Tomas Gubitsch à l’Espace Caravelle de Meaux

PIO0122Tomas Gubitsch, star du rock à 17 ans au sein du groupe argentin Invisible est un artiste complet et au parcours impressionnant. Né en 1957 à Buenos Aires, l’artiste, compositeur, guitariste virtuose, arrangeur et chef d’orchestre, avait été recruté par Astor Piazzolla en 1977 pour l’accompagner sur sa Tournée européenne, alors qu’il n’avait que 19 ans. C’est à l’occasion de sa venue sur Meaux, où il se produira le 17 janvier 2015 à  l’Espace Caravelle, que l’artiste nous livre une interview pour évoquer son parcours, mais aussi son spectacle.

Né à Buenos Aires, vous avez joué au sein du groupe rock argentin Invisible à 18 ans seulement, et avez été rapidement reconnu comme virtuose. A 19 ans, Astor Piazzolla vous recrute. Comment avez-vous vécu cela ? Pour le musicien qui commençait à s’intéresser au tango ‘contemporain’ que j’étais, jouer avec Piazolla, le fondateur et plus brillant représentant de cette mouvance, était tout simplement un rêve. Et que cela m’arrive si jeune, sans aucun doute une énorme chance.

Pouvez-vous revenir sur ces années de musicien lorsqu’à 20 ans seulement, on joue dans le monde entier ? J’ai vécu ce qu’on pourrait appeler un début de carrière inversé : mon (presque) premier concert a eu lieu devant plus de 12 500 personnes, et ce avant même de traverser l’Atlantique pour rejoindre Piazzolla. Rétrospectivement – et c’est le cas de beaucoup de musiciens, je suppose -, je crois qu’il y avait un grand décalage entre ma maturité musicale et ma maturité tout court. Je vivais tout ça avec le même naturel avec lequel on reçoit un rêve. 
En 1977 vous vous installez en France, en pleine mouvance punk. Ces années vous ont t’elles marquées ? Ces années m’ont certainement plus marquées par mon exil à 19 ans que par le punk ! La France de la fin des années ’70 était bien plus accueillante pour les artistes – et de façon générale – qu’elle ne l’est aujourd’hui. De ce fait, la France, pays qui est devenu depuis le mien aussi, était encore un phare de la culture mondiale, rôle historique s’il en est. Cette ambition culturelle semble bien délaissée de nos jours. 
Que retenez-vous de ces années en compagnie d’Astor Piazzolla ? Outre le privilège d’avoir partagé la scène avec un musicien de son envergure et de m’imbiber de sa musique, je crois que le fait de l’avoir côtoyé m’a permis d’accepter son influence et, paradoxalement, de désidéaliser son héritage. Je pense que les deux choses sont importantes : savoir d’où on vient et savoir prendre de la distance par rapport à ses origines.
En 1990, vous avez mis un terme à votre carrière de guitariste pour vous lancer dans la composition mais aussi la réalisation d’albums et ce n’est qu’en 2004, que vous avez repris la guitare. Comment on relance la mécanique après autant d’arrêt ? Les doigts ne doivent plus répondre aussi bien …. Quant on pratique un instrument depuis son plus jeune âge, c’est un peu comme le vélo ou le ski, la mémoire du corps est étonnamment persistante. Pour la reprise de la guitare, c’est vrai tout de même qu’au début ça fait un mal aux doigts, détail que j’avais oublié…Nous, les instrumentistes, sommes un peu comme des sportifs de haut niveau, mais de certaines parties du corps : le bras, les mains, les doigts, la gorge, etc… Notre préparation physique est un peu du même ordre, et remettre ou maintenir la mécanique en route nécessite un de patience et de beaucoup d’heures de travail.
Vous avez une carrière incroyable, de guitariste virtuose, vous êtes passé du compositeur, autant de diverses musiques que de musique de séries et de publicité, au chef d’orchestre. On peut dire que vous êtes un touche à tout. Comment expliquez-vous ce besoin d’aller un peu partout ? de composer pour toutes sortes de choses ? Je parle plusieurs langues et j’aimerai en parler d’avantage. Chaque langue porte en elle une vision du monde qui lui est propre. La même chose arrive avec les diverses expressions de la musique. “Aller voir ailleurs” est toujours extrêmement enrichissant.

thomaPeux t’on dire que ce côté touche à tout se retrouve dans votre musique qui mélange notamment le tango au rock ? Il y a du tango et du rock, sans doute, mais je me reconnais bien d’autres d’influences, allant de la musique baroque jusqu’à l’électro. En matière musicale, toute frontière qui empêche de rentrer, empêche également de sortir. Dans le monde musical, les sonorités immigrées sont les bienvenues, on les écoute tout autant que celles “bien de chez nous”.

Vous serez sur scène à Meaux en janvier prochain. Vous serez seul ou accompagné ? J’aurai le privilège de partager la scène avec deux musiciens extraordinaires, Juanjo Mosalini, l’un des plus birllants bandonéonistes actuels, et Eric Chalan, son alter-ego contrebassiste. Ce sont mes compagnons d’aventures musicales depuis une bonne dizaine d’années, c’est avec eux que j’ai partagé je ne sais plus combien de concerts à travers le monde. Je crois que cette complicité qui nous nit dans la vie de tous les jours transparait lorsque nous jouons ensemble.

Où puisez vous votre inspiration après toute ces années ? En général, les musiciens arrivent un jour à une certaine saturation…En est t’il de même pour vous ? Je serais incapable de répondre à la question des sources ou des déclencheurs de l’inspiration. Je le vis plutôt sous une forme d’envie de “fabriquer des nouveaux trucs qui sonnent”, et il y a tant de nouvelles musiques à imaginer que ce désir trouve toujours un nouveau terrain d’aventures fertile. Je ne suis pas en train de dire que composer soit toujours quelque chose de facile à faire, mais il me semble inenvisageable qu’une activité aussi passionnante puisse me fatiguer un jour. Le concept de “prendre sa retraite” m’est totalement étranger, la seule chose que je souhaite est plutôt de ne jamais arrêter de faire de la musique tant que je suis en vie.

Pouvez vous décrire votre spectacle ? Qu’allez vous proposez ? De nouvelles compositions ? de l’innovation ? Nous ne donnons jamais deux spectacles identiques, cela fait parti d’un certain goût du risque que nous partageons avec Juanjo et Eric. Chaque concert est unique pour chaque spectateur, mais il l’est également pour nous. J’estime que nos enregistrements sont là si l’on a envie d’écouter exactement la même chose plusieurs fois, mais le spectacle vivant à la qualité de l’éphémère, un moment où nous sommes extrêmement perméables et attentifs à chaque auditeur pour lequel nous jouons. Dans le cas précis du spectacle que nous donnerons à La Caravelle, je crois savoir que les voix de quelques poètes qui comptent dans ma vie viendront se mêler à nos musiques, à moins que ce ne soit le contraire….En tout cas, on a hâte d’y être !
 

 

A propos Guillaume Joubert

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