Entretien avec Laurent Charliot sur “L’Année du Rock”

57272-Couv seuleNous vous avions annoncé voilà quelques jours, la sortie du livre “L’Année du Rock Français 2014/2015” prévue le 6 novembre. Nous retrouvons aujourd’hui son auteur, Laurent Charliot, pour nous parler de cette nouvelle aventure, et bien sûr, du rock. Une bonne occasion pour comprendre ce nouveau projet.

Après le rock nantais vous vous tournez vers le rock français. Enfin un livre pour défendre le rock de chez nous ! Qu’est ce qui vous a motivé à vous lancer dans cette aventure ? Tout d’abord je pense que j’avais un peu fait le tour de la scène régionale, avec deux livres sur la scène nantaise et deux sur la scène bretonne, et j’avais envie de raconter une autre histoire, celle de la scène française, animée par plein d’artistes que je connais bien, que je côtoie régulièrement. J’avais aussi envie d’apporter une réponse à ceux que j’entends parfois dire qu’il ne se passe pas grand-chose en scène nationale, alors que celle-ci n’a jamais été aussi riche. Il est important d’aider les gens à être curieux…

Présent autour de la scène depuis les années 80, on peut se demander pourquoi avoir attendu 2014 pour sortir “L’Année du rock français” ? Alors pourquoi ? Justement peut-être parce qu’il fallait que je me “rôde” sur des sujets que je maîtrisais beaucoup mieux de prime abord. J’ai fait de la musique effectivement à Nantes dans les années 80, j’ai grandi au milieu des Dolly, Elmer, Dominique A et Philipppe Katerine, sur scène puis dans l’amitié. Donc j’avais  cette légitimité pour écrire leur histoire. Puis ils sont devenus des artistes nationaux, et m’ont fait rencontrer des artistes de la scène française, et aujourd’hui, je ressens cette même légitimité, celle de faire partie du sérail, qui fait que les artistes se dévoilent peut être davantage car ils savent d’où je viens.

On retrouve de nombreux intervenants dans votre livre. A t’il été  facile de mobiliser les différents spécialistes à votre projet ? Comment avez-vous opéré ? Eh bien très sincèrement, cela c’est fait plus facilement que je l’imaginais… Par le sérail toujours. J’avais imaginé ma “dream team” journalistique, des auteurs que j’apprécie particulièrement et j’avais de plus “sélectionné” pour leurs connaissances et la diversité de leurs points de vue. De Christophe Conte des Inrocks à Phil Lageat de Rock Hard Magazine, un grand écart. J’avais récupéré les contacts de chacun d’eux et j’avais préparé mon petit discours pour leur vendre le projet, et tout d’abord me présenter. Hors, et ce fût la surprise, tous connaissaient mes ouvrages régionaux. La plupart les avaient chez eux. Cela a été facilitateur et ils m’ont tous dit oui.

Un tel travail demande certainement du temps. Il faut être à l’affût de l’actualité musicale et très à l’écoute. Comment gérez-vous ce temps de préparation ? Oui cela nécessite de ne rien laisser passer tout d’abord. Ensuite, de faire des choix. Non pas par goûts ou affinité, mais véritablement par rapport à l’actu et l’importance sur cette année passée de chaque artiste. Et surtout, n’oublier aucun style. D’où l’importance de ce travail d’équipe, avec des spécialistes du rock, de la pop, du rap, du metal, de l’electro, de la chanson, etc…

Le contenu demande une certaine sélection de groupes ou artistes. Sur quoi vous êtes vous basé pour préparer le livre ? Sur l’actu et le rayonnement de l’artistes. Ce livre est réalisé sur le même principe que l’année du cinéma ou l’année du football. Quand le PSG gagne le championnat de France, que l’on aime ou pas le style du PSG, il mérite la couverture du livre et une belle place en pages intérieures. Pour autant, il y a les seconds couteaux, la ligue 2, la Nationale aussi… Les espoirs, ceux qui feront l’actu demain. C’est à partir de cela que nous avons sélectionné les artistes présents, selon certaines rubriques. Les “Ténors” pour les Shaka Ponk ou Skip The Use par exemple, qui remplissent des Zéniths. De même que Fauve, révélation 2014 avec pas moins de 20 bataclans consécutifs. Mais aussi ceux qui “ont fait l’actu”, de Christine and The Queen à Gush, en passant par Alb ou Woodkid. Puis il y a des chapitres sur les styles musicaux (French Pop, French Touch, reggae, metal etc…) et sur les principales villes françaises, ainsi on oublie peu de monde…

Il est certes difficile d’évoquer tous les artistes dans un livre. Que pouvez-vous dire à ceux qui auraient apprécié d’être cité dans “l’Année du rock 2014/2015” ? Continuez, car on se remet au boulot pour l’édition 2015-2016 dans quelques semaines !!! 

Pensez-vous déjà au 2ème tome ? Oui, l’idée est vraiment de faire une collection, un référent, que l’on classera dans sa bibliothèque, côte à côte, et qui sera le témoin de l’évolution de la scène française, année après année.

laurent-charliot1Certains distinguent le rock français et le rock en français. Accordez-vous une importance particulière à la langue de Molière ? Avez-vous une préférence ? Non ! Clairement et définitivement…. C’est un livre sur les artistes français, la vitalité de la scène française. Qu’elle s’exprime en français ou en anglais m’importe peu, je n’entre pas dans ce débat. Je ne suis ni franchouillard ni chauvin, je n’écoute pas que des artistes français, ni que du rock d’ailleurs…

Aujourd’hui la scène n’a certainement jamais eu autant de groupes. Comment expliquez vous cela, alors qu’il n’est pas spécialement plus facile de se faire connaître aujourd’hui, même s’il y a l’existence d’internet ? Expliquer ce phénomène prendrait des heures et des lignes de cet article, cela revient à rappeler les bases sociales et culturelles de l’histoire du rock, ici ou ailleurs. L’accès plus facile et démocratisé à la musique, à l’instrument, notamment. Dans les années 60, les pionniers du rock français travaillaient six mois pour s’acheter un instrument, se débrouillaient sans école de musique, sans institutions fédératrices. Aujourd’hui on achète une guitare neuve à 60£, d’occasion à 25£ et les villes offrent de nombreuses opportunités de cours et de rencontres entre musiciens. Puis bien sûr, internet est un formidable outil pour décupler de manière exponentielle la visibilité des artistes.

Certains groupes locaux ont dû mal à s’exporter, à jouer et donc à se faire entendre. Comment faire pour donner sa chance aux groupes et les aider à faire ce qu’ils veulent : de la musique….plutôt que de la promo, qui prend beaucoup de temps et qui use aussi ? Se fédérer, comme cela se fait brillamment à Nantes, ville  que je  connais bien. Se regrouper, autour de projets institutionnels, ou privés, pour se professionnaliser, puis déléguer la promotion comme le booking, à un copain ou un professionnel local, pour ne faire que ce que l’on sait bien faire.

Il y a bien sûr certains groupes comme Skip the use et Shaka Ponk qui connaissent un certain succès. Mais il faut bien admettre que jouer dans un groupe de rock, n’est pas si porteur que cela et que beaucoup galèrent. Vous qui avez une certaine expérience dans le milieu, j’ai toujours l’impression  qu’en France, le rock est toujours plus ou moins mis à l’écart… Avez vous aussi cette impression ? Tout dépend où l’on place le curseur et le niveau de la galère… Bien sûr que tout le monde ne remplit pas des Zéniths et n’engrange pas des salaires de stars. Au niveau scène rock nationale, les artistes qui vivent grassement de leur art se comptent sur les doigts des deux mains. Pour autant, Est-ce-cela que l’on attend quand on se retrouve avec ses potes dans un local pour créer, faire ses premiers concerts, son premier disque. N’est-ce-pas plutôt faire librement ce qui nous plaît le plus, quitte à être smicard, mais vivre la route, les concerts, la création ? A ce titre, du coup, ils sont nombreux à avoir réalisé leur rêve et à tourner ici, en France mais aussi dans le monde entier.

L’origine du rock vient d’une certaine rebellion. Le rock d’aujourd’hui est t’il toujours rebelle ? Pour moi, aujourd’hui comme hier d’ailleurs, cela reste une image d’Epinal. Vous voulez la liste des musiciens de rock célèbres, des années 60 à nos jours, qui crachaient leur révolte sur scène et dont le père était chirurgien, patron d’une grande industrie ou notaire ? Vous seriez surpris !!! (rires)….

Il y avait le rock’n roll dans les années 50 et 60. Ensuite l’émergence du hard rock et le punk un peu plus tard. Aujourd’hui le rock est très diversifié. A quoi définit t’on qu’un groupe fait du rock ? Ah, la question que je redoute le plus, mais je n’y coupe jamais !!! (rires). Le rock c’est quoi ? Qui sait y répondre ? On le dit mort ou moribond chaque jour ? Et renaissant de ses cendres chaque lendemain. Le rock ce n’est pas l’énergie, ce n’est pas les guitares ce n’est pas la révolte. J’ai croisé des artistes de chanson bien plus rock’n’roll que bien des combos à guitares et jeans trouvés !!! Etre rock, c’est pour moi ne pas calculer, ne pas se dire ça va plaire ou ne pas plaire, c’est prendre des risques, ne pas demander si un morceau de 4 minutes c’est pas trop long pour passer en radio. Quand j’écoute le dernier album de Mooodiod, Feu Chatterton ou Christine and The Queens, c’est du rock, c’est ambitieux, s’ils avaient calculé, ils n’auraient jamais  sorti ces albums. Mais c’est un grand sujet, aussi, vous le remarquerez, le livre s’appelle “L’Année du rock français”, et en dessous “et autres musiques actuelles”. Comme ça je suis tranquille…

Après toutes ces années au service de la scène rock, quels principaux souvenirs en gardez-vous ? Que c’est une grande famille mais un tout petit monde. Que tout le monde connaît tout le monde, que les questions existentialistes restent les mêmes au fil du temps (moins de café concerts ou pas…, pour ou contre l’institutionnalisation des structures d’accompagnement, la gratuité de la musique sur le net, l’intermittence, etc…). Les bons souvenirs, ce sont toutes ces rencontres, avec des artistes différents, et des amitiés qui se sont forgées au fil du temps, des Elmer à Dolly, d’Indochine à Eiffel, de Deportivo à Jeanne Cherhal.

Quelles rencontres vous ont le plus marqué ? Peut-être le jour où Philippe Katerine a débarqué chez moi en plein campagne nantaise, pour une interview. C’était en 2003, son époque classieuse à l’anglaise, costard années 40 et pantalons cigarettes, avec la vieille ami 8 empruntée à son père… un moment de grâce !

Que peut-on vous souhaiter ? Suffisamment de succès à cette première édition pour qu’on ne se pose aucune question à la pérennité des éditions suivantes, et toujours prendre autant de plaisir à rencontrer ceux qui font la scène française !

Merci. Merci à vous !

A propos Guillaume Joubert

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