Un mythe moderne par Roger Baillet : Terpsychore ou la légèreté de l’être

L’ancien professeur devenu romancier Roger Baillet n’est pas à son premier coup d’essai. Avec ce roman court et atypique (Terpsychore ou la légèreté de l’être), l’auteur livre une sorte de récit de vie, suivant le parcours spécial d’une femme qui l’est tout autant. L’écrivain a déjà publié de nombreux textes dans la collection « Amarante », comme Michel-Ange ou la sculpture de l’être en 2012. « L’être » est une notion qui obsède l’artiste, tout comme les beaux-arts. Très attaché aux œuvres classiques de la littérature européenne et aux grands noms italiens, Roger Baillet met un point d’honneur à traiter ces sujets dont il est évidemment fan et cela se sent, cela s’observe aussi dans sa bibliographie.

Terpsychore ou la légèreté de l’être est un récit court, qui retrace le parcours de son héroïne. Il ne vaut mieux pas se fier à son prénom sur sa carte d’identité : Marie-Madeleine. Au cours du roman, celle qui s’autoproclame « Alba » va connaître des changements radicaux. De sa naissance physique à son épanouissement personnel, il lui faudra de nombreuses années pour se trouver. Cette recherche de l’identité, de ce soi — est très particulière pour cette femme autiste à l’intelligence vive. Son esprit est sans cesse stimulé par les arts, qu’il s’agisse de la musique, de la danse ou bien des forces de la nature.

Terpsychore ou la légèreté de l’être – Roger Baillet

L’histoire d’une vie compliquée

La vie n’a pas été facile pour cette enfant qui a grandi sans sa famille, dans des foyers sociaux. Placée dans des familles différentes tout au long de son existence, Alba est élevée dans un contexte religieux. Elle connaît le travail très tôt, notamment à l’EHPAD. La réalité est ainsi faite : le train-train quotidien matérialiste et capitaliste coûte cher. Pour remédier à ses problèmes financiers, Alba vend ses charmes et sa compagnie auprès d’hommes fortunés dont Jean-Pierre. Un client qui va s’avérer spécial, qui s’exprime particulièrement bien et qui incarne une certaine idée de la sagesse. Ce Pygmalion l’entraîne en Russie, où elle sera confrontée à la cruauté des hommes et à leur violence. Malgré des situations dangereuses, la sexualité de la belle rêveuse s’épanouit plus que jamais.

Loin de se cantonner uniquement au genre masculin, sa clientèle compte aussi des femmes. Son voyage en Espagne aborde la bisexualité — certains personnages comme Maïssa traitent des sujets tabous tels que la femme musulmane et homosexuelle.

L’auteur Roger Baillet a déjà écrit l’amour entre femmes, notamment dans le roman fictif historique Vivaldi ou l’évanescence de l’être. Au sein d’une école qui forme les violoncellistes proches du compositeur, l’héroïne Camille s’éprend d’une amie. La romance est également charnelle et consommée.

Le destin d’Alba

Ce roman court est un récit de vie où les rencontres se font et se perdent : des personnes gravitent autour de ce personnage très crédible qu’est Alba, une femme exceptionnelle au destin peu banal. Des choix peu conventionnels, qui captivent le lecteur. Malgré un format relativement bref qui laissera peut-être le lecteur sur sa faim, ce livre propose une échappée intense dans la vie d’une globe-trotteuse qui s’est construite sur des bases instables et des obsessions qui semblaient liées à l’enfance, mais qui perdurent.

Finalement, Alba est une grande enfant qui se complaît dans la poésie et la danse, en s’éloignant des codes académiques. En rejetant d’emblée ce prénom qui lui a été imposé à la naissance, elle décide de son propre chemin.

Un message universel

Cet ouvrage se lit rapidement et facilement, grâce à un style sans tournures lourdes et descriptions interminables. Ce roman se destine à un public averti, en raison de son caractère sexuel et ses rares mots crus. Il est porteur d’un message universel, qui s’adresse aux lecteurs et lectrices, peu importe leur genre et leurs origines. Il faut toute une vie pour se chercher, et nous sommes les propres bâtisseurs de la statue que nous sommes. L’art imite la vie, la vie imite l’art : au sein de cette boucle parfaite, le spectacle de l’existence est un théâtre. Difficile de croire au concept de la destinée !

Au-delà du récit réaliste, Roger Baillet démontre une fois de plus ses talents de conteur. Cet auteur a plus d’une corde à son arc, puisque son profil érudit donne du coffre aux voyages racontés dans ses livres. Ce roman ressemble à une longue lettre ou un journal intime revisité. La vie quotidienne prend une saveur unique, quand elle est expérimentée par une grande enfant, hypersensible et douée.

Chaque nouvelle étape du parcours d’Alba apporte son lot d’informations, et chaque maillon de la chaîne se succède avec logique. Pourtant, le livre semble s’arrêter brusquement. Cette fin ouverte pleine d’espoir laisse rêveur.

Irrémédiablement, le lecteur sera aussi amené à se questionner sur sa propre vie et sur ce qu’il est, qui il est au plus profond de lui. Est-il vraiment maître en sa demeure ?

Roger Baillet exploite ses compétences à bon escient avec ce livre détaillé et riche, qui fait honneur aux passions qui l’animent : la danse, la sculpture, le chant et l’être. En conjuguant une forme moderne et des figures ancestrales, le résultat apparaît comme atemporel.

 

Le site de l’auteur : https://rogerbaillet.fr/

A propos Patrick Delort

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