent cette impuissance à vouloir tout contrôler. Le canyon isole les êtres, les renvoie à leur impuissance à communiquer. Chacun reste bloquer dans ses retranchements. La communication est rompue. Jusqu’à la fin du roman, le lecteur guette le moindre évènement déclencheur d’une crise sans précédent. Il s’inquiète pour tel ou tel personnage, scrutant le moindre indice susceptible de mener à sa perte. Benjamin Percy joue avec ses personnages de manière psychologique, renvoyant ainsi son lecteur à ses propres angoisses, à sa relation filiale ou paternelle. Cette immersion dans le canyon aura pour but de mettre, aussi, les hommes face à cette nature qui les domine. L’homme n’appartient-il pas au règne animal ?

Benjamin Percy aborde de manière appuyée le thème de la guerre en Irak. Il dépeint un soldat blessé qui doit se réadapter à la vie normale. Bryan vit dans ses souvenirs, les cauchemars qui le hante. Il est marqué à vie par une cicatrice au front qui le mutile physiquement mais aussi mentalement. Il pose la question du retour difficile des soldats et de leur intégration dans une société qui les a fermé dans un cadre, comme le canyon enferme les hommes dans leur propre détresse.

Ce roman redéfinit les limites de l’homme face à ses propres choix, ses positionnements personnels, ses rancœurs et ses désirs. La limite de l’esprit face à sa propre mort dynamise le roman. Laissez-vous enfermer par ce canyon qui a bien des révélations à vous faire !

Voici quelques citations tirées du roman :

 » Et puis Troy a commencé à raconter qu’à son retour du « théâtre »- c’était par ce mot qu’il continuait à désigner la guerre, le théâtre-, il avait pris l’habitude de porter son uniforme.  » Vous le faites jamais? Juste le mettre pour retrouver la sensation, l’odeur? Remplir son sac de pierres, marcher au pas dans son jardin et faire le salut à un arbre? » Il a souri, un peu gêné par cet aveu. »

 » Le vent pousse les nuages dans le ciel et siffle dans les branches. Il plaque leurs vêtements contre leurs corps et dessine des motifs dans la poussière. Justin regrette le calme du fond du canyon et voudrait que le vent s’arrête. Il a quelque chose d’importun, de presque menaçant, faisant bruire les broussailles et plier les branches des arbres dans sa course précipitée. »

 » Il se dirige vers la porte à présent, se retrouve dans l’éclat douloureux du jour. Il a conscience que regarder en soi-même c’est un peu comme regarder à l’intérieur d’une serrure; on n’y retrouve que l’obscurité et un labyrinthe de confusion. »

A propos Mikael Buffard

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