« Je suis la fille qui a perdu sa jambe », c’est par ces mots que débute (Im)possible, le livre de Pauline Déroulède paru en septembre dernier aux éditions Harper Collins. La jeune femme s’est souvent livrée dans les médias pour raconter son histoire. Après avoir été fauchée par un automobiliste nonagénaire, elle a été amputée de la jambe gauche. C’était en 2018. Entourée de sa famille et de sa compagne, elle s’est battue pour continuer à vivre et elle s’est fixée un objectif : devenir championne de haut niveau. Elle est ainsi devenue championne de France de tennis fauteuil. Cet été, elle a participé aux Jeux paralympiques de Paris. Un rêve devenu réalité. Nous avons rencontré Pauline Déroulède à Monaco, lors de la dernière édition du Sportel. Elle nous a parlé de son livre et de son combat pour la sécurité routière, toujours autant d’actualité.
France Net Infos : Le titre de votre livre résume très bien votre parcours et votre tempérament…
Pauline Déroulède : Je tenais beaucoup à ce titre. En effet, il résume mon parcours. C’est un peu la définition de ce qui m’est arrivé ces cinq dernières années. Ce qui était impossible à vivre et à surmonter a été transformé en quelque chose d’autre.
France Net Infos : Vous avez souvent parlé de votre histoire dans les médias. Pourquoi avez-vous eu envie d’écrire un livre ?
Pauline Déroulède : C’était important de montrer l’envers du décor pour que ça résonne chez d’autres. Mon but, c’est d’être utile ! Avec ce livre, je voulais raconter tout ce que je n’avais pas dit, parce que je n’y étais pas prête ou que je n’avais pas le temps suffisant. Avec le livre, j’étais maître de mon timing et des mots que j’employais. C’étais très important pour moi de « déshéroïser », si je puis dire, l’image qu’on peut coller à un parcours comme le mien. Effectivement, je me suis relevée mais je suis passée par plein d’étapes. L’idée, c’était de livrer à travers mon expérience, tout ce par quoi je suis passée. C’est normal de ne pas aller bien et de pleurer. Je voulais aussi parler des personnes qui m’ont aidée, qui ont été à mes côtés. Le plus beau compliment qu’on puisse me faire, c’est quand des gens qui connaissaient mon histoire, me disent qu’en lisant le livre, ils ont pris conscience de la place de ceux que j’appelle les victimes de l’ombre. C’est le sens que je voulais donner à ce livre. Bien sûr, j’ai été blessée, mais, à côté, il y avait aussi ma famille, ma compagne, Tiphaine. La place qu’elle occupe n’est pas reconnue dans notre société alors qu’elle est très importante. Pour moi, les victimes de l’ombre sont les véritables héros de l’histoire.
France Net Infos : C’est pour vous proches, pour ces victimes de l’ombre que vous vous êtes accrochée au début…
Pauline Déroulède : Comme je respirais encore et que j’étais en vie et entourée, au début, je restais pour les autres et pas forcément pour moi. C’était une première raison de me battre. La notion de temps est importante. Je vois bien que je ne suis pas la même que celle que j’étais il y a un an et encore moins il y a cinq ans. C’est aussi ce qu’on vit qui fait évoluer. La colère que j’avais au départ, je l’ai transformée en moteur pour un combat d’utilité publique. Ma volonté première dans ce livre, c’était de me livrer de manière très intime, avec pudeur, mais en toute transparence et sans langue de bois. « Je suis la fille qui a perdu sa jambe » : le livre commence par cette phrase et c’est encore comme ça que je me définis aujourd’hui.
France Net Infos : Dans votre livre, vous faites aussi référence aux soignants…
Pauline Déroulède : Tout au long de mon parcours, j’ai vu des soignants sortir de leurs rôles. Certains m’ont massée jusqu’à m’endormir, d’autres m’ont consolée. Ce sont des rencontres humaines extrêmement fortes. C’est la beauté dans le drame.
France Net Infos : Depuis peu, vous faites parties des ambassadrices de la Maison Dior. Q’est-ce que cela vous fait ?
Pauline Déroulède : Dans des magazines, peut-être que les petites filles verront des modèles qui n’existaient pas auparavant. J’ai l’impression de participer à l’évolution du regard qu’on peut porter sur la différence et sur le handicap dans la société.
France Net Infos : Vous allez rencontrer des enfants dans des écoles. Que vous disent-ils ?
Pauline Déroulède : Dès que je peux, je vais dans des écoles pour parler aux enfants. Mon premier métier, c’était de donner des cours de tennis à des enfants. J’étais déjà dans cette démarche d’instruire. Les enfants m’ont presque aidée à me réconcilier avec mon corps. J’aime bien raconter cette anecdote : un jour, un enfant m’a dit que j’avais une jambe de super héros ! Je pense que l’une de mes missions, c’est de répondre aux questions des enfants sur mon handicap et sur ce qui m’est arrivé. Les enfants n’ont pas de filtre !
France Net Infos : Après les Jo, vous avez repris votre combat pour que le permis de conduire ne soit plus à vie…
Pauline Déroulède : On rencontre beaucoup de personnes. On a comme objectif de préparer une proposition de loi pour l’Assemblée l’année prochaine. On s’est donné comme échéance le printemps 2025. Il y a encore eu d’autres drames. On avance mais il y a tout un travail de l’ombre…Je suis confiante !