En garde à vue : à malin, manipulé et demi

Nous sommes en France un soir de réveillon de Noël dans le commissariat de police d’une petite ville de l’Atlantique. Le maire de la ville, Monsieur Bergerot, est convoqué en tant que témoin pour le viol et l’assassinat de trois jeunes filles. Le commissaire Toulouse et l’inspecteur Berthil qui mènent l’enquête sont persuadés de la culpabilité de Bergerot. Ils le mettent en garde à vue.

Après “12 hommes en colère“, Charles Tordjman adapte un nouveau classique en huis-clos. César du meilleur scénario (Michel Audiard), meilleur montage, meilleur acteur dans un second rôle (Guy Marchand), et meilleur acteur (Michel Serrault) en 1982. On ose à peine imaginer la pression sur les épaules de Thibault de Montalembert (Mathias Barneville, “Dix pour cent“), Wladimir Yordanoff (futur patron des services secrets français dans “OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire“), Francis Lombrail (1 des jurés dans l’adaptation de “12 hommes en colère”), et Marianne Basler (vu dernièrement sur scène avec “L’Autre Fille“).

Passer respectivement derrière les pas de Michel Serrault, Lino Ventura, Guy Marchand, et Romy Schneider ; sur papier ça doit foutre les jetons. Charles Tordjman ose alors un parti parti visuel radical, pour mieux s’éloigner de la mise en scène millimétrée de Claude Miller. Et ainsi nous faire vite oublier le film d’origine. Au lieu de reproduire un commissariat, la pièce se déroule dans un décor épuré aux murs difformes. On tend vers l’abstraction, ce qui peut troubler dans un premier temps, reflète à merveille les rouages complexes de l’âme humaine.

Garde à la vue de tous

Un décor épuré, une mise en scène minimaliste, une lumière brute mais graphique. Vous secouez le tout, et vous obtenez une adaptation à fleur de peau qui tient en haleine. Seul hic, le rythme peut paraître au début un peu poussif. On a du mal à sympathiser avec les deux policiers, à ressentir une curiosité pour Monsieur Bergerot. En raison d’une lumière quasi-neutre, dont la froideur nous laisse trop spectateur. Et puis la magie opère : un bon mot de Francis Lombrail, une réflexion sèche en retour de Thibault de Montalembert, et la fausse bonhommie de Wladimir Yordanoff prend tout son ampleur. De simple interrogatoire, on assiste à un minutieux jeu d’échecs. Au rythme de faux-semblants, d’aprioris, et de vérités mensongères.

Charles Tordjman réussit à créer une atmosphère oppressante, à nous piéger entre les moulures d’un commissariat. Les portraits s’enchainent tout en finesse, où les ombres se déploient à pas feutrés. Le moindre déplacement de Monsieur Bergerot est suspect. Thibault de Montalembert incarne à merveille un homme de pouvoir, dont le bagout cache mal une peur grandissante. La complicité entre le commissaire Toulouse et l’inspecteur Berthil est jouissive. Mais c’est sans contesté Wladimir Yordanoff qui tire le plus son épingle de ce jeu psychologique. Un bijou de non dits derrière son sourire, de colère froide noyée dans son alcoolisme. Un maître de la bienveillance assassine. Grâce à sa prestation, “En garde à vue” se déguste avec un plaisir coupable.

En garde à vue
Du mardi au samedi – 21h / Le dimanche – 15h30, au Théâtre Hébertot
Avec : Thibault de Montalembert, Wladimir Yordanoff, Francis Lombrail, et Marianne Basler
+ d’infos : ici

A propos Yohann.Marchand

Mail : yoh.marchand@gmail.com Insta : yohann___marchand

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