A moi seule : rencontre avec Frédéric Videau et Reda Kateb

« A moi seule » est à l’affiche cette semaine, le nouveau film de Frédéric Videau, scénariste et réalisateur originaire d’Angoulême. Ce drame ne prétend pas refléter la réalité, mais donne une vision particulière de la relation entre une victime et son bourreau. A la fois pudique, lumineux et parfois dérangeant, « A moi seule » soulève des sujets tels que la paternité, l’éducation et l’épanouissement adolescent à travers le prisme de l’enlèvement. Le film fera probablement parler de lui par les débats qu’il suscite. Frédéric Videau et l’acteur Reda Kateb, qui interprète un des rôles principaux, ont répondu à quelques questions.

Synopsis 

« Gaëlle est soudain libérée par Vincent son ravisseur, après huit années d’enfermement, où chacun a été « tout » pour l’autre. Cette liberté gagné jour après jour contre Vincent, Gaëlle doit à nouveau se l’approprier dehors, face à ses parents et au monde qu’elle découvre. »

Reda Kateb et Frédéric Videau

Reda, comment, dans le contexte actuel, avez-vous accepté de jouer le rôle d’un ravisseur ?

R.K : J’ai d’abord commencé par le refuser. J’ai lu le scénario et j’avais l’impression d’avoir lu le film de travers c’est-à-dire en y voyant de la perversité. En réalité il s’agit plus de tension affective sous un angle particulier. Concrètement je n’avais pas envie de jouer de cette manière, tout en reconnaissant la qualité du scénario et celle des dialogues. Frédéric a insisté pour et m’a parlé de importante sur les personnages, sur l’idée de paternité absolue et la solitude qui pousse Vincent à commettre l’irréparable. Au fond Vincent veut être un éducateur, un père et que la victime s’en sorte. C’est à ce moment là que j’ai saisi la complexité du rôle.

Frédéric, vous abordez l’enlèvement sous le désir de paternité, comment avez-vous eu cette idée ?

F.V : Le désir de paternité sommeillait en moi et j’avais envie de le raconter dans un film, de raconter à quel point décider d’être père engage entièrement. On commence un voyage dont on connaît le début, l’arrivée de l’enfant dans sa vie, mais dont on sait qu’il n’y a pas de fin. Cela bouleverse, c’est violent, des sentiments contrariés et contrariants peuvent monter comme la colère, de la douceur, de l’amour, de la détestation, de l’irritation. Reda était l’homme de la situation, capable de détourner le personnage attendu et l’amener vers la douceur, l’humanité et la vie.

Reda, comment êtes-vous entré dans la peau du personnage ?

R.K : Psychologiquement, le scénario contenait une trame précise et j’ai eu la chance de tourner les scènes dans la chronologie donc d’évoluer avec le personnage. C’est la façon dont j’aime travailler, de se laisser surprendre par des scènes, par ma partenaire de jeu. Souvent je réalisais ce qu’était le personnage après avoir fait une prise, puisqu’il passe de la douceur à la violence parce qu’il a peur et panique. C’est un homme qui a un projet de construire quelque chose en enlevant cette enfant. Tout en la retenant prisonnière, il lui donne les armes qui font qu’elle partira un jour.

Quelque part Vincent a éduqué sa victime, elle s’est construite, puisqu’elle devient une adolescente qui veut quitter ses parents. C’est particulier comme paternité, non ?

F.V : Non, je pense que c’est la clé de toute paternité. Sortons du film, un père digne de ce nom, apprend à ses enfants la désobéissance et c’est ce que raconte Reda.

R.K : Quand j’étais étudiant j’ai lu une phrase à laquelle je pense : « vos enfants ne sont pas vos enfants, ils sont les fils et les filles de la vie qui a soif de vivre encore et encore ». Dans le film, on a l’impression qu’il y a un lien d’amour entre le ravisseur et Gaëlle mais que la communication manque. Par moment le jeu père-fille disparaît et Vincent est perdu parce qu’il ne se prend pas pour et ne veut pas être un violeur.

Le fait que Vincent ne soit pas un violeur, est-ce pour le déculpabiliser de son acte d’enlèvement ?

F.V : Je n’ai pas cherché à l’excuser ou à justifier quoi que ce soit. Le spectateur peut éprouver une certaine forme d’empathie pour quelqu’un qu’à priori on condamnerait. Parce qu’il est complexe et n’est pas assoiffé de sang, cela fait entrer le spectateur dans son intériorité et peut éprouver une sympathie pour lui-même si cela nous dérange.

Quand Gaëlle sort après huit ans de captivité, on comprend que la famille est déchirée. Comment fait-elle face à cela ?

F.V : A ce moment là le film pose la question de la famille, c’est-à-dire de quoi est-elle faite, du sang, de lien, d’habitude, de quotidien ? La période de construction adolescente Gaëlle le vit loin de ses parents, avec son ravisseur. Elle sait d’où elle vient, ce qu’elle a vécu mais est assez forte pour partir et faire sa vie.

Propos recueillis par J.T.

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